Depuis plusieurs annĂ©es, la croissance d’Internet s’accompagne d’un discours « gĂ©ographique » soutenant l’hypothèse selon laquelle Internet s’affranchit des distances et des frontières. Si cette problĂ©matique n’a jamais vraiment fait illusion, elle eut le mĂ©rite d’alimenter un dĂ©bat toujours actuel, imposant Ă la gĂ©ographie de dĂ©velopper ses arguments, et parfois ses concepts. Cependant, les rĂ©flexions approfondies sur le sujet restent rares et les gĂ©ographes français semblent ne pas porter d’attention Ă ce sujet, probablement trop futile et non pertinent Ă leurs yeux pour comprendre le monde contemporain. Ă€ l’inverse, nombreux sont les travaux qui s’Ă©vertuent Ă reprĂ©senter Internet sous forme graphique, voire mĂŞme cartographique. En cela, la gĂ©ographie n’Ă©chappe pas Ă son hĂ©ritage. Ă€ dĂ©faut de s’intĂ©resser aux flux invisibles qui constituent la rĂ©alitĂ© immatĂ©rielle du rĂ©seau et Ă leurs implications sociĂ©tales, l’objectif est de cartographier ce qui est visible (les infrastructures et leurs points d’accès) et de montrer ainsi qu’Internet a bien une gĂ©ographie.
C’est pourquoi le champ de l’analyse spatiale et de la cartographie recouvre la majeure partie des travaux relatifs Ă cette thĂ©matique. Et il est, en la matière, un site tout Ă fait remarquable qui ne cesse de rĂ©fĂ©rencer un vaste ensemble de ressources pourtant sur la gĂ©ographie du cyberespace. Martin Dodge, du Centre d’Analyse Spatiale AvancĂ©e (Casa) de L’Ucl (University College of London) a mis en place un site rassemblant une quantitĂ© considĂ©rable d’informations. Cyber Geography Research est devenu en quelques annĂ©es une ressource incontournable sur le sujet, traduit aujourd’hui en plusieurs langues (italien, portugais et français) mais aussi dupliquĂ© en Australie et aux États-Unis afin d’accĂ©lĂ©rer les connexions. En cela, le site est en lui-mĂŞme une dĂ©monstration de cette gĂ©ographie.
Cette ressource se dĂ©compose en deux ensembles distincts. D’une part un atlas, qui recense par thème des cartes reprĂ©sentant Internet, produites par diffĂ©rentes sources. D’autre part, une liste de rĂ©fĂ©rences, elle aussi thĂ©matique, rassemblant un grand nombre d’ouvrages et de sites portant sur les reprĂ©sentations et la cartographie d’Internet. Enfin, il est aussi possible de recevoir un bulletin mensuel, afin d’ĂŞtre au courant des mises Ă jour du site, mais aussi de s’inscrire Ă une liste de discussion destinĂ©e Ă dĂ©battre sur le sujet. L’objectif de ce site assez ambitieux semble atteint. Il prĂ©sente Ă ce jour les rĂ©fĂ©rences (surtout anglo-saxonnes) les plus importantes, qu’il s’agisse d’organisations, de chercheurs, d’ouvrages, de sites, de cartes plus ou moins fantaisistes ou mĂŞme d’Ă©vĂ©nements portant sur ce thème.
NĂ©anmoins, l’ensemble rappelle une gĂ©ographie ancienne portant sur un sujet nouveau. Moins de 5% de ce site porte sur des travaux de rĂ©flexion sur le sujet et son contenu se rĂ©sume essentiellement Ă des liens vers d’autres ressources dont une quantitĂ© non nĂ©gligeable n’est plus Ă jour. Finalement, plutĂ´t que d’impulser des initiatives dans le sens d’une meilleure comprĂ©hension des enjeux gĂ©ographiques que pose le dĂ©veloppement du cyberespace, Cybergeography.org propose un Ă©tat de ce qui ce fait sur le sujet. On ne peut alors s’Ă©tonner de la place accordĂ©e Ă la reprĂ©sentation graphique dont le gĂ©ographe est particulièrement friand et reconnaĂ®tre Ă cette initiative le mĂ©rite de faire une synthèse sur un sujet mĂ©connu en France, pour ne pas dire tabou. Le site rĂ©fĂ©rence 16 enseignements dispensĂ©s sur le thème du cyberespace dans des dĂ©partements universitaires amĂ©ricains ou anglais de gĂ©ographie. Peut-ĂŞtre que sa version française saura inspirer quelques dĂ©partements de gĂ©ographie universitaire français ?