Le point de vue de l’informatique.
Le source (contraction de code source) d’un logiciel informatique est sa forme la plus compréhensible pour les êtres humains. Les ordinateurs utilisent la forme exécutable (ou binaire) du logiciel, qui est créé à partir du source par le biais d’un compilateur. Quand on installe un programme, on installe un exécutable. Tous les logiciels ont leur source, qui est soit distribué librement (logiciels open source, ou ouverts), ou bien gardé secret, dans la plupart des cas pour des raisons économiques.
Les sources pour un programme sont comme l’adn pour les êtres vivants : ils décrivent tous les comportements possibles et dévoilent tous les secrets du programme. Pour cette raison, les logiciels ouverts sont objectivement plus fiables que les logiciels fermés : le source étant disponible, ils sont constamment améliorés par des contributions des utilisateurs. De plus, il est possible de s’assurer que le logiciel ne fait rien derrière notre dos (par exemple, parcourir vos documents ou envoyer des informations à son créateur). De plus en plus de gouvernements préfèrent les logiciels open source pour cette raison. D’ailleurs, le source étant public, la vie du logiciel ne dépend pas d’une unique entité qui, en disparaissant, pourrait entraîner la fin du logiciel.
On peut comparer un logiciel à un meuble : un jour vous décidez de construire votre propre lit, et vous documentez le procédé que vous avez utilisé. Cette documentation est le source que vous rendez disponible à la communauté.
Naît ainsi votre lit open source ! Quelqu’un d’autre peut utiliser votre documentation pour construire aussi son lit, mais décide d’en améliorer la stabilité et complète vos instructions. Vous pouvez donc construire votre propre lit selon le source, éventuellement améliorer les instructions et les personnaliser, ou bien vous pouvez l’acheter déjà tout fait, et avoir confiance dans la qualité du lit en espérant qu’il n’y a pas de défauts cachés.
Le point de vue des sciences sociales.
Poser la question des sources en sciences humaines revient inévitablement à souligner leur spécificité : depuis leur constitution effective au 19e siècle, les sciences humaines ont pris comme objet d’étude l’Homme. La question est complexe : l’Homme n’a pas d’existence séparée de son être comme sujet. Dès lors, le débat a toujours été de savoir à quelle forme et à quel degré de scientificité peuvent prétendre les moyens dont elles disposent pour tenter cette compréhension des phénomènes humains. Problème épistémologique très proche de ceux rencontrés dans les sciences dites exactes : on le sait la forme d’objectivité revendiquée par le positivisme est davantage un mythe qu’un idéal à atteindre.
L’enquête préalable a toute analyse, c’est à dire la recherche, le choix, l’élaboration de matériaux — documents écrits de diverses natures, images, entretiens, témoignages, voir même certaines « expériences » — bref, tout ce qui constitue des sources sur lesquelles s’appuient les démonstrations intellectuelles, offre cependant les garanties de rigueur et de fiabilité requises. Cette rigueur repose sur une évidence ; les sciences de l’homme n’ont pas pour objet une réalité entièrement donnée. Un fait social ne devient tel qu’à partir du moment ou un corps d’hypothèses et de théories déjà constituées permet de l’identifier, de l’isoler pour les besoins de l’analyse, au sein du système de relations dont dépend son existence réelle. Il est « construit ». Et si la communauté de nature entre l’observateur et l’observé accroît la part de l’interprétation « subjective », la reconnaissance de cette dimension interprétative constitue une spécificité majeure. Ainsi, les sources ne sont pas toujours des preuves indiscutables. Elles sont repérées, choisies, élaborées, lues et relues, mises en perspective, agencées, interprétées, pour donner à penser en créant des rapports entre les choses, en les mettant en mouvement, en suscitant l’imagination, par des rapprochements inattendus et des écritures différentes afin de complexifier notre compréhension des humains.
Dessin : © Esteban Rosales.