Croiser une réflexion géohistorique et une pédagogie du jeu peut sembler additionner les risques. Les faits ont prouvé que ce pouvait être multiplier les fertilisations.
L’analyse de la démarche concrète peut se faire successivement du point de vue scientifique et dans la perspective de son apprentissage. Cette distinction ne signifie pas qu’il n’y a pas de capacité créatrice dans le travail scolaire, mais qu’elle consiste en un cheminement pour retrouver et non trouver.
Une BD scientifique en quatre temps.
L’objectif est de comprendre une transition, celle du passage de l’Empire romain aux « Royaumes barbares » du Haut Moyen-Âge. Un modèle en rend compte en quatre moments qui peuvent être caricaturés en quatre figures :
La représentation ci-dessus ne prétend pas à rendre compte d’une histoire spécifique, celle de l’Empire romain, à la différence de la planche qui l’a inspirée (Grataloup, 1996, figure 4 p. 28-29). On pourrait juste considérer que la direction du nord étant implicitement indiquée par le haut des cercles, on a bien une partition entre Orient et Occident, survivance du premier et fractionnement du second au profit de territoires nouveaux et plus petits. Mais on peut faire tourner le cercle sans modifier le raisonnement : on est bien en présence d’un modèle géohistorique prétendant à quelque généralisation.
De fait, on pourrait l’appliquer à bien des empires « indiens » à cheval sur la plaine Indo-gangétique et l’Asie centrale, comme l’illustre la figure 2.1. du volume Afrique du Nord – Moyen-Orient – Monde indien de la Géographie universelle (1995, p. 263). Le même modèle serait également opératoire pour les empires africains soudano-sahélien, des épisodes de l’histoire chinoise, etc.
Si l’on veut pousser un peu le passage du caractère général de ce modèle à la spécificité qui a pu exister aux deux bouts de l’Ancien Monde (Rome et la Chine), on peut tenir compte des effets d’oppositions de façades.
Trois cheminements pour une tension entre les deux dimensions du scolaire.
En organisant les travaux de groupes selon trois façons de suivre le même itinéraire, on tente de répondre à une nécessité pédagogique, celle de l’adaptation aux compétences immédiates des différents élèves. La réponse est d’autant plus efficace que les écarts de compétences ne sont pas perceptibles d’un groupe à l’autre et que le cheminement est effectivement le même mais en mobilisant des savoirs-faire différents (dessiner-conceptualiser, combiner des formes données pour construire les mêmes concepts, sélectionner les figures déjà faites pour les faire coïncider avec les étapes du raisonnement). La où l’ambition n’est jamais diminuée, c’est justement dans la construction du cheminement conceptuel, du modèle géohistorique ; seules les capacités formelles peuvent varier et exiger plus ou moins de temps. Dans tous les cas, l’avantage du « jeu » pédagogique est conservé (EspacesTempsLes Cahiers, 1984) : la discussion, la négociation entre les participants d’un même groupe provoque une nécessité de justifier les choix d’abord entre pairs. Le rôle de la manipulation – au sens le plus littéral du terme – est toujours essentiel ; en l’occurrence on pense simultanément avec ses mains et avec ses mots.
Il y a donc bien du didactique, de la construction de compétence voulue, dans le pédagogique. Loin de se parasiter, les deux dimensions de la production de l’apprentissage s’articulent bien ici. Et, pour cela, la transposition d’un outil du champ savant est justement possible, parce qu’il était fondé sur un modèle qu’on peut exprimer d’une façon simple et/ou complexifier selon la tension entre le général et le particulier.