Le 1er janvier 2007, prendra probablement effet cette nouvelle carte décrivant le zonage des Aides à Finalité Régionale (Afr).
Comme chacun le sait, les Afr relèvent d’un dispositif réglementaire européen qui encadre les possibilités d’aides publiques aux investissements productifs des entreprises : bâtiments, terrains, équipements, salaires des emplois liés aux investissements et charges correspondantes. Contrairement à celles relevant d’approches purement sectorielles, ces aides sont attribuées et leur taux est modulé en fonction de la localisation de l’entreprise bénéficiaire. Les pouvoirs publics de chaque pays se chargent ainsi de définir les zones qui, sur la base de critères adéquates, pourront être éligibles dans le cadre de ce système d’aides. Il s’agit en général de régions dans lesquelles l’activité économique, quoique certaine, connaît quelques faiblesses et le dispositif des Afr vient de ce fait prendre le relais de l’actuelle Prime à l’Aménagement du Territoire pour les projets industriels (Pat « industrie »).
L’élaboration du zonage Afr s’est faite, en France, de manière décentralisée. Il a été demandé à chacune des vingt-deux régions de proposer un zonage approprié aux conditions économiques de son territoire. Après examen interministériel, le Premier ministre a validé le zonage final. La coordination de l’ensemble du processus a été confiée à la DIACT (Délégation Interministérielle à l’Aménagement et à la Compétitivité des Territoires), anciennement connue sous le nom désormais caduc de Datar (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale).
Outre les questions liées à la géographie de l’économie régionale, les zonages régionaux devaient obéir à deux types de critères, les uns déterminant l’étendue de la zone couverte par le biais de la population qu’elle rassemble, les autres déterminant sa forme. Le premier critère attribuait à chacune des régions un « montant de population » : la totalité des territoires englobés dans le zonage régional ne devait pas excéder une quantité d’habitants fixée a priori. Le second critère portait sur la taille des unités territoriales élémentaires du zonage. C’est à ce sujet que la carte française fait une fois encore la preuve, si nécessaire, du « génie français »…
En effet, la France a choisi de « zoner à la commune ». Contrairement au zonage Pat actuel (2000-2006), fondé sur les zones d’emploi, et à la différence d’autres zonages, basés sur des unités territoriales relativement grandes, celui des Afr s’appuie donc sur une maille territoriale fine dont on sait l’origine ancienne et dont on pointe souvent de manière critique l’inadaptation à la gestion moderne des territoires. Fort logiquement, cette approche revient à distribuer les aides à une échelle plus précise, mieux à même de toucher les zones potentiellement concernées par le dispositif. Le montant régional de population est ainsi « dépensé » en limitant le gaspillage que provoquerait un zonage appuyé sur des territoires plus étendus mais aussi plus divers, englobant dans la plupart des cas des communes sans activité industrielle significative et structurante.
Comme le montre la carte présentée [1], le résultat de la campagne de délimitation est toutefois surprenant au regard de ce que l’on entend habituellement par « zonage ». S’il est en effet courant d’associer ce terme au découpage d’un territoire en régions présentant une certaine unité selon un point de vue déterminé, il n’est en revanche pas rare que les zones retenues aient une forme plutôt « géométrique », convexe, dont le dessin privilégie la compacité et la sobriété des lignes sur l’arabesque. C’est d’ailleurs un reproche fréquent fait au zonage que de trancher dans le vif de l’espace géographique, reléguant au second plan le respect des subtilités de la géographie locale. Le zonage des Afr que vient de proposer la France à la Commission européenne ne ressemble pas à cet archétype. Au contraire, à quelques exceptions près, sa forme dendritique semble suivre assez précisément le tracé des réseaux qui arment le territoire national, couvrant pôles urbains et grands axes routiers.
On comprend aisément que le dessin chantourné de ce zonage tient à la finesse de l’échelle communale qui lui sert de base, combinée à un impératif de contiguïté et à une taille minimale des zones. Suivant les réseaux régionaux, ses concepteurs sont ainsi « allés chercher » les territoires productifs (hors agriculture), et l’image obtenue in fine est en quelque sorte celle d’une France urbaine et productive hors des grandes métropoles ou des aires dont le dynamisme économique n’a pas besoin d’être aidé en priorité. Notons que l’on puisse à ce sujet raisonner à l’inverse et aider aussi les « régions qui marchent » (les « départements à taux réduit » sur la carte) ; ce que Jacques Lévy a évoqué dans un article célèbre intitulé « Oser le désert » (Lévy, 1994). Mais remarquons que c’est aussi là une des caractéristiques du zonage proposé, du fait de sa finesse, que de cibler les territoires « en marche », laissant de côté ceux qui sont moins bien placés vis-à-vis d’un développement industriel futur. L’implantation des entreprises le long des réseaux et le caractère réticulaire de l’espace national tendent ainsi à se renforcer mutuellement, espace national dont on sait la faible densité moyenne, en comparaison par exemple des espaces appartenant à la dorsale européenne.
Le zonage français fait donc preuve d’astuce et d’innovation, œuvrant à une meilleure efficacité économique des subsides européens en s’adaptant à la réalité de la géographie économique française, et plus généralement aux spécificités du territoire français. Seule exception notable, mais c’est une habitude : la Corse, zonée intégralement…
On trouvera les directives de zonage à l’adresse suivante :