« Toute volonté de changement comporte donc des risques ; mais la question est de savoir si ces risques ne sont pas moins grands que ceux qui résulteraient du refus du changement ». Cette phrase, qui pourrait être employée par des politiques au pouvoir pour justifier leur volonté de mener des réformes, et mêmes des ruptures, dans les années 2000, date pourtant des années 1970. Extraite d’un texte de Pierre Aubenque, « Philosophie et changement » [1], elle est au cœur d’une analyse de La production de l’idéologie dominante ces années-là, réalisée par Pierre Bourdieu et Luc Boltanski, et publiée en 1976 dans leur revue, les Actes de la recherche en sciences sociales (Bourdieu, Boltanski, 2008 [1976], p. 112). La réédition de ce texte est accompagnée de la parution simultanée d’un ouvrage de Luc Boltanski, Rendre la réalité inacceptable.
Je rappellerai les principales analyses que Pierre Bourdieu et Luc Boltanski élaboraient en 1976. Puis j’évoquerai comment, dans la lignée de cet ouvrage, Luc Boltanski procède pour réactiver une critique de la domination en la renouvelant entièrement.
« Changer pour conserver ».
La méthode, avancent Pierre Bourdieu et Luc Boltanski, est de « prendre pour objet les lieux communs produits dans des lieux neutres » (p. 9). Un « lieu neutre » est un lieu de rencontre où se retrouvent des agents occupant des positions éloignées dans le champ de la classe dominante, et qui impose par sa seule logique le respect des règles de forme que l’on identifie communément à la « neutralité » et à « l’objectivité » et donc la neutralisation et le refus des modes d’expression les plus visiblement associés aux extrêmes (pp. 116-117). Or le discours dominant, soulignent Bourdieu et Boltanski, doit son efficacité proprement symbolique au fait qu’il n’exclut ni les divergences ni les discordances. Le discours de pouvoir « a pour fonction première d’orienter une action et de maintenir la cohésion des exécutants en renforçant, par la réaffirmation rituelle, la croyance du groupe dans la nécessité et la légitimité de son action » (p. 11). Les sociologues repèrent dans l’intersection du champ intellectuel et du champ du pouvoir les lieux où la parole devient pouvoir. Cette démarche sociologique suppose de manière sous-jacente que le pouvoir passe par le langage, que les rapports de force s’engagent par des énoncés. Boltanski rappelle que cette idée provient de leur lecture d’Austin deux ou trois ans plus tôt, et que cette conception de l’idéologie est « une extension de la performativité austinienne » (Boltanski, 2008, p. 53).
Pendant que Michel Foucault consacre ses cours et ses livres aux rapports de pouvoir (il publie Surveiller et punir en 1975, et il donne au collège de France le cours « Il faut défendre la société » en 1975-1976), le texte sur La production de l’idéologie dominante s’insère lui-même dans un vaste chantier entrepris depuis le début des années 1970, destiné à bâtir une théorie du pouvoir et du changement social, dont Boltanski témoigne qu’elle n’a jamais donné lieu au livre collectif dans lequel cette théorie devait se déployer. Pourtant cette théorie du pouvoir, si elle a manqué à l’ouvrage alors imaginé, n’a cessé d’irriguer les ouvrages postérieurs de Bourdieu et de Boltanski, par deux chemins différents. Le premier a porté davantage son attention sur les rapports de domination en fonction des habitus des êtres humains, tandis que le second s’est attaché à analyser les conditions d’énonciations, étudiant les justifications employées et repérant les contradictions, l’apparente divergence formant la rainure d’un diptyque dont les prémisses étaient contenues ensemble dans le texte de 1976. Vingt-trois ans plus tard, Luc Boltanski et Ève Chiapello passent ainsi au tamis le Nouvel esprit du capitalisme à partir de la littérature de management en des termes déjà posés avec Bourdieu, lorsqu’ils écrivent qu’« en tant qu’idéologie dominante, l’esprit du capitalisme a en principe la capacité de pénétrer l’ensemble des représentations mentales propres à une époque donnée, d’infiltrer les discours politiques et syndicaux, de fournir des représentations légitimes et des schèmes de pensée aux journalistes et aux chercheurs, si bien que sa présence est à la fois diffuse et générale » (1999, p. 94).
La production de l’idéologie dominante est un ouvrage composite et assumé comme tel. Et c’est bien parce qu’il est hétérogène, dans sa composition, sa méthode et les matériaux mobilisés, qu’il réussit à atteindre l’objectif fixé. Il est constitué tout d’abord d’une encyclopédie des idées reçues et des lieux communs en usage dans les lieux neutres. Celle-ci assemble des citations d’auteurs appartenant à un groupe de personnes se connaissant et se citant elles-mêmes, et qui ont participé à un ou plusieurs de cinq réunions, colloques ou débats participant à la production de l’idéologie dominante. Une analyse de la formation des élites montre la continuité des années 1930 aux années 1970, depuis X-Crise, Esprit, puis l’école des cadres d’Uriage, la résistance non communiste et enfin le commissariat au plan. Puis les deux sociologues procèdent à une analyse des termes employés, de leur mise en opposition et des idées qui les sous-tendent. L’ensemble se clôt par une étude des lieux neutres, notamment Sciences Po (par ses copies d’élèves et les corrections professorales apportées, et une analyse du corps enseignant) et un débat politique télévisé.
À partir de cet ensemble dense, Bourdieu et Boltanski mettent en évidence que le discours dominant sur le monde social doit sa cohérence pratique au fait qu’il est produit à partir d’un petit nombre de schèmes générateurs qui se laissent ramener à l’opposition entre le passé (dépassé) et l’avenir (p. 57). La clef de voûte de l’analyse tient dans ce que les deux sociologues nomment le « conservatisme progressiste » : une fraction de la classe dominante se donne pour objectif de « changer pour conserver », c’est-à-dire d’imposer un changement aux autres pour mieux conserver leurs propres positions. Ce maintien du rapport de force non par l’immobilité mais par le mouvement s’articule avec une rhétorique du dépassement des oppositions binaires conceptuelles et dans une perspective historique amenant inévitablement au choix de la croissance et de la planification libérale (p. 84). Car, bien avant les discours qui ont pullulé après 1989 dans le même sens, l’idée circule déjà que la plus importante des leçons de l’histoire serait la découverte que « l’on ne peut plus rien attendre de l’histoire, que l’univers des régimes politiques (modes de domination) possibles est fini » (p. 82).
La domination complexe et sans idéologie.
Je m’intéresserai maintenant aux continuités tant entre les situations politiques et sociales qu’entre les deux textes eux-mêmes, celui coécrit de 1976, et le second doté d’un unique rédacteur, de 2008, et plus particulièrement sur l’effacement entre la droite et la gauche (1), sur le rôle de Sciences Po (2) et celui de l’État (3) pour mettre en lumière le passage d’une « domination simple » à une « domination complexe », selon les termes de Luc Boltanski.
Le sens de la distinction entre la droite et la gauche.
En quelques lignes incisives et efficaces, Bourdieu et Boltanski montrent comment la question d’un institut de sondage (la Sofres), posée en 1970, induit le dépassement de la gauche et de la droite. « Pendant longtemps on a distingué en France deux grandes tendances, la gauche et la droite. Estimez-vous qu’à l’heure actuelle cette distinction a encore un sens ou qu’elle est dépassée ? » (Bourdieu, Boltanski, 2008 [1976], p. 60). Or les deux sociologues relèvent que la question, « ostentatoirement objective », cache une thèse politique (la distinction peut être dépassée) qui contient une injonction politique : « est-ce que vous êtes assez dépassé (i. e. à droite ou à gauche) pour ne pas savoir que l’opposition entre la droite et la gauche est dépassée ? » (p. 60).
Cette analyse de la manière dont le clivage entre la droite et la gauche serait à dépasser est à réactiver, et plus particulièrement, comme le souligne Boltanski, depuis les années 1990 (Boltanski, 2008, p. 100). Certes, relève encore Boltanski, la droite des années 1970 devait composer avec l’après mai 68, tandis qu’il n’est plus question dans les années 2000, pour la droite que d’en finir avec mai 68, si bien que « la droite est de droite » (p. 161). Mais le problème est qu’elle n’est pas la seule : hormis quelques exceptions, le centre et une partie de la gauche souhaitent comme celle-là en finir avec mai 68, pour rétablir enfin l’ordre et l’autorité. On pourrait ajouter que les conflits entre les personnalités dirigeant les grands partis, de droite, du centre et socialiste, masquent le partage de ce rejet qui, comme lorsqu’il s’agissait de partager l’appropriation de certaines idées de mai 68 dans les années 1970, doit son efficacité au fait que ce partage du rejet n’empêche ni les divergences ni les discordances. Si bien que, comme le remarque Boltanski, une différence entre les années 1970 et les années 2000 est le glissement d’une idéologie dominante à une domination sans idéologie.
Un lieu neutre : Sciences Po.
Les lieux neutres doivent eux-mêmes changer pour maintenir l’asymétrie qui leur est favorable, c’est-à-dire le maintien d’un rapport de pouvoir en leur faveur et au détriment d’autres lieux. Dans une telle asymétrie, écrit Boltanski, « les mêmes profitent de toutes les épreuves de sélection (ou presque), tandis que pour d’autres, toujours eux aussi les mêmes, les épreuves ont toujours des issues préjudiciables (ou presque) » (p. 155).
Parmi ces lieux neutres en France, Sciences Po occupe une place majeure, car c’est « l’école par excellence du pouvoir d’élite et antichambre de l’Ena », et que « l’idéologie dominante, la culture dominante dans les cercles du pouvoir, ce sont d’abord l’idéologie et la culture forgées et transmises par Sciences Po » (p. 76). Le dispositif original de cette école qui consiste à faire appel largement à des enseignants qui ne le sont pas exclusivement mais qui exercent par ailleurs des fonctions à des postes clefs de l’administration et des entreprises, est toujours le même depuis les années 1970. Or ce dispositif est central dans l’apprentissage du rapport à la règle dont Boltanski repère la place centrale dans ce qu’il nomme la « domination complexe » et qu’il analyse ainsi : « ce que savent, dans leur intimité, les “responsables”, c’est que celui qui se contente de suivre les règles sans les contourner, les adapter ou les modifier n’aboutit à rien » (p. 170). Car seul un enseignant non exclusivement enseignant et exerçant un poste de responsabilité dans une administration ou une entreprise peut transmettre à des étudiants un enseignement théorique et en même temps expliquer à l’oral comment les règles sont contournables et contournées, c’est-à-dire tout simplement, l’expérience de leur vie quotidienne.
L’ouvrage de Boltanski, au-delà de ce que ce dernier écrit, conduit à s’interroger sur l’évolution de Sciences Po, et il faudrait sur ce sujet réaliser un travail plus approfondi que les quelques pistes évoquées ci-après. Depuis le début des années 2000, le conservatisme progressiste de ce lieu neutre s’est traduit d’un côté par une stratégie d’internationalisation (avec une augmentation des échanges avec les universités américaines et européennes principalement), et de l’autre par la mise en place d’une « Convention Éducation prioritaire » visant à « rétablir l’égalité des chances », c’est-à-dire le recrutement d’élèves provenant de « zone d’éducation prioritaire » (et donc socialement défavorisées), et dont Sciences Po se défend que cela soit de la « discrimination positive », une « sélection au rabais », un « alibi », ni non plus « de la charité ». Or si l’internationalisation et l’action visant « à rétablir l’égalité des chances » ont été les moyens mis en œuvre pour mieux conserver la supériorité de l’école, une telle stratégie détourne là encore l’attention du contenu même de l’enseignement.
Les auteurs les plus cités à Sciences Po dans les années 1970, et dont Bourdieu et Boltanski dressent la liste, ont tous disparu des enseignements dans les années 2000. Ces « écrivains nationaux, sinon toujours nationalistes, humanistes, sinon toujours catholiques », tel que Teilhard de Chardin, Brasillach, Bernanos, Valéry, Maurras, Péguy, Giraudoux, Malraux, Mauriac, Barrès, etc. (Boltanski, 2008, p. 76) sont désormais complètement ignorés, ainsi que Sartre et Camus, dont on aurait pu penser qu’ils résisteraient mieux que d’autres à l’usure du temps. Le renouvellement complet des auteurs français enseignés à Sciences Po se manifeste par une éviction des écrivains alliant essais, romans et politique, au bénéfice des universitaires. Mais là encore, ce changement est entièrement organisé pour conserver. Si l’on actualise l’analyse de Bourdieu et Boltanski, un examen des bibliographies des cours d’« histoire des idées politiques », d’« introduction à la sociologie », d’« enjeux politiques », et de « philosophie publique » [2] met en évidence deux grands ensembles de références. L’internationalisation se traduit dans les bibliographies par une liste limitée à quelques auteurs principalement anglo-saxons (John Rawls, Charles Taylor, et Michael Walzer) et allemands (Jürgen Habermas, Ulrich Beck), soigneusement choisis et compatibles avec les auteurs français référencés. Ces derniers sont constitués, dans un second ensemble, d’un quatuor d’universitaires français vivants, Marcel Gauchet, Pierre Manent, Bernard Manin, et Pierre Rosanvallon, références récurrentes des différents enseignements à Sciences Po dans les années 2000. Rosanvallon et Manin ont eux-mêmes donné des cours magistraux à Sciences Po. D’une manière plus générale, Sciences Po a été un lieu de diffusion et d’épanouissement des écrits labellisés par la Fondation Saint-Simon, puis par le groupe dit de la République des idées.
Deux auteurs français bénéficient d’un traitement à part. Michel Foucault est souvent cité ; mais sans doute cela tient-il à ce qu’il est mort au début des années 1980, qu’il est le plus compatible avec l’institution et avec les auteurs du quatuor, et qu’il est devenu une référence largement répandue à l’international, en particulier aux États-Unis et en Allemagne. De son côté, Pierre Bourdieu n’est pas ignoré ; mais il est souvent associé à Marx. La présence de Bourdieu a pour fonction de fournir aux futurs hauts fonctionnaires « les armes nécessaires pour attaquer l’adversaire sur son propre terrain, celui de la “pensée de gauche” “résolument hostile au capitalisme”, voire, de la culture marxiste », comme l’écrivaient Bourdieu et Boltanski eux-mêmes en parlant de Sartre et Marcuse qui étaient alors associés à Marx dans les années 1970 (Bourdieu, Boltanski, 2008 [1976], p. 102).
Sciences Po tient cependant deux des plus grands philosophes français du 20e siècle à distance de l’enseignement dispensé. Derrida et Deleuze ne sont même pas étudiés comme Marx et Bourdieu au nom de la compréhension de « l’ennemi à combattre ». Alors qu’ils sont au contraire fortement mobilisés dans les écoles dédiées à la littérature, à l’art et au cinéma, ils sont, dans l’école formant l’élite de la fonction publique, passés sous silence, comme s’ils n’avaient jamais existé ou comme s’ils n’avaient jamais écrit sur la politique et l’État. L’idée même que, dans ce lieu neutre, on ouvre Politiques de l’amitié (Derrida, 1994) et Mille Plateaux (Derrida, Guattari, 1980), plus de dix ans après sa publication pour le premier, et bientôt trente ans pour le deuxième, serait en 2008 une incongruité autant pour les étudiants que pour la plupart des enseignants. Ce silence s’étend aux références mêmes mobilisées par Derrida et Deleuze, et à ceux qui s’inscrivent dans leur sillage, tel qu’Antonio Negri (il faut souligner l’exception que constitue l’arrivée à Sciences Po de Bruno Latour). Le conservatisme progressiste s’illustre pleinement dans cette dissymétrie : d’un côté, Sciences Po se réforme pour accueillir des étudiants provenant d’universités étrangères et des élèves issus de zones d’éducation prioritaire, de l’autre l’école garde ses portes closes aux écrits de Derrida et Deleuze, se préservant d’une critique difficile à désamorcer.
Mutations du capitalisme, mutations de l’État.
Parmi les lieux communs qui ont fleuri dans les années 1990, le « retrait », le « déclin » voire même la « disparition » de l’État et des institutions a rencontré un large succès tant auprès d’universitaires que de journalistes. Soudainement, à l’automne 2008, la crise financière fait surgir un nouveau lieu commun, le « retour de l’État ». Qui subit les contraintes, sinon la violence, exercées par l’État serait bien étonné d’apprendre qu’il s’était évaporé pour mieux revenir. Car il est plus probable que l’État n’a jamais disparu, et qu’il était là, sous les yeux de ces universitaires et ces journalistes, qui ont si bien appris à vivre avec lui qu’ils ne le voyaient plus, comme la police ne parvenait pas à retrouver la fameuse lettre volée dans la nouvelle de Poe. Une chose importante, pourtant, s’est modifiée, souligne Boltanski : la confiance mise dans l’État s’est affaiblie (p. 133).
Pour le reste, il n’y a pas moins d’État, mais « une réorientation des modalités d’action de l’État de façon à lui permettre de servir les intérêts d’un capitalisme lui-même profondément modifié » (p. 167). Si bien que, pourrait-on en déduire, lorsque le capitalisme est en crise, l’État ne se présente pas comme une alternative, mais il vole à son secours pour le soigner et le remettre d’aplomb.
Le « combat » du sociologue.
Boltanski prend acte de la difficulté à produire dans les années 2000 un travail intellectuel comme il était réalisé dans les années 1970, en particulier à cause d’un double mouvement de précarisation et de spécialisation professionnelle des chercheurs en sociologie. Mais la description des conditions d’écriture de La production de l’idéologie dominante donne les pistes pour réactiver une critique du social. On ne peut manquer d’en retenir tout d’abord le refus du grand discours de surplomb à visée planétaire aveugles aux contraintes modestes et têtues dont est fait le quotidien, et la nécessité d’un travail en équipe.
Ensuite, Boltanski réarticule entièrement les outils conceptuels pour déployer une critique adaptée à la situation actuelle. Les sociétés démocratiques de marché, remarque-t-il, ont bâti leur idéal politique en opposition à un système de domination simple qui, par la répression, écrase la critique. Elles organisent une exploitation en entretenant durablement une ou plusieurs asymétries profondes, au sens où « les mêmes profitent de toutes les épreuves de sélection (ou presque), tandis que pour d’autres, toujours eux aussi les mêmes, les épreuves ont toujours des issues préjudiciables (ou presque) » (Boltanski, 2008, p. 155). Cette « domination complexe » procède par l’usage d’outils sur des points de détails, en modifiant des normes, comptables ou juridiques, qui à leur tour changent en profondeur les dispositifs d’ensemble, tout en se dispensant d’une justification, si bien que cette domination complexe participe au renforcement du capitalisme et des inégalités.
C’est à ces conditions, la mise en place d’un travail d’équipe explorant des terrains et décortiquant des matériaux, et l’usage d’une théorie de la domination complexe propre aux sociétés démocratiques de marché, que le sociologue peut s’atteler à sa tâche, rendre la réalité inacceptable, c’est-à-dire « non bien sûr dans l’intention de rendre le monde invivable, mais, au contraire, pour, en contribuant à libérer les possibles latéraux qu’il enferme, rendre enfin envisageable sa manifestation » (p. 178) et changer alors le monde.
(A) Pierre Bourdieu, Luc Boltanski, La production de l’idéologie dominante, Paris, Demopolis Raisons d’Agir, [1976] 2008. (B) Luc Boltanski, Rendre la réalité inacceptable, Paris, Demopolis, 2008.