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Serendipity.

La République écologique.

Projet politique et utopie ?   

Audier, Serge. 2020. La cité écologique : pour un éco-républicanisme. Paris : La Découverte. 

L’unité de l’âme, l’Être au seul sens du mot, est perdu pour nous et nous devions le perdre, si nous devions le désirer, le conquérir. […] Nous avons rompu avec la nature, et ce qui était naguère, à ce que l’on peut croire, un, maintenant s’est fait contradiction […]. Mettre fin à ce combat entre nous et le monde, […] nous unir avec la Nature en un tout infini, tel est le but de toutes nos aspirations, que nous nous entendions ou non là-dessus.

Hölderlin, 1967, p. 1150

 

« Le processus démocratique (…) peut être congruent avec la constitution d’une cité écologique » (p. 528) telle est, exprimée synthétiquement, l’ambition de La cité écologique (Audier, 2017) : effectuer une revue de détail du républicanisme et le confronter aux enjeux de la discussion écologique contemporaine dans sa profusion et sa complexité.

Le livre de Serge Audier, Maître de conférences à Sorbonne Université, s’inscrit dans un débat intense sur la place de l’écologie dans la politique des États et son influence sur leur modèle de gouvernement. Il constitue la troisième partie d’une trilogie (les deux premiers tomes sont : La Société écologique et ses ennemis : pour une histoire alternative de l’émancipation publié en 2017 ; L’Âge productiviste : hégémonie prométhéenne, brèches et alternatives écologiques, sorti deux ans après).

Mû par la volonté d’articuler pensée écologique et républicanisme, Audier cherche une nouvelle expression politique à l’âge d’une urgence écologique globale, celle qui, à coup sûr, dominera les agendas politiques à venir.

D’un point de vue méthodologique, Serge Audier effectue une vaste relecture du corpus philosophique orienté, directement ou pas, sur la nature et la relation de l’homme au vivant. Audier prend systématiquement soin de replacer les textes dans la dynamique des discussions de l’époque, insistant, notamment, sur le contexte politique et historiographique présidant à la formation des débats et des controverses. La chronologie est parfois aléatoire ; l’intérêt cependant d’analyser la genèse des repositionnements conceptuels apparaît souvent avec évidence.

Les racines historiques du républicanisme. 

À partir d’un réexamen attentif de l’œuvre des penseurs anarchistes, socialistes et républicains du XIXe siècle, Audier procède à une remise en perspective intéressante de l’écologie comme programme politique de gouvernement, Il montre combien tous sont profondément marqués par la révolution darwinienne et le rationalisme scientifique des Lumières. En repensant la question de la solidarité par ce filtre, Audier illustre de manière originale, et plutôt méconnue, la relation entre le monde social et le vivant.

L’aspect critique, toujours intéressant dans son travail, tient pour une large part à son habituelle propension à resituer des débats, à priori plus périphériques, dans le centre d’une vaste controverse intellectuelle clivée par des postures bien circonscrites.

Dans le présent ouvrage, il met en exergue une lecture eschatologique de la finitude humaine dans la nature. Cette attention fait la singularité de sa démarche, autant, parfois, qu’elle déconcerte par le poids qu’il accorde à certaines discussions.

Ce travail fait suite au constat d’un échec des modèles altermondialistes (Audier, 2019, dernier chapitre) et de la nécessité d’occuper un espace politique avec un programme écologique suffisamment consistant pour dépasser le prêchi-prêcha d’une écologie de marché artificielle, autoréférentielle et réformatrice. Cette écologie institutionnelle s’est révélée largement inefficace et échoue, de manière patente, à réduire les effets du changement climatique et à enrayer la destruction exponentielle des espèces et des milieux naturels. L’une des autres intentions de ce livre vise à récuser l’option d’un communautarisme, modèle protéiforme suscitant un système de sociétés privées incapables de penser une justice fondée sur des biens communs.

L’un des grands mérites de ce livre est de livrer une vision panoptique de la très abondante littérature produite sur le modèle républicain, tout en la confrontant aux travaux, considérés d’un point de vue très historique, sur l’écologie. Sur ce dernier pan du travail intellectuel, la recherche d’une continuité entre plusieurs textes fondateurs en philosophie politique apparaît également comme un leitmotiv.

Tout au long du texte, Audier tente d’opérer un mouvement de convergence entre la littérature prégnante en philosophie politique sur les libertés publiques, les biens communs et le libéralisme démocratique, d’un côté, la multiplication des pensées écologistes, émergentes ou affirmées, en Occident ou ailleurs, de l’autre.

L’écologie politique plongée dans une matrice républicaine. 

Dans le premier moment de son livre, Audier revient sur la genèse du républicanisme en France. Analysant sa matrice originaire et les positions fondatrices de Jean Jaurès qui ont amené son avènement, il démontre son caractère profondément non linéaire, marquée par des résurgences et des transformations conceptuelles, jusqu’à sa confrontation à une lecture écologique retirant volontiers à l’État la prééminence du contrôle sur la nature.

La démonstration tourne parfois, en creux, à une forme d’aveu de faiblesse, voire une forme de machiavélisme instrumental (« Peut-on, en définitive, espérer réconcilier un jour le socialisme républicain à la Jaurès avec l’écologie profonde de Naess, ou du moins avec l’éthique de la terre de Leopold ? Sans doute pas entièrement, non seulement en raison du fort credo productiviste du premier, mais aussi parce que le différend entre une vision anthropocentrique et une vision écocentrique peut difficilement être surmonté. Pour des raisons de fond et de stratégie politique, il est toutefois souhaitable de dépasser ce désaccord à priori irréductible pour pointer certaines convergences possibles. », Chap. 2, « La nouvelle communauté civile écologique » ; Jaurès, 1983 ; Naess, 2008 ; Leopold, 2000).

Il procède ensuite à une analyse des modèles communautaristes, confrontés à la résilience problématique de logiques républicaines. La dernière partie se conclut sur une tentative de réconciliation des deux modèles, Audier récusant en effet l’idée d’une nécessaire fragmentation du champ politique structuré sur l’écologie (ce qui, au passage, acterait la déprise des modèles républicains sur la question écologique).

Plusieurs figures émergent nettement, telles celle de Locke, qu’il tente à plusieurs reprises de réhabiliter (« c’est aussi à partir du bilan exagéré d’un Locke érigé en père à la fois du libéralisme, du capitalisme et des logiques colonialistes et écosidaires… » p. 95), celle de Tocqueville, et peut-être plus que toutes les autres, celle de Rousseau.

Ce projet s’inscrit dans un questionnement prégnant : un moyen-terme crédible et fondamental à l’alternative entre les modèles du progrès, d’une part, et la vision nécessitariste d’une stationnarité sociale ignorant l’idée du progrès dans ses faillites, de l’autre, est-il possible ? (« faut-il donc choisir un éco-républicanisme sans progrès à la Machiavel, plutôt qu’un progrès, à la Condorcet », p. 670). L’articulation « du commun naturel à celui du commun politique et social » (p. 68) et la possibilité d’un viatique hors « communisme historique et néolibéralisme » (p. 69) sont données comme le projet du livre.

L’obsolescence d’un bien commun, mis à mal par l’accumulation des crises inhérentes aux gouvernements démocratiques, est désormais une hypothèse en vogue.

À de nombreuses reprises, Audier éprouve le besoin de rappeler son projet (notamment ici : « Ce que nous avons appelé une la solidarité coopérative-conflictuelle, (…) vise à tenir ensemble les dimensions d’un monde commun. (…) Celles (les perspectives diverses) que nous privilégions, et qui vise une réconciliation partielle entre républicanisme et écologie, se propose de constituer non pas seulement une indispensable “éthique de la terre”, mais aussi une politique éco-républicaine, partant de l’indépendance solidaire dans ses dimensions multiples de lien, de coopération et de conflit, et qui reconnait la diversité et l’hétérogénéité des êtres ». p. 211). Cette récurrence déclarative a quelque chose de troublant.

À aucun moment en effet Audier ne parvient à démontrer comment le modèle républicain ferait plus, en tant que tel, que s’accommoder avec l’écologie fondamentale. Jamais n’envisage-t-il, au fond, qu’il pourrait même s’agir de deux états politiques radicalement différents. Chose sans doute problématique également, son éco-républicanisme n’est jamais articulé dans une véritable relation fondée sur le « gouvernement » des choses vivantes. Un travail sur le statut de l’objectivation dans la nature est sans doute encore manquant dans son œuvre.

Plaidoyer pour un républicanisme refondé. 

De manière plutôt originale, Lippman, Bourgeois et Machiavel sont très amplement discutés, témoignant de constantes dans les intérêts de l’auteur (plusieurs de ses publications ont été consacrées à Lippman et Bourgeois). Appliquée à la France, et à l’hypothèse si centrale, et si discutée, d’un républicanisme constitué comme marqueur de l’identité politique nationale, la question écologique ne laisse de poser de très nombreux défis. Avec l’influence d’une écologie plus anglo-saxonne, et la place plus forte accordée à un communautarisme social dans l’appréhension du sens de l’engagement écologiste et de la gestion des ressources naturelles, le modèle républicain est souvent considéré, à l’étranger, mais aussi de manière croissante, en France, comme un obstacle à la cause d’une écologie politique intégrée au programme du gouvernement de l’État.

Dans sa typologie fondamentale, le modèle républicain s’imposerait par un centralisme jacobin étouffant et une volonté inhérente de réduire toutes les sphères d’autonomies civiles à des dominions technocratiques étatisés ; et dans sa forme politique, il se construirait, également, comme une sorte de directoire politique univoque, constituant ainsi une cible de nombre de mouvements sociaux bataillant pour rompre le bénéfice de cet état politique. La défiance vis-à-vis du républicanisme, dont Audier ne problématise peut-être pas de manière suffisamment dialectique sa relation à l’État (Jessop, 2015, par exemple totalement ignoré) trouve, grâce à l’étude qu’il livre sur les postions de ses adversaires, des débouchés théoriques importants.

Le facteur de segmentation sociale est constamment illustré, mais théoriquement mal caractérisé. L’analyse de la dissémination des formes politiques, ou de la fragmentation sociale, telle que celle effectuée, par exemple, par la sociologie plus fonctionnaliste de Luhmann (2021, par exemple), est tout simplement laissée en friche.

Le républicanisme écologique est-il une aporie ? 

Il ressort parfois de la lecture de ce livre la sensation d’une attitude très programmatique d’Audier sans solution théorique très consistante, notamment lorsqu’il évoque la problématique relationnelle : « d’où l’importance d’élucider le sens du “capital social” dans le cadre d’une rationalité relationnelle, différente en son essence de la rationalité individuelle instrumentale. Car, dans tous ces cas, cette dernière, en sa version étroite et dominante, ne parvient pas à comprendre comment, grâce à cette ressource du capital social, les effets imprévus ou pervers de l’agrégation des actions individuelles peuvent être évités » (p. 358).

L’un des axes forts du livre est un projet d’émancipation théorique. Plus précisément illustrée par la volonté d’affranchissement face aux alternatives constituées, dans le débat public, elle se traduit par une tentative de conciliation consistant à encastrer, de manière assez lacunaire, les théories communautaires, décisionnelles et coopératives, dans un modèle républicain considéré comme suffisamment généreux pour les faire opérer fonctionnellement. Cette question passe par une interrogation sur l’avenir de la chose publique (Sandel, 1996).

Le courant néo-républicaniste américain à la Pettit (2004) semble constituer, pour Audier, une voie intéressante ; il permettrait de sortir de cette contraction (« ainsi devons-nous nous libérer des impasses respectives du républicanisme épistémique, du populisme de gauche et de la dyarchie opinion/décision pour ne conserver, assimiler et combiner en une approche plus complexe, éco-républicaine, que leur part de validité. Oui, les néo-républicain à la Pettit ont raison de souligner les vertus de l’État de droit, des autorités indépendantes et des forums délibératifs, mais leur méfiance vis-à-vis de la démocratie participative est décisionnelle est excessive… », p. 590). Cette hypothèse restera la clé de voute – autant que la préférence théorique – de tout le livre.

Des mouvements critiques suscités par une critique radicale de l’influence de l’État sur les sphères privées, à une reprise, par les critiques féministes, de la définition des droits civiques universels, les nombreuses formes critiques, que détaille très bien Audier, mettent toutes en perspective une trajectoire de défiance radicale, avec le risque qu’elle comporte de particulariser la menace climatique et d’en faire le propre d’une communauté.

Comme un miroir renversé, la critique adressée par Audier au scepticisme d’une certaine pensée républicaine anti-individualiste – celle d’un Debray ou d’un Gauchet (p. 572 notamment) – apparait salutaire ; elle témoigne, en tout cas, d’une lucidité gageant de la volonté de l’auteur de trouver une véritable forme politique réceptive aux enjeux critiques de l’écologie.

D’une manière plus générale, Audier a un spectre d’analyse très large, ce qui fait le mérite incontestable de ce livre. Il produit une lecture extensive, et souvent éclairante, d’un bout à l’autre du spectre, de l’axe majeur en théorie politique, allant de la réflexion sur la théorie du droit et l’individualisme d’Anna Arendt et de Pocock, à l’écologie profonde d’Arne Naess (2008). Par surcroît, les conclusions qu’il tire de sa lecture de Thoreau (« d’où la nécessité de faire reposer la réactualisation des principes de la République sur la  “conscience” morale du sujet, et non dans l’obéissance passive du citoyen », p. 622) sont particulièrement prometteuses pour alimenter une recherche à venir sur les relations entre écologie et réflexivité du sujet.

Sur ce dernier, les pages qu’il consacre, dans son chapitre 8 « la nouvelle communauté civique écologique », sont particulièrement stimulantes, notamment lorsqu’il évoque la mise à distance d’une forme de darwinisme social et les apories du principe de sagesse énoncé par Naess (entre autres sur le déni d’extériorité et le dépassement d’une politique du vivant dans son écosophie, une ligne de force qui deviendra un propre de nombreux mouvements écologistes radicaux : « pourquoi se demander s’il faut ou non détruire cet arbre, et quelles obligations imposer si nécessaire, puisque cet arbre fait partie de moi, tout comme ma jambe et ma tête ? », p. 181). Une des grandes alternatives a été pensée dans le continuum discursif entre Arne Naess et Leopold; elle est très convaincante.

La dimension idéologiquement contradictoire des mouvements écologistes, un pied dans une téléologie finaliste de la destruction du vivant, un autre dans une heuristique politique en prise avec les contraintes politiques d’appareils habituelles, ne parvient pas à réaliser les promesses d’un vrai programme écologique. Ces mouvements tendent, dans bien des cas, à s’affranchir du modèle contractualiste – et avec lui, d’une représentation opérante d’un monde commun – et sont souvent motivés par une défiance vis-à-vis du politique tel qu’il s’est constitué. D’où, alors, le penchant pour une lecture groupusculaire du monde social privilégiant des groupes d’acteurs sociaux plutôt que la totalité du monde social.

Plusieurs hypothèses restent uniquement déclaratives. D’autres laissent accroire à une dogmatique de l’automaticité publique : « L’État devra de plus en plus gérer et anticiper les crises, et fixer à cet effet des cadres, des normes et des règles de résilience, grâce notamment à une police et à une justice de l’environnement, mais aussi moyennant des investissements massifs pour permettre une réaction collective efficace face à des fléaux désormais statistiquement prévisibles… » (p. 493). Ce type de phrase laisse un peu songeur. Curieusement absente dans son livre, la nature, apparaît paradoxalement, à bien des égards, comme la grande impensée de son investigation. Idem pour les droits animaliers : la pensée de Peter Singer, qui voyait pourtant plus loin, est ignorée, alors qu’elle entrait fortement en résonance avec le projet du livre. Ajoutons un corpus important de textes de biologistes, d’agronomes et de chimistes, qui reste largement ininterrogé (parmi d’autres, Odum, 1953 ; Andrewartha et Birch 1954…).

Conséquence éloquente : Audier s’intéresse peu à Buffon et a une lecture souvent de seconde main de Darwin. Les questions liées à la commodification des milieux naturels (une littérature ayant connu une croissance et un essor théorique particulièrement important) n’ont pas plus de succès.

On note des excursus très intéressants (les travaux de l’urbaniste Patrick Geddes, 1915, la reprise critique de Gorz, l’école napolitaine, le solidarisme chrétien de Charles Gide…) qui font le sel du livre. Audier est sans doute moins inspiré avec Hardin et Ostrom, qui nous valent certaines banalités dispensables. De même, dans la phase critique de son texte, s’intéresse-t-il curieusement peu à la critique actuelle des modèles de valorisation écologique par les marchés des actifs financiers.

La question centrale de la valeur. 

Sans être nécessairement assumé, le point focal du livre d’Audier porte sur la valeur. La question posée tout au long du texte est en fait d’interroger la manière dont le républicanisme en France pourrait réussir à modifier sa structure générale d’interprétation du monde en considérant autrement la valeur de la nature.

Pris avec un peu de distance, le travail d’Audier peut être interprété dans le sens de Condorcet, celui d’un vaste tableau du progrès, vu par le truchement du modèle républicain et son emprise intellectuelle et politique vacillante sur la société. L’idée de refondation du modèle républicain, et la volonté de déboucher sur une critique totale d’un pseudo-humanisme mettant en porte-à-faux conservation de la nature et défense de l’héritage de l’humanisme des lumières, est consistant avec une vaste réflexion démarrée sur le biopolitique de Foucault en 2015, à l’aune de quoi il articulait une analyse de la théorie néolibérale, continuée ensuite sur l’idée de républicanisme en France et le point d’achèvement actuel qui se heurte de plein fouet avec l’effondrement écologique et la destruction accélérée de la nature par l’homme.

Audier procède à une analyse sélective des différentes formes de républicanismes en France. L’intérêt de sa démarche est de penser la notion de républicanisme dans un procès historique et conceptuel. L’une des parties les plus consistante du livre est sans doute son analyse du legs de Jaurès, un legs qu’il remet en perspective à plusieurs reprises.

Ce livre est aussi intéressant dans le contexte où il apparaît, et dans la récente production de textes importants sur la transformation des relations hommes-climat.

Audier dans les discussions contemporaines sur l’écologie politique. 

Le livre de Pierre Charbonnier, Abondance et Liberté, (2018) a aussi un projet original de relecture historique des textes économiques et politiques. Il y a d’ailleurs quelques points communs entre les deux livres, notamment l’intérêt pour l’analyse lockienne du rapport de propriété, considérée par les deux auteurs (et à juste titre) comme centrale, mais l’usage qu’ils en font est très différent. Charbonnier met néanmoins davantage en exergue le processus ayant amené la vision de la nature et du climat à se cliver profondément. L’image d’une même nature commune, demeure immuable de l’éthos humain sur terre, lui semble politiquement dommageable. Cet unanimisme immédiat et spontané se caractériserait par le refus du conflit inhérent que sa vision totalisante induirait. La manifestation d’une représentation d’une nature vue comme réserve infinie de biens disponibles avec à l’œuvre une logique, a accentué l’effet de ce qu’il appelle un « productivisme » associé à une idéologie du progrès – version paradigmatique et dominante de la pensée politique, depuis la révolution industrielle.

C’est donc une lecture beaucoup plus anthropologique – et sans doute beaucoup plus pessimiste – de l’aménagement économique du vivant et de la nature qu’il effectue dans cet ouvrage.

La dimension parfois de moindre conflictualité manque peut-être au travail d’Audier. Dans son travail, il tente très souvent de montrer combien les formes de républicanisme en germe n’ont jamais produit aucune contradiction formelle avec le souci plus profond de préserver les milieux naturels et de veiller à la préservation de la diversité des espèces animales et végétales. Est-ce suffisant pour appuyer significativement la démonstration ? Sans doute pas.

Abstract

Political ecology has gained considerable ideological and intellectual ascendancy in contemporary Western democracies. Having brought about a devastating, and perhaps irreparable, destruction of the earth's ecosystems, leaving the most terrible ecological footprint in the history of the world, humanity is left to ask a real question of a metapolitical nature to state governments. It is the whole relationship of life to republican and democratic political models that is being asked. The possibility of a political model of rupture, changing the order of constitutional priorities and the very purpose of politics, which would go in the direction of an 'ecologisation' of its fundamental programme of governmentality, is now seen by a growing number of citizens as the only way out of a massive logic of destruction of nature and life. In this sense, is it even possible to reconcile the republican model with this radical ecological transformation ? This question imposes itself as a decisive axis of discussion for the future of politics.

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