Le colloque international pluridisciplinaire « Art et géographie : esthétiques et pratiques des savoirs spatiaux » propose d’aborder d’une part, la question des nouvelles approches géographiques de l’art contemporain et, d’autre part, la question des formes d’hybridation des pratiques et des formes de médiation des savoirs géographiques développées par l’art contemporain, pour les articuler dans une réflexion sur le statut respectif de leurs écritures et de leurs savoirs.
Interroger la dimension spatiale de l’art contemporain.
Ce colloque s’inscrit dans les champs contemporains de l’art et de la géographie, pour prendre en charge le « tournant spatial » qui qualifie l’œuvre des arts contemporains avec l’espace/les lieux et pour interroger la pertinence des géographies contemporaines à s’en saisir, pour croiser in fine les tenants et les aboutissants (factuels, méthodologiques, théoriques, épistémologiques) de leur convergence.
Du fait de son double positionnement problématique, ce colloque s’adresse aux géographes (chercheurs, enseignants et aménageurs) et aux artistes (art visuel, art numérique, danse, etc.), dans la grande diversité de leurs approches, pratiques, objets, mais aussi à l’ensemble des sciences sociales ou humaines que la dimension spatiale ou géographique de l’art contemporain intéresse.
Approcher géographiquement le « tournant spatial » de l’art contemporain.
Les approches géographiques de l’art contemporain se développent autour de pratiques artistiques qui, depuis les années 1960, ont connu plusieurs transformations de leurs régimes de création, de concrétisation et de mise en visibilité pour devenir « contextuelles » et « relationnelles » – pour reprendre les termes respectifs de P. Ardenne et de N. Bourriaud –, jusqu’à faire – c’est notre postulat – de leur rapport au lieu de mise en œuvre et de mise en vue, de leur « manière de faire » avec l’espace, une question fondamentale, quasi principielle. La terminologie omniprésente de l’in situ, de l’outdoor, de l’alternative space, etc. dans l’art, les problématiques récurrentes de l’espace public, de l’environnement, de l’espace virtuel chez les analystes de l’art, signalent ce « tournant spatial » de l’art contemporain.
Celui-ci engage l’espace ou la spatialité du social pour atteindre une dimension politique renouvelée et s’impose alors comme un modèle d’activité incontournable pour les ingénieries spatiales (aménagement, urbanisme, architecture) du développement territorial post-industriel. Ce modèle est problématique pour les artistes, auxquels il est fait injonction d’animer les lieux ou le corps social via l’espace/les lieux, et doit être problématisé par les chercheurs. Depuis la triple stratégie spatiale du land art états-unien contre le monde de l’art des années 1960-70 (outdoor, in situ et changement d’échelle de l’objet) qui in fine l’a installé au cœur des programmes de land reclamation, jusqu’à l’extension des labels (branding) d’artistes-entrepreneurs aux quartiers de leur activité (via la stratégie des artist-run-spaces et/ou de la festivalisation des quartiers par exemple), en passant par les politiques de développement localisé et de marketing local qui s’appuient sur la promotion des « industries créatives » et leur « clusterisation », les artistes contemporains du fait de leurs manières de faire avec la multidimensionnalité de l’espace/du lieu et du fait de ce qu’ils font à l’espace/lieu, sont devenus des acteurs-clé des projets de la revalorisation, de la réanimation et de la remédiation spatiales – à toutes les échelles et dans toutes leurs dimensions (économique, sociale, culturelle, écologique, etc.).
Dans une période d’émergence et de développement consécutifs de l’intérêt de la géographie pour l’art, il importe donc de faire le point sur les intelligibilités qu’elle propose et sur les fondements théoriques et méthodologiques de celles-ci. Par conséquent, c’est la manière dont la géographie, comme science sociale, s’empare de la question spatiale dans l’art contemporain qu’il nous intéresse ici de creuser. Il importe en effet de comprendre ce que cette prise en compte du spatial par la géographie apporte à la compréhension de l’art contemporain, de son rôle social et politique, à côté des apports théoriques et conceptuels d’autres traditions interprétatives mieux reconnues à son endroit (esthétique, histoire de l’art ou critique d’art, sociologie de l’art). Inversement, il importe aussi de comprendre ce que l’art, dans ses manières d’être et de faire avec le lieu/l’espace, permet en retour à la géographie de saisir ou de consolider pour elle même, d’un point de vue théorique ou épistémologique. Ainsi il est d’ores et déjà possible d’identifier au moins trois tendances dans l’élaboration du phénomène artistique en géographie, soit qu’elle le travaille dans une perspective résolument spatiale – avec ou contre les modèles de l’économie spatiale (industrie créative, district culturel, etc.) –, soit qu’elle l’aborde à partir de la dimension spatiale de la pratique de ses acteurs – dans une perspective plus pragmatiste –, ou encore de la dimension spatiale de l’expérience esthétique – dans une approche plutôt esthétique et/ou phénoménologique.
La production de savoirs géographiques à l’œuvre dans l’art contemporain.
Corrélativement à « l’œuvre de l’art » contemporain avec le lieu/l’espace, les modalités et les formes traditionnellement associées à la géographie ou au géographique se développent dans l’art contemporain. En témoignent par exemple le développement de la carte comme objet d’art ou du cartographique comme pratique, ou encore le développement de méthodologies d’observation et d’enquête de terrain. Mais en témoigne aussi la mise en jeu des outils numériques liés à la géolocalisation, au géoréférencement ou à la manipulation et à la représentation de données géographiques dans les pratiques artistiques comme dans les œuvres qu’elles informent. C’est la question de la participation de l’art contemporain aux savoirs et aux représentations de type géographique que le colloque propose aussi de questionner – et cela quel que soit son degré d’hybridation, pratique, méthodologique ou théorique, avec les sciences de l’espace (géographie ou sciences de l’ingénierie spatiale). Dans le prolongement de cette problématique d’une géographie artistique, il convient de penser les manières dont l’art répond à des formes contemporaines de demande sociale portant sur le rapport à l’espace ou à l’environnement des collectifs sociaux (ou encore sur leur rapport à eux-mêmes via l’espace). Cette perspective médiagéographique déboucherait alors sur une question d’ordre épistémologique : dans quelle mesure, avec quels outils (théoriques, méthodologiques) et avec quelle profondeur réflexive ou critique, l’art contemporain constitue-t-il aujourd’hui, dans des contextes sociaux et scientifiques variés, une alternative à la construction scientifique du savoir de l’espace et du lieu (ou du rapport à l’espace et au lieu), une alternative en termes de production de savoir géographique ?
Ce colloque non seulement s’adresse à tous ceux que la dimension spatiale ou géographique de l’art contemporain intéresse, mais se veut ouvert en matière de modes d’exposé/sition et de contenus d’exposé/sition aussi bien à l’endroit des artistes qu’à celui des chercheurs : éditions documentaires de tout type, présentations orales et tables rondes, installations, performances, etc. sont considérées comme autant de manières possibles de mettre en forme et en vue les réponses à l’appel.
Il propose en particulier les pistes de réflexion suivantes, mais reste ouvert à d’autres propositions qui viendraient s’inscrire dans l’enjeu défini par le titre du colloque :
1. L’analyse de l’émergence de l’art contemporain dans les champs de la recherche géographique et de l’enseignement de la géographie ; les différents fondements théoriques et méthodologiques qui étayent cette émergence ; les types d’objet autour desquels s’organise cette émergence et au développement desquels elle contribue (les espaces/lieux d’art, la dimension spatiale des pratiques artistiques ou de l’expérience de l’objet).
2. L’étude des formes du « tournant spatial » de l’art contemporain et, en regard, l’analyse de la contribution de l’approche géographique (par l’espace ou la spatialité) à la définition du caractère relationnel ou contextuel qui est reconnu à l’art contemporain. L’étude de la manière dont la géographie entre en résonnance avec ces autres approches pour s’approprier, compléter ou réviser leurs apports. Autrement dit, l’expertise de la manière dont la géographie tend à s’affirmer aujourd’hui comme une discipline analytique de l’art.
3. Les formes et modalités du géographique dans l’art contemporain : usage et production de cartes et pratiques cartographiques, pratiques de terrain et de documentation, etc.
4. Les stratégies de gestion de la « demande sociale » par l’artiste dans le cadre d’une ingénierie spatiale qui lui fait injonction à traiter l’espace pour inventer du lien (social, écologique, géographique, etc.), et, en regard, la prise en compte critique de cet enjeu (la question spatiale dans l’art comme médiation) par la science géographique dans la diversité de ses approches.
5. L’art et la géographie dans la production du savoir de/sur l’espace et du lieu ou sur le rapport à l’espace et au lieu ; la question des régimes contemporains de production de savoir géographique.
Procédures de soumission et échéances.
Les propositions de communication devront comprendre un résumé de présentation d’un maximum de 400 mots ou les projets artistiques d’un maximum de 400 mots ou de deux pages de croquis et documents, des mots clés (correspondant aux mots clés de l’appel), un court CV (1 page maximum).
Elles devront être envoyées à l’adresse e-mail suivante artandgeography2013@gmail.com avant le 30 octobre 2012.
Pour plus d’information, nous contacter à : artandgeography2013@gmail.com.
Le colloque se tiendra 11 au 13 février 2013 à l’Université de Lyon (France).