Les Printanières constituent chaque année un moment fort dans le fonctionnement de la revue EspacesTemps.net ; rassemblant le comité de rédaction et l’ensemble des acteurs de la revue, ouvertes à tous et toutes, elles constituent une occasion de mise en pratique de l’interdisciplinarité au cœur du projet de recherche sur lequel se fonde la revue. C’est aussi, comme cette année, l’occasion d’expérimenter des croisements et rapprochements avec d’autres champs, comme ceux des arts.
Trois thématiques seront au programme pour cette édition : la traduction ; images, naturalité, scientificité, politique ; et les relations entre corps et espace. Chacune d’entre elles est d’abord abordée par deux ou trois intervenants et donne ensuite lieu à une discussion. Les textes seront publiés, après expertise, dans EspacesTemps.net.
Les printanières se tiennent dans l’Université Rennes 2 (Campus Villejean, Place du Recteur Henri Le Moal) en salle A 022. L’entrée est libre dans la limite des places disponibles. Pour toute information, contacter : marc.dumont@uhb.fr ou herve.regnauld@uhb.fr.
Programme détaillé.
Lundi 26 mai.
Après-midi (14h-17h) : « Traduire les/en sciences sociales » (resp. Jean-Paul Maréchal)
Cette demi-journée interroge la traduction dans le champ des sciences sociales à l’écrit comme à l’oral. Le problème abordé n’est pas l’éventuel impérialisme d’une langue scientifique dominante par rapport à des langues supposées mineures. Nous partons de l’idée que les langues, indépendamment de leur prestige scientifique, sont également aptes à permettre à un chercheur en sciences sociales d’exprimer sa pensée. Cela implique de réfléchir d’une part à la traduction d’articles ou de chapitres d’ouvrages scientifiques, d’autre part à la production d’exposés scientifiques dans une autre langue que la langue maternelle du chercheur, dans le cadre de conférences internationales par exemple.
Depuis Quine et son ouvrage Le Mot et la Chose, chacun sait que la traduction scientifique est pleine de lièvres et qu’il existe des significations qui sont indécidables, au moins au sens où deux traductions non équivalentes font également sens, avec la même pertinence. À l’oral, le contact visuel avec les interlocuteurs permet de lever l’ambiguïté rapidement. À l’écrit, sans co-spatialité entre l’auteur et le lecteur, le double sens, l’équivoque est inévitable. Comment accorder l’exigence de rigueur scientifique avec la pluralité possible des significations ? Est-il indispensable de faire dépendre la scientificité d’un article de l’univocité de ses contenus ?
Les principaux contributeurs à cette réflexion seront Patricia Heulot, professeure agrégée (PRAG) de philosophie à l’Université Rennes 2, spécialiste de la traduction d’allemand en français, et Frank Barbin, maître de conférences en traduction et anglais à l’Université Rennes 2.
En soirée (18h)
Vernissage de l’exposition « Nature Ouessant, lecture de paysage » à l’École européenne supérieure d’art de Bretagne, site de Rennes (Rue Hoche). Exposé de Caroline Cieslik.
Mardi 27 mai.
Matin (9h30-12h) : « Images, naturalité, scientificité, politique » (resp. Hervé Regnauld)
Les images (peintures, photographies, etc.) qui « représentent » des paysages construisent une image de la nature et de ce qui la définit. Actuellement, la nature est souvent perçue comme « naturelle », c’est-à-dire éloignée de l’anthropisation, porteuse d’une sagesse, ou préservatrice de milieux menacés. La naturalité, au sens de ce qu’une culture définit comme naturel, est ainsi largement affaire de représentation, et donc de contexte scientifique et politique. Cette demi-journée propose une réflexion sur le rôle des représentations plastiques dans la construction de normes scientifiques et/ou politiques, qui à leur tour et en retour définissent la nature.
Le débat ne porte pas sur la notion de réalisme mimétique, dont les astuces picturales et visuelles ont été exposées par Gombrich dans L’Art et l’Illusion. Notre débat commence immédiatement à l’amont : dès lors qu’il existe des images réalistes (ressemblantes par illusion d’optique), quels rôles jouent-elles dans la formation de l’œil du scientifique en sciences sociales, et comment influencent-elles ses travaux et prises de position ? Quand l’objet des images est le côté, la dimension naturelle des paysages, quelles conséquences cela peut-il avoir sur les politiques de la nature ?
Avec l’intervention de Mathilde De Laage, doctorante à l’Université Rennes 2 : « Naturalité, représentation et géopolitique : la frontière algéro-marocaine sous la colonisation », et de Catherine Ranou, plasticienne.
Après-midi (14h-16h30) : « Corps et espace » (resp. Marc Dumont)
Le corps est devenu, depuis quelques années, une thématique à part entière, voire centrale, en sciences sociales. Sous l’effet du tournant linguistique et pragmatique, la réappropriation de la phénoménologie a permis d’en introduire une lecture des dimensions sensibles et perceptives. La géographie humaniste, avec entre autres les recherches d’Antoine Bailly en France, a rendu attentif aux dimensions de l’espace vécu au niveau intra-individuel. Les écrits pionniers de Michel Foucault ont dégagé la manière dont le corps représente un espace de pouvoir, saisi dans les pratiques de normalisation croissante du souci de soi et de la biopolitique. Les cultural studies, postcolonial studies, puis gender studies ont grandement complexifié ces premières approches, d’abord en anthropologie, puis en sociologie, et plus récemment en sciences politiques et en géographie culturelle, avec des travaux sur l’espace des sexualités, sur la construction normée du genre, ses effets d’imposition et de stigmatisation, de production de déviances. Ces approches renouvellent notamment les différentes lectures des inégalités ou des rapports de pouvoir et de domination.
Autour du corps, un large champ de recherche s’est dégagé, parallèlement à un regain de philosophies hédonistes et à l’émergence de nouveaux métiers plus attentifs aux dimensions proprioceptives et kinesthésiques des corps (ergonomes, acousticiens, etc.). De nouvelles notions ont également émergé, comme celles du bien-être ou du confort, venant renouveler certains champs de recherche (mobilité, conflits, nuisances, inégalités, etc.) encore marqués pour certains, il est vrai, d’un spatialisme prégnant postulant l’effet mécanique de l’environnement sur le corps. Ces notions sont aussi venues réinterroger les frontières disciplinaires avec des croisements entre les sciences sociales, la psychologie de l’environnement, le champ de la santé…
C’est donc cette intersection, très large, entre corps et espace (physique ou non) que nous souhaitons questionner à l’occasion de cette seconde partie des printanières : comment ces intersections et interactions sont-elles pensées ? Quelles sont les avancées dans ce domaine de recherche ? Quels nouveaux objets dessinent-elles ?
Avec l’intervention de Florence Huguenin-Richard, maîtresse de conférences à l’Université Paris-Sorbonne, et d’Anne Volvey, professeure à l’Université d’Artois.
Illustration : skoeber, « a tree, rapeseed and tracks », 29.04.2012, Flickr (licence Creative Commons).