Ce n’est plus un discours de marketing, les faits sont incontestablement là : Internet et la révolution numérique ont réellement bouleversé les sociétés contemporaines en leur posant des questions aussi fondamentales (et aussi anciennes) que celles de savoir ce qui fait qu’une œuvre peut être considérée comme une œuvre (qu’elle soit artistique, musicale ou autre), mais aussi de ce qui en constitue la valeur économique et symbolique, de ceux qui sont légitimes ou non pour dire « ça, c’est une œuvre artistique », par exemple (est-ce un « major », un producteur de télévision, un comité d’expert ?).
Toutes ces questions se sont retrouvées au cœur du débat plus ou moins ouvert et assez peu sincère sur la diffusion de la musique par Internet qui a été très préjudiciable à la notion même d’œuvre musicale rabattue dans le domaine des produits de consommation.
Cette grande perturbation dont on n’est sans doute qu’au commencement, n’a pas épargné le champ du savoir et de ses principaux vecteurs de transmission que sont l’enseignement et l’édition, mondes dans lesquels elle est aussi venue faire ses « ravages » ou tout au moins jouer un excellent rôle de dérangement.
Or, en ce domaine, il faut bien reconnaître que nous ne sommes pas toujours au rendez-vous : lorsqu’ils se posent à l’occasion de problèmes extrêmement concrets, les nouveaux défis ouverts par Internet restent assez souvent réduits à des questions d’usage des nouvelles technologies, de leur diffusion ou de leur accessibilité, qui mettent un peu au second plan les interrogations de fond que ces technologies posent aux savoirs eux-mêmes : qu’est-ce que le « savoir », qu’est-ce que cela signifie que de le diffuser aujourd’hui dans un contexte marqué par Internet ?
Oboolo/Hal-SHS : vendez donc vos connaissances, à défaut de les penser !
Deux sites offrent une excellente occasion pour aborder de manière frontale ce problème : Oboolo et HAL-SHS. Tous deux proposent des « contenus scientifiques et pédagogiques », mais si l’un le fait moyennant une contribution financière (entreprise privée), l’autre, dans une démarche de service public, revendique résolument le libre accès à ses ressources, qui sont quasiment exactement du même ordre (articles, exposés, cours). Si tous deux affichent un nombre égal de documents disponibles, Oboolo cible aussi de son côté le monde professionnel, en incluant des « présentations » toutes prêtes (OpenPrésentation, Powerpoint). D’entrée de jeu, on voit bien déjà comment se distingue très nettement d’un côté une logique marchande ou économique et de l’autre une logique à caractère scientifique. Oboolo mise sur l’efficacité : le site est clair, rapide, on y trouve et achète un texte en quelques « clics » de souris (essayez donc avec le terme « analyse urbaine », par exemple). La qualité des textes est évaluée, soyons modérés, « au feeling », par une petite équipe de rédaction aux critères un peu confus. À destination de professionnels, étudiants et entreprises, il propose des documents classés par type : des textes, des présentations assistées par ordinateur, des images, les titres et résultats sont affichés sobrement copiant le modèle Google, de manière claire, très rapide et efficace (ce qui n’est pas le cas de HAL-SHS, plus long, moins efficace).
La procédure d’accès et de dépôts sur HAL-SHS (qui fait partie d’un consortium plus vaste lié au Centre National de la Recherche Scientifique français) est un peu plus lourde. Les textes qui y sont déposés voient leur qualité éventuellement définie par la renommée des laboratoires et des auteurs qui les ont produits et qu’ils reflètent, en quelque sorte.
Il est d’ailleurs surprenant que HAL-SHS déclare s’inscrire dans le mouvement « open source » : le monde du savoir universitaire et scientifique en sciences humaines et sociales n’a jamais fait « payer » son savoir, sinon par le biais de l’édition papier, mais qui n’est pas en tant que tel un mode de rémunération du savoir. On trouvera donc sur HAL-SHS des articles publiés ou jamais publiés (pour quelle raison ? étaient-ils vraiment de bons articles ?), des rapports de recherche, des thèses, toute une série de ressources collatérales aux mondes des publications et de l’édition, particulièrement bienvenues.
Chemin faisant, derrière cette opposition entre un modèle marchand et un autre libéralisé sur laquelle jouent ces deux sites, un des enjeux majeurs des débats ouverts par Internet et le numérique se profile. Limiter ces questions à des enjeux économiques ou idéologiques (« libérez Internet ! », « le savoir n’a pas de prix ! ») serait bien dommage : bien au-delà de ces arguments, c’est la question même de la structure et des contenus du savoir, qu’ils soient numérisés ou numériques, qui se pose.
Les deux sites ne seront donc ici qu’un prétexte pour essayer de clarifier à nouveau les termes de cette question du rapport entre savoirs et nouvelles technologies, une question particulièrement vive à laquelle la revue EspacesTemps.net a ouvert régulièrement ses colonnes, soit à l’occasion d’événements (du Forum international d’internet au festival de création numérique), soit à l’occasion du lancement de nouveaux sites (Utls, google print désormais google book, les archives de la recherche audiovisuelle). Le statut du savoir interpellé par Internet et le numérique est d’ailleurs une des deux orientations principales que nous avons souhaité insuffler à la rubrique « le site du mois » dans le cadre de la responsabilité que nous en avons assumée jusqu’à ce jour.
Comment donc tenter de clarifier à nouveau les termes de la question des rapports entre savoir et nouvelles technologies ? Partons pour cela dans un premier temps d’une proposition simple : si le numérique transforme la nature classique des œuvres et productions des sociétés, Internet bouleverse quant à lui davantage leur statut, du fait qu’il y a un lien étroit entre le statut de ces œuvres et leur accessibilité (partie 1) et, ce faisant, leur qualité. Nous pourrons alors essayer de montrer dans un deuxième temps de quelle manière cette transformation des œuvres par celle de leur statut se répercute sur la diffusion de l’information, les pratiques d’enseignement et la diffusion du savoir scientifique.
L’avenir du savoir dans un monde numérique : un problème de qualité et non de coût.
Le développement d’Internet a donc totalement bouleversé la manière dont pouvait se poser la question du statut et de la valeur des œuvres artistiques, musicale ou littéraires. Deux grandes tendances idéologiques s’affrontent constamment et se règlent désormais de plus en plus sur le terrain judiciaire : d’un côté le modèle de l’open source plaidant pour une libéralisation des ressources et de leur accès, de l’autre, le modèle marchand qui revendique le maintien d’une rémunération comme clé de cette accessibilité. Bien sûr, le débat n’est pas spécifique à Internet, il vient plutôt du fait qu’Internet est venu perturber la manière traditionnelle et bien stabilisée dont des champs de production de contenus pouvaient être organisés : le champ de l’édition musicale, logicielle, de l’édition tout court (google print). Mais aussi, l’air de rien, celui de l’édition scientifique avec ses propres logiques. Ce faisant, Internet a également bouleversé le rapport aux contenus, que soient ceux de l’information, du savoir ou autres, à partir du moment où ce n’était plus l’accessibilité qui en constituait une partie de la valeur.
Un des plus grands bouleversements a eu lieu avec l’anéantissement d’un « fondamental » du savoir : le statut des productions sociales d’ordre cognitif n’est plus lié à leur accessibilité. Cela signifie que la qualité d’une production (un texte, un livre) était, avant Internet, définie à la fois par un circuit complexe d’évaluation (en particulier dans le monde scientifique), mais aussi plus largement par la rareté. Cette rareté en limitait l’accessibilité, cette faible accessibilité contribuait à en fabriquer l’aura (force symbolique de ce qui est rare), et de cette aura la production en retirait sa qualité : la boucle est donc bouclée.
Comme l’a montré Olivier Vilaça, avant google book (google print), l’accès à un livre exigeait tout un effort, celui de se déplacer dans une librairie, de le feuilleter, celui de le demander en bibliothèque, d’attendre que le livre se libère lorsqu’il était emprunté ou rangé en magasin pour pouvoir enfin disposer de cette « matière précieuse » ; désormais lire un livre est devenu presque aussi anodin que de regarder la météo du jour. Et ce faisant, c’est tout un mode d’organisation du savoir qui est bouleversé, non seulement au niveau de son accès, mais aussi de sa présentation, de sa communication (notamment par l’enseignement). Le problème est exactement le même pour la diffusion de l’information : la qualité de l’information était là encore auparavant très étroitement liée à la qualité du support et donc à une accessibilité limitée (comme lors de l’achat d’un journal renommé). Dès lors que le statut d’une information ne tient plus à son accessibilité, tout le monde est en situation d’en produire et d’en diffuser, même les plus fausses, ou en tout cas les plus orientées (Agoravox est clairement concerné par cela d’ailleurs). Bien sûr, certains contre-feux existent, comme les opérations de recoupement d’information, mais le problème est bien là.
Or, on le voit, le terme qui revient sans cesse dans tout ce qui vient d’être dit, est celui de la qualité : ainsi, la première grande question qui se pose dans le domaine du savoir n’est donc pas d’ordre économique, elle est d’abord celle de la qualité. C’est une des raisons qui fait que le modèle wikipedia se voit régulièrement et pour des raisons vérifiées par ailleurs, remis en cause. Les rituels scientifiques de production et d’accumulation du savoir avaient tout de même un sens, même s’ils n’étaient pas toujours efficaces ; désormais, leur effacement partiel permet à n’importe qui de dire n’importe quoi. HAL-SHS n’est pas à l’abri de cette situation puisqu’en « jetant l’eau du bain » de l’accessibilité, il risque aussi de jeter « le bébé » de l’évaluation scientifique (par le biais des comités d’évaluation de revue qui peut-être agacent par leur lourdeur ou leur partialité, mais qui ont tout de même une raison d’être). Entendons-nous bien : la plus grande partie des documents de HAL-SHS est loin de courir ce risque puisque le site propose nombre de documents déjà soumis à des évaluations (thèses, articles publiés).
Des revues aux enseignements : renouveler les pratiques de diffusion et d’évaluation du savoir.
Si l’on regarde du côté de la diffusion de savoir par l’édition, la formulation des termes du problème est malaisée. Que change Internet à la diffusion du savoir et des connaissances ? On pourrait d’abord considérer que cette question rejoint celle, plus générale, de la diffusion de l’information par l’édition : faut-il ou non désormais transformer toutes les revues classiques — principal support de diffusion — en revues numériques ? Peut-on ou non laisser accessible l’ensemble des archives d’une revue ? Qu’a-t-on à gagner ou perdre à faire ce choix ? Sur ce plan-là, ce choix s’est d’abord posé à l’intérieur du monde de l’information et des quotidiens, faisant apparaître des attitudes très contrastées : certains laissent en libre accès l’ensemble de leurs articles (L’Humanité, par exemple) ou une fois passée une certaine date (Le Monde Diplomatique), d’autres en laissent à peine certains extraits quotidiens (Le Parisien, Le Temps…). Pour ces quotidiens, la question s’est posée dans les termes suivants : veut-on privilégier la diffusion du savoir et de l’information ou est-ce qu’on tente conjointement de « faire de l’argent » ? L’irruption de la publicité et des grands groupes financiers influençant les orientations stratégiques et les contenus des journaux est venue rappeler de manière récente dans quel sens se formulait aujourd’hui la réponse à cette question qui n’en restait pas moins très peu évidente à résoudre, un quotidien pouvant en arriver à se mettre en péril en jouant la carte du libre accès.
Ce rapport gain / perte, les revues et ouvrages scientifiques ne se le posent théoriquement pas. D’abord puisqu’ils n’en sont pas économiquement directement dépendants : aucun chercheur ne « vit » d’une revue comme en vivent certains journalistes par exemple. Puis, la raison d’être initiale d’une revue scientifique n’a jamais été fondée sur un modèle économique, mais sur une logique du « désintéressement », sur un projet intellectuel. Ses logiques sont tout autres (de sensibilisation, de lutte militante, par exemple). Le monde scientifique, comme le soulignait le sociologue Pierre Bourdieu, est un des derniers mondes dans lequel la reconnaissance n’est pas d’ordre financière, mais symbolique : dit de manière très simple, on écrit pas un article scientifique « pour de l’argent » ou pour rendre une revue « rentable », mais avant tout pour être « reconnu » par ses pairs comme capable de dire et d’écrire des choses intéressantes.
L’irruption d’Internet dans le monde de la diffusion du savoir pointe deux problèmes absolument fondamentaux qui sont d’une part liés aux enjeux du maintien de revues scientifiques au format papier et de la construction de leur complémentarité avec des revues numériques, et d’autre part aux systèmes d’évaluation. Deux problèmes qui dépassent le cadre de ce seul article. Notons toutefois que le passage d’un modèle à l’autre se fait là encore, comme nous l’avons déjà noté, sur le modèle de la substitution (l’un remplaçant l’autre, l’un calqué sur l’autre) et non sur celui de la complémentarité, ce qui est bien dommage. Phénomène lié dans la majeure partie des cas au fait que cette « adaptation » au monde numérique n’est jamais véritablement discutée, et d’autant plus regrettable qu’elle ne dépend pas fondamentalement d’un modèle économique et qu’elle dispose donc, bien plus que le monde de la diffusion de l’information, de la possibilité de faire des choix pesés et réfléchis.
En ce qui concerne la diffusion du savoir par l’enseignement, certains effets d’Internet sont en revanche bénéfiques, en particulier au niveau…. de l’évaluation. Un étudiant peut réaliser à coups de « clics » un exposé en une dizaine de minutes, réaliser une fiche de lecture en recoupant les différentes présentations d’un ouvrage présentées sur les sites commerciaux ou en recoupant un ou deux articles déjà écrits à son sujet. Bref, « faire savoir » (ou « faire effet de savoir ») est devenu une des choses les plus faciles qui soit.
Face à cela, les répliques sont toujours très conservatrices et, il faut bien le dire, parfois assez pitoyables : il est amusant de voir comment, dans les commissions d’examens et d’harmonisation des notes, la question que cette situation pose au statut du savoir se règle, ici encore, sur le terrain du contentieux (tiens donc, comme pour l’édition musicale) : comment empêcher le « copier-coller » ? Comment pister les étudiants qui ont osé utiliser Internet de manière par trop habile ? Certains enseignants soupçonnent leurs étudiants lorsqu’ils sont trop bons d’avoir fait du copier-coller, etc. : comment mieux les traquer, quelles astuces les uns et les autres mobilisent-ils pour détecter ce redoutable copier-coller…Mieux encore, il existe désormais des sites internet tels Urkund spécialisés dans la détection de la réutilisation de documents — moyennant (encore !) finance !
Or ces réunions d’enseignants se doublent souvent d’un discours sur le caractère infantile d’un tel usage sans jamais interroger les conditions de production de ce constat : pourquoi fait-on du copier-coller ?
Tout cela n’a aucun sens, sinon celui de dénier une réalité qui n’est pas celle qu’on croit (la paresse supposée des étudiants), mais bien celle d’une exigence de recomposition des formes classiques de production, de diffusion et d’évaluation des connaissances chez les étudiants, lycéens ou autres, de la part des enseignants. Internet vient donc là encore percuter un autre aspect du savoir, son enseignement. Comment évalue-t-on un étudiant et sur quoi ? Dans quel lieu ? A quel moment ? Et, dans ce débat sur l’évaluation du savoir, des connaissances, Oboolo joue là de manière très amusante un excellent rôle de trublion, puisqu’il permet de disposer d’un exposé tout prêt, et, cerise sur le gâteau, sans « droits de reproduction ». Encore mieux ! Poussant ainsi la logique jusqu’à son degré le plus absurde qui soit : on pourrait en effet imaginer des exposés tournant chaque année, achetés et ré-exposés successivement par des étudiants différents.
Peut-être n’est-ce aussi que le juste « retour du bâton » par rapport à « l’exposé », cet exercice derrière lequel se défaussent nombre d’enseignants peu soucieux ni scrupuleux de prendre du temps pour préparer leurs cours, penser des évaluations alternatives et qui occupent (légitimement) certaines heures d’enseignement à « faire travailler » et « faire parler » les étudiants. Donner des exposés devient non plus un exercice de style oral fondé sur une argumentation construite — le problème est, là, réel, celui de l’argumentation de type Ikea, toute prêt, en kit —, mais d’une double démission : celle de l’étudiant confronté à la responsabilité de se construire sa propre autonomie de pensée, celle de l’enseignant placé face à l’exigence d’inventer de nouveaux modes d’évaluation. Or, aujourd’hui, les enseignants se posent rarement la question d’Internet en termes de renouvellement des modes de transmission des savoirs et, lorsqu’ils le font, réduisent ce problème à celui d’un « savoir utiliser Internet » — ce qui revient au même. Il y a là un véritable défi d’invention de nouvelles pratiques pédagogiques qui assumeraient cette métamorphose et dont on remarque qu’elle restent très en arrière plan : utilisation de films dans les cours universitaires, par exemple, ou encore de travaux d’enquête (surtout en sciences sociales) qui visent à théoriser du concret et évaluer la capacité d’un étudiant à réaliser cette opération. Dans le domaine du savoir, plus que jamais c’est la réflexion que l’on attend, plus que des connaissances : une prise de distance par rapport à des connaissances, permettant de les agencer dans des combinaisons originales, intéressantes. C’est d’ailleurs en cela que le « savoir » se différencie du « connaître ».
Science à ciel ouvert ou connaissances à guichet fermé ?
Répétons-le encore par le biais de ces deux sites d’offre de documents scientifiques, universitaires et professionnels : Internet place les mondes de production de savoirs, de connaissances — et pas uniquement d’informations — face à des interrogations fondamentales qui touchent au cœur de leur manière de s’organiser, à leurs fonctionnements ordinaires.
Elles touchent ce faisant — et on en saura gré à Oboolo que de pouvoir y contribuer de manière déterminante au moins par le cadre de cet article — un tabou redoutable du monde scientifique : la rémunération du savoir. Nombre de chercheurs seront indignés de manière immédiate (et l’auteur de ces lignes en premier) par la diffusion d’un savoir qui se vend, comme si cela heurtait une conception artistique ou esthétique d’un savoir libéré, d’un savoir comme œuvre d’art, affranchi des contingences matérielles, alors même que par ailleurs ils peuvent se retrouver à revendiquer et se mobiliser pour la défense de leur statut. Mais ignorer ce tabou serait une position intenable pour deux raisons.
D’abord, parce que l’ouverture d’un tel débat sur la rémunération du savoir ouvre une brèche dans le cloisonnement recherche/expertise. Derrière le caractère anodin des sites HAL-SHS et Oboolo, ce sont deux grands modèles qui se confrontent : celui de la libération de la recherche de son emprise publique vers l’expertise. D’un côté des savoirs en vente et donc disponibles à ceux qui peuvent les monnayer ; de l’autre des savoirs soutenus en tant que démarches inscrites dans la production des « biens publics ». Un savoir produit et « influencé » — ou tout au moins orienté — par des logiques d’intérêts industriels ou, de l’autre, un savoir désintéressé spécifique à des mondes scientifiques (sciences sociales) dont la société peut être en attente qu’ils soient « payés à ne rien faire », c’est-à-dire à ne produire aucune connaissance directement utile, instrumentale.
La seconde raison est que le caractère désintéressé de ces productions, dès lors que l’on opte pour le modèle d’une recherche/production désintéressée, ne peut pas non plus faire l’économie d’un principe de justice sociale. Dès lors, savoirs et connaissances se rejoignent : oui, la connaissance et le savoir ont un prix qui est celui du travail lié à leur construction que reconnaît le système Oboolo, même s’il le fait de manière très imparfaite. Oui, en tant que producteur de ces « biens publics », les chercheurs-auteurs ont effectivement à se retrouver non en situation de « droit », mais en position de recevoir des formes de reconnaissance pour l’activité publique de production sociale qu’ils réalisent, que celle-ci ait pour origine un mécénat, des dons ou quelque autre système de rémunération, sans que cela en soit pour autant choquant. Ainsi, entre monétarisation instrumentale du travail scientifique et ignorance des principes de justice sociale, une nouvelle voie, délicate, doit être explorée.