« Getting Away with Torture ? » (« Torturer et s’en tirer »), c’est sous ce titre que vient d’être publié, le 24 avril 2005, le dernier rapport de Human Rights Watch (Hrw) concernant les enquêtes en Irak, en Afghanistan et à Guantanamo.
Un an après la découverte des tortures dans la prison irakienne d’Abou Ghraïb, un an également après la diffusion des premières photographies de ces tortures (le 28 avril 2004), Reed Brody, conseiller juridique de Hrw constate que
« les soldats qui sont tout en bas de la chaîne de commandement sont poursuivis […], alors que ceux qui se trouvent en amont de la chaîne et qui élaborent ce genre de politique s’en sortent indemnes. Ce n’est tout simplement pas normal. [Ces] exactions, commises dans plusieurs pays, ne sont pas le fruit d’actes individuels de soldats qui transgressent les lois […]. C’est le fruit de décisions prises par de hauts fonctionnaires américains en vue d’enfreindre, d’ignorer ou de rejeter les lois ».
Rappelons que, jusqu’à maintenant, seuls quelques soldats de second rang comme Charles Graner et Lynndie England ont été traduits en justice. Le rapport de Hrw insiste sur la nécessaire nomination d’un procureur indépendant pour enquêter sur les rôles de Donald Rumsfeld (secrétaire à la Défense), George Tenet (ancien directeur de la Cia), le général Sanchez (l’ex-commandant en chef des troupes américaines en Irak) et le général Miller (l’ancien commandant en chef du camp de prisonniers de Guantanamo à Cuba).
Dans un point de vue publié dans les pages « Rebonds » de Libération (28 avril 2005), Reed Brody rappelle que
« dans le cadre de la Constitution américaine, le seul homme compétent à engager des poursuites judiciaires ordinaires en la matière, le ministre de la Justice, Alberto Gonzales, est le même homme qui affirma au président Bush que la guerre contre le terrorisme, “rendait obsolètes les restrictions imposées par les conventions de Genève sur la question du statut des combattants/prisonniers ennemis”. […] Les cours martiales américaines compétentes pour juger les officiers militaires auraient besoin de l’aval de… Donald Rumsfeld. C’est la raison pour laquelle les organisations de défense des droits de l’homme ont appelé l’administration Bush à nommer un procureur spécial et indépendant de l’administration américaine chargé de l’enquête sur les éventuelles violations commises ».
Extrait de l’« Introduction » du rapport Getting Away with Tortures ?
« It has now been one year since the appearance of the first pictures of U.S. soldiers humiliating and torturing detainees at Abu Ghraib prison in Iraq. Shortly after the photos came out, President George W. Bush vowed that the “wrongdoers” will be brought to justice.
In the intervening months, it has become clear that torture and abuse have taken place not solely at Abu Ghraib but rather in dozens of U.S. detention facilities worldwide, that in many cases the abuse resulted in death or severe trauma, and that a good number of the victims were civilians with no connection to al-Qaeda or terrorism. There is also evidence of abuse at U.S.-controlled “secret locations” abroad and of U.S. authorities sending suspects to third-country dungeons around the world where torture was likely to occur.
To date, however, the only wrongdoers being brought to justice are those at the bottom of the chain-of-command. The evidence demands more. Yet a wall of impunity surrounds the architects of the policies responsible for the larger pattern of abuses.
As this report shows, evidence is mounting that high-ranking U.S. civilian and military leaders – including Secretary of Defense Donald Rumsfeld, former Cia Director George Tenet, Lieutenant General Ricardo Sanchez, formerly the top U.S. commander in Iraq, and Major General Geoffrey Miller, the former commander of the prison camp at Guantánamo Bay, Cuba – made decisions and issued policies that facilitated serious and widespread violations of the law. The circumstances strongly suggest that they either knew or should have known that such violations took place as a result of their actions. There is also mounting data that, when presented with evidence that abuse was in fact taking place, they failed to act to stem the abuse.
The coercive methods approved by senior U.S. officials and widely employed over the last three years include tactics that the United States has repeatedly condemned as barbarity and torture when practiced by others. Even the U.S. Army field manual condemns some of these methods as torture. »
On peut lire en ligne :
Le rapport complet (en anglais) de Hrw Getting away with Torture ? sur le site de Human Rights Watch.
Le résumé en français de ce rapport.
L’article de Reed Brody (« Abou Ghraïb, un an après : l’impunité ») dans le numéro de Libération du 28 avril 2005.