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Serendipity.

Parcours (à la loupe) d’un artiste en perspective.

Marianne Le Blanc, D’Acide et d’Encre, Abraham Bosse (1604 ?-1676) et son siècle en perspectives, 2004.

Image1Marianne Le Blanc est maître de conférences en histoire de l’art à Paris 10 Nanterre, spécialiste de l’art français du 17e siècle. Les Éditions du CNRS publient d’elle un ouvrage concernant l’aqua-fortiste protestant bien connu, Abraham Bosse, dont les gravures sont un fourmillement de renseignements pour l’historien de la civilisation et pour la réflexion sur les mentalités au 17e siècle autant qu’un plaisir pour les yeux étant donné leur finesse d’exécution et de dessin, leur habileté de composition, leur justesse dans le rendu du décor, des costumes, des manières de vivre et de se fréquenter. La plupart de ses gravures sont assorties de couplets anonymes qui aident à la lecture des images et proposent des commentaires parfois grivois et grotesques, parfois moraux, surtout quand les scènes sont des illustrations de paraboles bibliques. Dans une des dernières livraisons d’EspacesTempsLesCahiers (n°78/79, À quoi œuvre l’art. Esthétique et espace public) un article de Bruno-Nassim Aboudrar, « Le genre des vierges », s’appuie entre autres sur une série de gravures de Bosse, qui a illustré ce thème à plusieurs reprises, en l’adaptant aux mœurs de son époque.

Le livre de Marianne Le Blanc n’est pas ce que l’on appelle un « beau livre », ces recueils de reproductions qui souvent laissent le lecteur sur sa faim quant aux commentaires et études d’œuvres. Il comporte un cahier central de quelques reproductions, mais il est surtout une étude très approfondie de la carrière d’un homme dont la biographie est à vrai dire assez mal connue (voir le ? sur sa date de naissance…) et dont la position dans son siècle demeure ambiguë. D’une part, célèbre et apprécié pour ses gravures, il occupe une situation respectée, qui lui vaut l’entrée à l’Académie, laquelle, fondée au cours du siècle, en 1648, se met à régenter l’art par ses méthodes d’intégration, et suscite surtout un discours théorique dont Félibien est un grand exemple. Abraham Bosse est aussi un théoricien. Il participe de ce souci du siècle de rationaliser les pratiques, et produit notamment des manuels de perspectives et de géométrie à l’usage des artistes. Il entre donc à l’Académie un an après la publication de son premier ouvrage, qui appliquait aux lois de la perspective les théories du géomètre Desargues, et y travaille pendant une dizaine d’années, formant les futurs artistes à ses méthodes (divers traités témoignent d’un réel souci de pédagogie). Un conflit éclate cependant, sur cette question de la perspective, dont Bosse pensait que sa justesse absolue, son respect le plus précis des lois de la géométrie était la condition hic et nunc de la valeur des œuvres (il rejette des toiles de Titien comme mal composées de ce point de vue, par exemple). Bien que disposant d’un véritable réseau d’amitiés, notamment dans les milieux scientifiques qu’il ne cesse de fréquenter, sa rivalité avec celui qui devient le Premier peintre du Roi, Charles Le Brun, sur cette fameuse question de la perspective, alimentée par moults traités et pamphlets, le conduit à démissionner de l’Académie et à poursuivre un chemin solitaire, au moment précis où l’Académie suscite des traités, comme celui de Félibien qui font autorité quant à la théorisation de l’art qu’on nomme désormais « classique ».

L’intérêt de l’ouvrage est donc double : d’une part, alimenter de manière érudite la biographie intellectuelle d’un artiste qu’on juge trop souvent sur une seule partie de son œuvre, les estampes du début de sa carrière, dont on pense qu’elles illustrent la vie des Précieuses, là où, d’après l’auteur, il faut plutôt lire les propres progrès de Bosse dans la maîtrise des lois de la perspective. À la lecture de l’ouvrage, on est plutôt amené à considérer Bosse comme un théoricien et un vulgarisateur de principes mathématiques. D’autre part, le travail de recherche illustre les conflits qui ont pu animer le monde des arts au 17e siècle, en mettant en relief les liens et les procédés par lesquels se disposent les théorisations en cours. Celui qui rechercherait à travers l’ouvrage des commentaires d’œuvres d’ordre socio-historique risquerait en revanche d’être déçu : ce n’est pas le propos ici de Marianne Le Blanc, mais on peut s’appuyer sur sa longue et précise bibliographie pour explorer d’autres pistes.

À signaler que se tiennent pour ce quadricentenaire de Abraham Bosse deux expositions : l’une au Musée des Beaux-Arts de Tours, sa ville natale, et l’autre dans la galerie Mazarine de la Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu.

L’exposition parisienne insiste sur l’apprentissage de la gravure et les différentes techniques : burin, taille-douce. Elle a le mérite de montrer, images à l’appui, les influences, surtout flamandes, subies par l’apprenti. Elle donne des échantillons non négligeables des divers talents de Bosse illustrations de fables religieuses (le fils prodigue, les vierges folles et les sages), planches de travail sur la perspective, affiches de théâtre… et montrent que les discussions visiblement sont ouvertes sur la nature des convictions religieuses de ce protestant, ainsi que sur ses difficultés avec l’Académie. Les commentaires de la BN sont assez intéressants pour ce qui concerne l’historique du travail, les techniques et les influences. Les « explications » en revanche ne sont que des descriptions plates, qui n’apportent rien au spectateur. Une bonne idée consiste à prêter des loupes, qui, bien que peu puissantes, permettent d’examiner de près l’extraordinaire qualité des détails des planches.

Exposition : « Abraham Bosse, savant graveur, Tours, V. 1604- 1676, Paris »

À Paris, site Richelieu, Galerie Mazarine, Commissaire : Maxime Préaud, du 20 avril au 11 juillet 2004.

À Tours, musée des Beaux-arts, Commissaire : Sophie Join-Lambert, du 17 avril au 18 juillet 2004.

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Marianne Le Blanc est maître de conférences en histoire de l’art à Paris 10 Nanterre, spécialiste de l’art français du 17e siècle. Les Éditions du CNRS publient d’elle un ouvrage concernant l’aqua-fortiste protestant bien connu, Abraham Bosse, dont les gravures sont un fourmillement de renseignements pour l’historien de la civilisation et pour la réflexion sur ...

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