Ce petit recueil de documents concernant la situation politique dans la Chine actuelle contient des rapports établis par Amnesty International, le Centre tibétain pour les droits de l’homme et de la démocratie, Human Rights Watch, Human Rights in China, The Laogai Research Foundation et Rsf même. De nombreux aspects sont passés en revue dans des textes généralement courts, très lisibles et informatifs, mais relativement peu fouillés au plan de l’analyse (il s’agit surtout de dénoncer de bien réels et massifs abus). Les nombreuses exécutions capitales (15 000 à 50 000 par an), la répression de l’agitation ouvrière, le contrôle étroit des journalistes mais aussi de l’Internet (messages supprimés rapidement des forums de discussion, dizaines d’arrestations d’internautes, etc.), les nouvelles formes de détention (usage politique de la psychiatrie, par exemple à l’encontre des adeptes de l’école bouddhiste du Falungong), la répression des minorités tibétaine (condamnation à mort « avec sursis » en 2002 du leader bouddhiste Tenzin Delek Rinpoche, accusé sans preuve sérieuse d’un attentat terroriste) ou ouïghoure, les rapatriements forcés de réfugiés nord-coréens inspirent quelques-uns des chapitres les fournis.
L’intérêt est aussi de donner, parfois, la parole aux intéressés, soit qu’ils s’ingénient à agrandir leur espace d’autonomie et de discussion (textes d’internautes, pétition d’intellectuels), soit qu’ils se posent en opposants frontaux : les mères de victimes de la place Tian’anmen (juin 1989) demandant un réexamen global de cette « victoire sur la contre-révolution » et, plus encore, les quelque deux cents membres (déclarés) d’un Parti démocratique chinois actif de 1998 à 2000, rapidement décimé par les arrestations puis les condamnations de ses promoteurs (jusqu’à douze ans de prison).
La principale faiblesse de l’ouvrage est sans doute sa négligence des discriminations fondées sur l’inégalité sociale. Un seul texte en parle, à propos des tentatives des autorités de nombreuses grandes villes de priver d’école les enfants des quelque cent millions de migrants qui cherchent à pénétrer leur marché du travail, de façon à limiter leur afflux. Les écoles publiques tendent à refuser leur inscription, ou à leur imposer des frais exorbitants, cependant que les écoles privées spécialisées sur lesquelles ils se rabattent sont parfois fermées d’autorité.
Un autre problème de fond provient du manque de recul historique, ou même de contextualisation sérieuse de la plupart des textes. Comment situer les faits évoqués dans la profondeur de l’espace chinois, et dans la (dis ?)continuité de l’histoire de son communisme ? Deux interprétations sous-jacentes (l’une pessimiste — rien ne change jamais —, l’autre moins — ça change, mais c’est lent et insuffisant —) sont évoquées, mais pas départagées, dans la préface à deux voix. Marie Holzman entend uniquement dénoncer ce qui va mal, et appeler le gouvernement français à davantage de fermeté face à Pékin. Cependant que le dissident Liu Qing entreprend de montrer la complexité d’une situation des droits de l’homme qui indique certaines avancées récentes, les moindres n’étant pas l’émergence d’une société civile autonome (mouvements locaux de citoyens, pétitions…), la prise d’indépendance de certains journalistes et même « l’amorce de reconnaissance, par le gouvernement chinois, de l’écart existant entre la situation des droits de l’homme en Chine et les standards internationaux » (p. 10). Simultanément la répression s’accentue dans certains milieux (syndicalistes indépendants, internautes…).
On s’avouera plus convaincu par cette seconde vision. Que les défauts de la Chine actuelle soient bien plus visibles que ceux de celle de Mao n’impliquent pas qu’ils soient plus graves, mais simplement que la Chine de 2005 est assez aisément pénétrable. C’est le minimum à ne pas oublier.