Le phénomène périurbain, souvent réduit aux seuls processus d’urban sprawl, dérange. Il est très frappant de remarquer que depuis plus de trente ans des travaux en investissent massivement les différentes problématiques sans que l’on parvienne à mieux en cerner exactement la réalité. Plus les recherches se succèdent, plus les espaces qui le concernent apparaissent traversés de paradoxes : théâtre de mobilités pendulaires mais aussi lieu des dernières formes d’ancrages marqués, d’héritage d’un ancien monde agricole et d’implantations futuristes ou commerciales, de conflits aux périphéries des villes et de tranquillité apaisée loin des centres, de relégation résidentielle choisie mais aussi subie, de paysages dégradés tout autant que de grande qualité naturelle, de retour d’une convivialité villageoise tout comme de l’émergence d’une nouvelle tendance à la fragmentation sociale. Bref, dans le périurbain on semble tout trouver, ou tout au moins tout ce que l’on a du mal à penser sur les dynamiques urbaines contemporaines.
[1] ? Pourquoi s’être acharné si longtemps à se cantonner à l’utilisation de ce seul critère de différenciation qu’est la pendularité ?
Pourquoi rester à ce point dépendant d’une visualisation uniquement aréolaire du développement périurbain ? La géographie sociale a souvent adressé bien des reproches à l’analyse spatiale, jugée positiviste, aride, voire incapable de rendre compte des faits sociaux, force est de constater que l’utilisation des Systèmes d’Information Géographiques nous fournit des explications beaucoup plus claires, en relevant de la manière la plus simple qui soit, ce qu’on peut appeler la « dynamique des contours », et qui est une piste extrêmement intéressante d’exploration de mécanismes tant morphologiques que sociaux. On retrouve une excellente synthèse explicatives des différents processus de périurbanisation et de suburbanisation sur le site de la Towson University Center for Geographic Information Sciences qui distingue low-density sprawl (suburbanisation au sens strict, caractérisée par une contiguïté morphologique avec la ville-centre), ribbon (périurbanisation sur la forme d’une toile d’araignée, le long des corridors constitués par les axes de transport et leurs infrastructures de raccordement) et le leapfrog development (en « saute-mouton », fragments de territoire anciennement agricoles et subitement lotis). Cette triple distinction, au cœur de laquelle se situe une question de gradient de coût économique lié à l’urbanisation, est un apport fondamental dans les débats sur la « nature » du périurbain (et pas uniquement la nature dans le périurbain). Elle invite à différencier beaucoup plus nettement des types d’espaces, à en identifier les caractéristiques et les dynamiques différenciées au-delà de termes englobants. À prendre, enfin, le suburbain français au sérieux, tant au niveau de l’action publique, des échelles d’intervention et de réflexion, que des recherches concernant ces espaces, une introduction de différenciations vers laquelle le travail de mise en perspective internationale réalisé par l’architecte-urbaniste David Mangin, ouvrait des pistes stimulantes.
Images : « Paysage suburbain, commune de Marin-Épagnier dans la périphérie de la ville de Neuchâtel (Suisse) », photographie de Marc Dumont, 2006, libre de droit ; « Paysage naturel, commune de Marin-Épagnier dans la périphérie de la ville de Neuchâtel (Suisse) », photographie de Marc Dumont, 2006, libre de droit.