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Serendipity.

L’autonomie des villes : quelles conditions et modalités de réalisation ?

Thierry Baudouin (coord.), Ville productive et mobilisation des territoires, 2007.

Image1Ce recueil de neuf contributions issues d’un séminaire de recherche se propose d’apporter un éclairage sur les enjeux locaux d’espaces urbains en voie de mondialisation, au regard, donc, des transformations plus générales des systèmes productifs dans lesquelles ils s’inscrivent ou qu’ils subissent. Au premier abord, trois aspects contribueraient, il faut le reconnaître, à rendre l’ensemble un peu décevant. Le titre, de son côté, ne laissait pas penser qu’il n’y serait question, principalement, que des villes portuaires limitées à des éléments de comparaison entre villes françaises et brésiliennes.

De plus, il n’est pas aisé d’y saisir le véritable fil conducteur des contributions assez hétérogènes dans leurs objets (certaines d’entre elles sur le capital social ou les théories de l’action, très théoriques, en restent à un haut niveau de généralités), dans leurs angles d’attaques (psychologues, économistes) ou encore au niveau du statut de leurs auteurs — la contribution d’un secrétaire du développement et de l’action régionale, défendant un type de politique et de stratégie économiques, reste par exemple difficile à lier à une autre concernant les aspirations des migrants internationaux.

Enfin, du côté des problématiques de fond abordées, l’ouvrage étant assez bref, son apport est difficile à défendre au regard des sommes déjà largement entreprises depuis de nombreuses années par les chercheurs reconnus de la question (curieusement jamais mentionnés) tels que Saskia Sassen, Peter Marcuse, ou le GaWC de Peter Taylor, en particulier sur les hinterworlds dont les auteurs gagneraient très certainement à prendre connaissance tant leurs apports pour aborder la question des villes portuaires est sérieux.

Mobilisation et régulation.

L’intérêt se situe donc du côté des grandes questions qui y transparaissent en filigrane. Au sujet du concept de « ville productive », le propos de cadrage de Thierry Baudouin en souligne les grands traits : celle-ci correspond à ces espaces urbains contemporains en voie d’affranchissement par rapport à une situation qui n’en faisait que de simples « sites productifs » localisés par une planification étatique ou une stratégie d’entreprise. Cette voie se caractérise par la présence de coordinations conflictuelles locales témoignant selon lui des vertus productives d’une concurrence entre firmes qui se complètent à travers leurs oppositions davantage qu’elles n’entreprennent de se substituer les unes aux autres, de coopérations de travailleurs dépassant les anciennes formes de corporatismes locaux, ainsi que par la présence rendue ou non possible par les institutions locales, d’un territoire commun métaphorique, d’un système partagé de référence mobilisant en particulier des ressources culturelles et permettant de produire des formes congruentes d’acteurs. On peut en passant regretter que cette définition sociologique et économique comparant ville fordiste et ville productive contemporaine, ne fasse pas cas de la métropolisation, les configurations urbaines d’hier n’ayant plus grand chose à voir avec celles d’aujourd’hui.

Ce cadrage permet de pointer deux questions fondamentales : d’abord, la contribution des entreprises aux systèmes et processus démocratiques locaux. Force est de constater à ce sujet que celle-ci reste encore aujourd’hui en France un point aveugle pour une série de raisons qu’il resterait à éclairer, oscillant entre absence, opacité, ou crise sociale. Puis, celle des effets d’une tutelle étatique sur les stratégies de configurations urbaines locales dont la faible autonomie est souvent rendue responsable. Des métropoles situées dans des contextes nationaux de moindre « interférence » de l’État ont-elles réellement déployé d’autres types de stratégies ?

Mais c’est la contribution d’Alain Bourdin qui retiendra toute l’attention parce qu’elle ouvre une véritable réflexion sur les conditions et les modalités de construction de l’autonomie des villes. En posant une série de questions auxquelles tant les chercheurs que les acteurs des stratégies urbaines sont à même de répondre à partir des perspectives qui leur sont propres et sans qu’elles se confondent, le sociologue urbaniste y déploie une approche analytique (mais aussi potentiellement stratégique) de l’action, renouvelée à partir de deux notions centrales : la mobilisation et la régulation, qui sont aujourd’hui au cœur de l’action et en constituent les deux principaux problèmes. On peut la définir comme une approche pragmatique, c’est-à-dire à la fois contextualiste et itérative de l’action publique ; elle est intégratrice dans la mesure où elle réagrège plusieurs problèmes souvent abordés de manière indépendante ou successive : celui des règles, des ressources, des conditions, des opportunités, des acteurs et des systèmes d’action qui leur correspondent. Prenant acte du fait que nombre de stratégies urbaines avancent aujourd’hui dans le brouillard beaucoup plus que de manière rationnelle et linéaire, intégrant au fur et à mesure qu’elles se réalisent contraintes et réajustements multiples, se redéfinissent parfois dans leur ensemble, c’est une véritable théorie (complexe) de l’autogestion comme réponse à l’épreuve de l’autonomie qu’il invite à suivre, se situant bien sûr très au-delà d’une forme d’émergentisme ou d’une approche irénique de l’auto-organisation.

Les réalités de la « fabrique urbaine » contemporaine.

Mobilisation et régulation ne sont pour lui pas dissociées mais étroitement liées de manière contextuelle, à une action en train de se faire. La mobilisation crée de la ressource en se réalisant, celle-ci ne lui préexiste pas : la mobilisation de type nimby, par exemple, produit autant de ressources (défense de la propriété individuelles) qu’elle n’en souhaite faire disparaître (équipement). Du côté de la régulation, de l’intégration comme de la production des normes et règles du jeu, s’il dégage l’idée que cette production doit être suivie au plus près de la dynamique des acteurs, cela n’implique pas l’autosuffisance de telles normes : même les organisations les plus décentralisées — souligne-t-il — font toujours appel à des ordres transcendants. Il faut simplement reconsidérer le rôle des conditions structurantes (ou ordres globaux). Si ces règles ne sont plus imposées par un État central par exemple, les collectivités sont loin d’y échapper : Bourdin avance qu’en réalité les types de mobilisation et de régulation sont en quelque sorte programmées dans leurs conditions de réalisation et de possibilité par les « matrices » de ces ordres globaux. La question qui se pose aux observateurs comme aux stratèges étant donc de saisir en quoi ces cadres structurants seraient amenés à constituer ou non des structures d’opportunité. Loin d’une idéologie, l’autogestion renvoie à cette pratique de gestion qui intègre « en situation » ses propres contraintes, crée ses ressources, produit ses propres règles et normes, s’emparant ce faisant de structures d’opportunité qui la dépassent.

Bien sûr cela pose un certain nombre de questions, celle, par exemple, de la viabilité de cette autogestion comme remise en question permanente de l’action et d’intégration des (nouvelles) ressources contextuelles : peut-on indéfiniment avancer dans un tel contexte d’incertitude ? Du statut, également, des « horizons » (plus que des orientations) dans de telles conditions. Ou encore de savoir si, parfois, la constante dénonciation d’une tutelle étatique ne pourrait pas aussi masquer une certaine paresse des institutions locales face cette exigence d’« emparement » des conditions structurantes impliquées par l’autonomie qu’elles revendiquent. Mais force est de constater en tout cas que cette approche correspond exactement aux réalités actuelles de l’action publique locale, de la fabrique urbaine contemporaine (brièveté des mandats, incertitudes quant aux conjonctures internationales etc.)

Thierry Baudouin (coord.), Ville productive et mobilisation des territoires, Éd. L’Harmattan, 2007.

Abstract

Ce recueil de neuf contributions issues d’un séminaire de recherche se propose d’apporter un éclairage sur les enjeux locaux d’espaces urbains en voie de mondialisation, au regard, donc, des transformations plus générales des systèmes productifs dans lesquelles ils s’inscrivent ou qu’ils subissent. Au premier abord, trois aspects contribueraient, il faut le reconnaître, à rendre l’ensemble ...

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