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Serendipity.

Aménager les rythmes : politiques temporelles et urbanisme.

Mian Ye, Stadhuis van den haag reflection, 9.10.2013, Flickr.

L’urbanisation se rapporte tout autant à des reconfigurations spatiales qu’à de profondes transformations des modes de vie. Les logiques organisatrices des temps journaliers ont évolué au cours de l’histoire et les changements s’accélèrent depuis une trentaine d’années. Les relations entre les diverses activités, en particulier les durées et valeurs accordées au travail et au loisir, se transforment. Alors que le travail constitue le premier élément structurant le quotidien, son organisation est plus flexible et moins standardisée : en France, les journées courtes de travail et les journées longues augmentent, de même que les emplois à temps partiel, ceux à horaires dits « décalés » et le travail de nuit (INSEE, 1999, 2011). En parallèle, les loisirs et le temps libre s’affirment comme valeur dominante dans les sociétés occidentales (Dumazedier, 1962). Le développement technologique induit des temps artificialisés et perturbe les rapports traditionnels des individus au temps et à l’espace (Ascher, 2003). La rapidité grandissante de la transmission des communications ancre les échanges dans une sorte de processus continu et sans interruption. Le « temps réel » n’ordonne plus uniquement le monde industriel mais s’immisce de façon progressive dans le quotidien. Les individus sont dorénavant accessibles en permanence et une sorte de brouillage apparaît entre les périodes de travail et de non-travail. Les transports, toujours plus performants, reconfigurent les distances entre les lieux qui se mesurent désormais plus en termes de durée que de kilomètres.

Ces mutations participent d’une urbanisation des temps quotidiens, marquée par une accélération du rythme de vie (Rosa, 2010 [1] sont nées de ces préoccupations à la fin des années 1990. Prenant modèle sur les expériences pionnières italiennes, elles ont pour ambition de mieux concilier les différents temps des citoyens. Elles tentent d’intervenir sur des moments quotidiens particuliers, des espaces urbains ou l’accessibilité aux différents services de la ville. Bien souvent, elles donnent naissance à des structures spécifiques que nous appelons, par commodité, « Bureau des Temps », malgré des appellations diversifiées (Espaces des Temps, Maison du Temps, Mission Temps de la ville, etc.). Peu visibles, car agissant sur l’objet « temps », les politiques temporelles restent, plus de dix ans après les premières initiatives menées, encore méconnues, peu de bilans ayant été dressés depuis (Boulin 2008, Mallet 2011). Pourtant, elles sont bien plus qu’un effet de mode et leur diffusion se poursuit. Les politiques temporelles seraient à l’origine de pratiques urbanistiques inédites, considérant le temps sous diverses formes et donnant naissance à un « urbanisme temporel », pour reprendre l’expression employée par leurs acteurs.

En nous appuyant sur des entretiens avec des chargés de mission et des élus des politiques temporelles, des séminaires de l’association Tempo Territorial, des documents internes fournis par les personnes enquêtées, des documents de communication et articles de presse, nous proposons une analyse des apports et limites de ces politiques dans le champ urbanistique. En quoi participent-elles à reconfigurer les pratiques d’aménagement ? De quelles manières tentent-elles de concilier les aspects liés au temps avec ceux liés à l’espace ? Un urbanisme chronotopique (Mallet 2009, Paquot 2009) est-il en passe de se constituer ? Ce texte interroge également les façons dont ces politiques comprennent la notion de temps. En effet, comment ces politiques se positionnent-elles face aux problématiques temporelles actuelles ? Vont-elles dans le sens d’une ville en continu ou tentent-elles de protéger certains moments ?

La ville est concrétisation de rythmes, cohabitant, s’entremêlant et interagissant entre eux : s’intéresser à cette polyrythmie permet alors de penser autrement les espaces et leur aménagement. Le rythme, cette expression concrète du temps (Bachelard, 1950) au cœur de la quotidienneté (Lefebvre et Régulier, 1985), n’est pas un concept utilisé de façon explicite et régulière par les acteurs des politiques temporelles. Cependant, nous posons l’hypothèse que les politiques temporelles et les Bureaux des Temps intègrent la question du rythme en urbanisme sous différentes perspectives. La prise en compte de la pluralité des rythmes urbains s’exprime dans les actions sous trois formes dominantes, qui sont celles de la multiplicité des temps sociaux, de la polychronie des lieux et de la polyvalence séquentielle des espaces. Cependant, faute de moyens suffisants et de reconnaissance par les urbanistes, les actions des politiques temporelles manquent de portée globale et sont parfois contradictoires, ce qui empêche la naissance d’un nouvel urbanisme pensé par le rythme, qui prendrait pleinement en compte, de façon explicite et volontaire, la question de l’articulation des temps urbains.

Un regard novateur sur l’espace.

Repenser l’aménagement des territoires.

En France, la volonté de renouveler les bases de l’aménagement des territoires est présentée comme un élément structurant des politiques temporelles. Elles sont apparues dans une période où sont élaborées de nouvelles lois visant à changer les formes de la planification territoriale (la loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT)) datent de 1999 et la loi Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU) est votée en 2000). En outre, les lois Aubry de 1998 et 2000 [3] relatives à la réduction du temps de travail suscitent de nombreuses réactions. Les premiers Bureaux des Temps français sont créés à partir de 2001, en partie grâce au programme de prospective de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), Territoires 2020. L’objet du débat engagé par la DATAR fait pleinement écho à ces deux lois qui organisent le temps de travail salarial réglementaire à 35 heures par semaine et qui recommandent, dès l’article premier, une harmonisation des services publics en rapport avec les besoins des habitants.

Les premiers Bureaux des Temps français prennent modèle sur les premières expériences menées en Italie, pays précurseur des politiques temporelles. Le thème des temps de la ville, y a, en effet, trouvé une expression politique et législative à différents échelons territoriaux dès la fin des années 1980. Cela s’explique par le poids de la recherche qui existait déjà sur les temps sociaux ainsi que par le rôle des mouvements féministes et des syndicats (Bonfiglioli, 1999). C’est à la suite de ces initiatives italiennes que se sont développées des politiques temporelles dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne, en Espagne et en France. En France, malgré l’arrêt de l’implication de l’État dans la promotion et le financement des actions dès 2002 (liée au changement de gouvernement), on assiste à un essor régulier de ces politiques, notamment sous l’impulsion d’une association, Tempo Territorial, qui vise à les promouvoir, à mutualiser les connaissances et partager les expériences via des séminaires, des guides méthodologiques et des journées de formation. Un réseau européen a, par ailleurs, été fondé en 2009 à Barcelone, première ville espagnole à avoir créé un Bureau des Temps. Désormais, ce sont plus d’une trentaine de collectivités françaises qui tentent d’intégrer la question des temps dans leurs démarches.

Visant une meilleure coordination entre emplois du temps des populations et temps urbains, la volonté d’étudier et d’adapter les territoires à la multiplicité des temps sociaux apparaît dès les premières actions entreprises.

Multiplicité des temps sociaux.

La prise en compte de la diversité des rythmes quotidiens et de leur coordination est au cœur des actions des Bureaux des Temps. Avant de présenter les actions des politiques temporelles allant en ce sens, rappelons que le rythme naît d’abord d’une configuration de plusieurs éléments, source d’ajustements permanents mais aussi de désynchronisations et de décalages. Ensemble formé par la relation entre ses parties (Benveniste, 1966), le rythme est agencement entre différents processus temporels interagissant entre eux (Lefebvre et Régulier, 1985). Pour Henri Lefebvre et Catherine Régulier, le rythme constitue la forme temporelle de notre quotidien, comprenant des successions d’actes, de faits et gestes, des alternances d’absences et de présences, d’heures pleines et creuses. Conformée à des règles et des normes sociales, l’organisation temporelle de la vie quotidienne résulte d’un aménagement tant intérieur qu’extérieur, tout autant personnel que social. Les différents éléments temporels (rythmes naturels, tempo des horloges, temps sociaux, rythmes individuels, temps privés, rythmes publics, etc.), s’entremêlent et interagissent sans cesse entre eux. Il en ressort des ajustements, des synchronisations, mais aussi des perturbations, des luttes. Des sociologues, tels Georges Gurvitch et William Grossin, ont développé des théories sur la diversité et l’hétérogénéité du temps et ont dénoncé l’illusion de son uniformité. Pour Georges Gurvitch,

la vie sociale s’écoule dans des temps multiples, toujours divergents, souvent contradictoires, et dont l’unification relative, liée à une hiérarchisation souvent précaire, représente un problème pour toute société. (Gurvitch, 1950, p. 325)

Les groupes sociaux se réalisent dans des temps qui leur sont propres. Selon les catégories de populations et les classes d’âges, des différences s’observent dans le rythme de la journée, l’enchaînement des activités et les façons de gérer et maîtriser le temps. Le temps du professeur de collège n’est pas le même que celui de l’ouvrier, de l’agriculteur ou de l’employé de bureau (Grossin, 1974). Mais il existe un paradoxe essentiel et constitutif de toute société : si les temps sociaux sont fondamentalement pluriels, la société ne peut vivre sans essayer d’unifier cette pluralité. Les individus rencontrent au sein de leur quotidien de multiples temps avec lesquels ils doivent composer. Plusieurs temps s’entrelacent avec le temps propre de l’individu et participent alors à sa construction : il peut être influencé par le fait de vivre en milieu urbain ou rural, par des impératifs sociaux tels que les rendez-vous, l’heure d’embauche et de débauche de son travail, le moment de la journée (matin, soir, etc.). Finalement, chacun doit sans cesse s’adapter et procéder à des ajustements, l’individu ne pouvant disposer d’un temps entièrement libre, c’est-à-dire sans liens extérieurs. Dans les sociétés occidentales, les journées sont principalement marquées par la référence constante au Temps Universel [4] qui domine l’organisation des rencontres sociales. Par conséquent, le temps social se définit comme un « temps de coordination et de décalage » et « le maximum de signification humaine se greffe sur lui » (Gurvitch, 1950, pp. 338-340).

En France, comme dans d’autres pays européens (Italie, Pays-Bas), les politiques temporelles visent d’abord un type de population spécifique — les mères de famille — qui rencontre des difficultés à gérer les diverses parties de son emploi du temps. En Italie, les féministes revendiquent, au milieu des années 1980, de plus grandes possibilités de gestion du temps de travail, familial, domestique, civique, etc. pour les femmes. Une proposition de loi intitulée « Les femmes changent le temps : une loi pour rendre plus humains les horaires de travail, les horaires de la ville, le rythme de la vie » [5] et que « l’esprit d’un nouvel art de la planification urbaine se forme ».

Le temps apparaît comme une variable fondamentale à prendre en compte en aménagement à double titre. D’une part, parce que les sociétés urbaines sont confrontées à des évolutions temporelles majeures, créant de nouvelles désynchronisations, inégalités sociales et des conflits. D’autre part, parce que, si les réflexions en aménagement sont traditionnellement centrées sur l’espace, on ne peut ignorer que l’urbanisme agit depuis toujours sur l’organisation temporelle de la ville et influence inévitablement le quotidien et les rapports au temps des habitants. Les modèles d’organisation de l’espace urbain ont des effets directs sur la gestion des emplois du temps et les manières de vivre-ensemble. L’étalement urbain et le fonctionnalisme ont produit des espaces divisés, aux régimes temporels singuliers. De façon schématique, la ville a éclaté en espaces aux activités différenciées, dédiés au logement, au travail, aux courses ou aux loisirs. Cet urbanisme, qui génère inévitablement de fortes mobilités et des pertes de temps, est chronophage. À l’inverse, le modèle de ville dense, compacte, proposant une mixité de fonctions urbaines, est, lui, fortement susceptible de générer des conflits en rapprochant activités et populations aux régimes temporels divergents.

Par conséquent, jusqu’où cette intégration de la question des rythmes par les politiques temporelles est-elle directement prise en compte par les acteurs de l’aménagement ?

Des structures fragiles.

Malgré les apports décrits précédemment, les Bureaux des Temps restent des structures fragiles. D’une part, ces organismes souffrent de la faiblesse de leurs financements : ils ne bénéficient plus d’aides de l’État depuis 2002. Après cette date, ils ont eu recours à des fonds européens, notamment de la part du programme européen nommé Equal. Cependant, ces fonds ont touché à leur fin et il s’ensuit souvent un essoufflement des actions entreprises. Les budgets sont considérés comme minimes par l’ensemble des personnes impliquées dans les politiques temporelles. D’autre part, le nombre de personnes qui travaillent dans les Bureaux des Temps est restreint (bien souvent, on y trouve une à deux personnes), et le positionnement de ces Bureaux au sein des collectivités est particulier : ils figurent pour la plupart dans un service des études, au sein de la direction générale (par exemple, à Saint-Denis et en Gironde). Ils ne sont donc pas l’équivalent d’un autre service, contrairement aux Bureaux de l’aménagement ou de l’environnement, en général. Tout cela les rend peu visibles et largement dépendants des convictions des élus du moment. Leur positionnement correspond toutefois à une dimension transversale qui entend dépasser les cloisonnements institutionnels. Mais la question des temps apparaît couramment trop abstraite et trop récente. Il en résulte que les Bureaux des Temps œuvrent beaucoup à communiquer et sensibiliser, à l’extérieur comme à l’intérieur de leur propre collectivité.

Peu de liens avec les urbanistes.

Les liens entre l’aménagement des territoires et politiques temporelles sont plutôt paradoxaux. Alors que ces dernières sont nées au sein de la DATAR, la plupart des acteurs des Bureaux des Temps se présentent eux-mêmes comme des institutions d’abord liées aux « services à la personne », ce qui peut laisser penser à un éloignement de leurs préoccupations territoriales. D’autant plus que peu de liens existent généralement avec les aménageurs. Trois raisons peuvent être identifiées : très peu d’aménageurs ou d’urbanistes travaillent dans un Bureau des Temps, ces derniers sont rarement intégrés au sein d’un service d’urbanisme ou d’une agence d’urbanisme, et la formation des urbanistes sensibilise rarement aux problèmes temporels. Au final, l’association Tempo Territorial remarque « un déficit de cas intégrant la dimension temporelle d’amont en aval, la pénurie d’expérimentations des acquis sur le terrain, liée au manque de légitimité des Bureaux des Temps » (Tempo Territorial, 2006).

Les membres des politiques temporelles se heurtent souvent aux cloisonnements des compétences. À titre d’exemple, les Bureaux des Temps de Paris et Saint-Denis ont essayé de collaborer avec le service des éclairages de leur collectivité respective, mais ceux-ci n’ont pas vu l’intérêt d’une nouvelle collaboration. Les Bureaux des Temps restent très peu sollicités par les aménageurs : dans les projets urbains, ils interviennent parfois au niveau du diagnostic mais ne sont pas intégrés dans la définition des orientations, ni dans le suivi des projets. Pourtant, la prise en compte des temps ne serait-elle pas pertinente dès l’élaboration des projets ? Dans le cadre des conflits temporels, les Bureaux des Temps sont uniquement présents en tant que médiateurs pour apaiser des conflits existants. Cela signifie qu’ils interviennent en cas de problème déjà constitué. L’intégration des problématiques temporelles lors des phases de diagnostic ou de programmation pourrait certainement permettre d’éviter, nous semble-t-il, la naissance même de certains conflits. On peut également supposer que leur prise en compte en amont des projets pourrait permettre une optimisation de l’utilisation des équipements dans le temps.

Paradoxes et contradictions.

La fragilité de ces structures amène parfois à des pratiques qui semblent contradictoires avec les idées soutenues par les Bureaux des Temps. L’exemple des actions réalisées sur la nuit l’illustre bien : l’ensemble des membres des politiques temporelles s’accorde à dire qu’il ne faut pas développer une ville en continu, fonctionnant 24h/24. Pourtant, presque toutes les actions entreprises vont dans le sens d’une plus grande ouverture de la nuit. Cela passe par l’accès à de plus en plus d’activités durant cette période, lié à la volonté de réduire les inégalités entre individus et de rendre la ville accessible à tous. Or, il s’agit, dans la grande majorité des cas, d’activités de type diurne (aller en bibliothèque, à la piscine ou au musée). La plupart des actions portent sur le temps de la soirée, essentiellement jusqu’à minuit. Elles accompagnent ainsi l’ensemble des évolutions actuelles spontanées, d’ordre privé, qui se font sur ce moment spécifique (Melbin 1978, Gwiazdzsinki 2005). Certaines actions tentent de jouer sur le côté évènementiel de la nuit, extra-quotidien, hors de la routine ordinaire. Mais au vu du rythme récurrent de certaines de ces « nocturnes », qui reviennent souvent une fois par semaine et de la multiplication des nocturnes de tous types, publics comme privés, on peut s’interroger : que reste-t-il d’évènementiel et d’extraordinaire à ce type de manifestation ? On va plutôt dans le sens d’une normalisation de ce qui était jusqu’alors atypique, d’un rapprochement toujours plus grand entre la nuit et le jour en cassant certains référents temporels qui existaient jusqu’alors, comme le fait qu’une piscine, un musée ou une bibliothèque soient fermés après 19 ou 20 heures le soir. Il faut dire que la faiblesse des moyens et le peu de crédit que leur accordent les urbanistes laissent aux Bureaux des Temps des marges de manœuvre restreintes et les actions se font plutôt au fur et à mesure des opportunités. Cette situation ne permet pas de participer à des projets d’envergure à l’échelle d’une agglomération ou d’un quartier.

Les Bureaux des Temps sont conçus comme des moyens privilégiés de diffusion des problématiques temporelles au sein des collectivités. Bien des villes n’en possèdent pas mais ont entrepris des chartes de vie nocturne, ou une révision des horaires d’ouverture de certains services. Toutefois, leur rôle de diffuseur de « bonnes pratiques », de mise en réseau d’expériences dispersées, d’appui aux initiatives locales, de médiateur entre acteurs aux intérêts antagonistes, laisse supposer que ces structures ont contribué à affirmer l’intérêt d’intégrer la problématique de la multiplicité des temps sociaux dans les politiques urbaines. Compte tenu des transformations qui affectent les rythmes urbains traditionnels, il semble désormais fondamental de considérer davantage la pluralité des temporalités sociales qui rythment les espaces urbains en impliquant l’ensemble des métiers liés à l’urbanisme, qu’ils soient ceux de la maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre, de la recherche ou de l’enseignement.

Mais penser la polyrythmie d’un lieu ou d’un territoire ne saurait se réduire aux questions sociales. L’étude des interactions temporelles figure au cœur de l’écologie temporelle pensée par William Grossin (Grossin, 1996). Cette écologie se base sur la reconnaissance de différents types de temps, avant d’étudier leurs multiples relations, les influences que les uns exercent sur les autres. Or deux grandes catégories se distinguent : les temps construits (personnels et sociaux) et les temps naturels (cosmiques et biologiques). D’autres temporalités mériteraient ainsi d’être systématiquement abordées, tant dans les études urbaines que dans les projets urbains, telles les temporalités des stratégies urbaines ou celles des rapports de l’homme à son environnement.

Abstract

What do time-oriented policies and time offices bring to urban planning ? Introduced in France in the late 1990s, the originality and interest of their actions lie on their choice to integrate the plurality of urban rhythms in planning. The consideration of this plurality takes three directions : the multiplicity of social time, the polychrony of the places and the sequential versatility of spaces. However, time-oriented policies lack resources and recognition. In this way, their actions lack global scopes.

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Notes

[1] Voir les recensions d’Antoine Chollet et de Nathalie Blanc concernant cet ouvrage: « Réponse d’Antoine Chollet » et « L’accélération au fondement de la “modernité” ? ».

[2] Le temps est cependant un thème d’aménagement territorial posé dès les années 1950 en France. On ne parle pas alors de « politiques temporelles » mais d’ « aménagement du temps ». Les actions entreprises par des structures telles que le CNAT (Comité National pour l’Aménagement des Horaires de Travail) ou le CATRAL (Comité pour l’Etude et l’Aménagement des horaires de Travail et des temps de Loisirs) reposent, pour l’essentiel, sur une politique d’horaires variables et des désynchronisations d’activités. Elles ambitionnent surtout de résoudre des problèmes de congestion dans les transports et de “temps morts” nuisant à l’économie. Les objectifs et les acteurs de l'”aménagement du temps” sont radicalement différents de ceux des “politiques temporelles” (Mallet, 2009).

[3] Loi Aubry II, n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail. Article 1, Alinéa 7 : « Dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, le président de la structure intercommunale, en liaison, le cas échéant, avec les maires des communes limitrophes, favorise l’harmonisation des horaires des services publics avec les besoins découlant, notamment du point de vue de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, de l’évolution de l’organisation du travail dans les activités implantées sur le territoire de la commune ou à proximité. À cet effet, il réunit, en tant que de besoin, les représentants des organismes ou collectivités gestionnaires des services concernés et les met, le cas échéant, en relation avec les partenaires sociaux des entreprises et des collectivités afin de promouvoir la connaissance des besoins et de faciliter la recherche d’adaptation locale propre à les satisfaire. »

[4] Échelle de temps internationale, basée sur la rotation de la Terre.

[5] « Le Donne cambiano i tempi : una legge per rendere piu’umani i tempi del lavoro, gli orari della città, il ritmo della vita ».

[6] « l’insieme delle temporalità proprie del versante fisico e quelle proprie del versante sociale si legano in una relazione che permette alle forme fisiche e sociali di abitare l’una nell’altra ».

[7] En conclusion du séminaire organisé par Tempo Territorial, en novembre 2007, à Saint-Denis, intitulé « L’urbanisme Temporel ».

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