Dans les débats contemporains sur l’urbanisme, la question de l’espace public apparaît désormais cruciale. Sans dénier son importance, il nous semble pourtant nécessaire de considérer un ensemble de questions plus fondamentales qui donnent sens à l’idée même de public.
L’espace est régi par un principe d’unicité qui ne tolère pas la coexistence en un même point. Il est étrangement ce qui nous rassemble et ce qui nous sépare. Cette propriété fondamentale de l’espace souligne la complexité de l’être ensemble : entre nous, il y a de l’espace, celui que nous partageons. Ce partage est en cela porteur d’une dualité antithétique : partager l’espace, c’est autant le mettre en commun que le disjoindre en chacun. C’est pourquoi la dualité de l’espace constitue un enjeu social majeur, révélateur d’une tension entre la mise à distance indispensable à l’expression de l’individualité et la mise en contact nécessaire à l’expression de la société. Cette problématique du partage est celle de l’insociable sociabilité de Kant, mais aussi celle des transformations de l’équilibre nous-je de Norbert Elias.
Parce que l’action à lieu, l’espace est inévitablement l’enjeu de convoitises, d’appropriations, d’inégalités, d’identités et de conflits. Faire ensemble avec l’espace, c’est chercher le partage qui convient. C’est chercher, avec Laurent Thévenot, les architectures de la vie ensemble. Faire ensemble avec l’espace, c’est aussi, avec Roberto Esposito, dépasser les logiques d’appropriation du commun pour y percevoir l’engagement réciproque que suppose son partage.
Proposé par les laboratoires Chôros et LaSUR de l’EPFL sous coordination scientifique de Boris Beaude et Luca Pattaroni, le séminaire « Penser l’espace » entend cette année questionner l’espace partagé en proposant une relecture de trois registres courants de l’être ensemble : l’espace en commun, l’espace collectif et l’espace public. Ces trois spatialités sont autant d’alternatives à la dualité du partage, propices à une réflexion sur ce qui rassemble, mais aussi sur ce qui sépare. Aussi, nous veillerons à éviter deux écueils de la pensée de l’être ensemble. D’une part, une pensée du commun qui l’ontologise et ne laisse plus de place au mouvement et à l’ouverture. D’autre part, une pensée du public qui le dissout dans le mouvement et n’arrive pas à rendre compte de ce qui demeure et fonde le partage.
Les limites de ce qui peut être commun, collectif ou public nous informent autant sur les limites de ces catégories (Joan Stavo-Debauge) que sur les défis de l’espace partagé. La lutte des places (Lussault), le partage des risques (Valérie November), le territoire confiné (Sylvaine Bulle), l’espace carcéral (Olivier Milhaud) ou les communautés « en ligne » (Nicolas Auray) sont autant de problématiques qui mobilisent le commun, le collectif et le public, ce sont autant d’enjeux de l’espace partagé.
Programme annuel : L’espace partagé. Commun, collectif, public : quels registres de l’être ensemble ?
16 novembre 2009 : Joan Stavo-Debauge, sociologue
7 décembre 2009 : Olivier Milhaud, géographe
15 février 2009 : Sylvaine Bulle, sociologue
15 mars 2009 : Michel Lussault, géographe
26 avril 2009 : Valérie November, géographe
17 mai 2009 : Nicolas Auray, sociologue
Les séances ont lieu à l’EPFL, le lundi de 17h15 à 19h, salle Vittoz (BP 1 122) ou BP B (BP 1 127) selon les séances.
Illustration : Eneas, « Epidemia de Pànico », 25.4.2009, Flickr (licence Creative Commons).