Le film comme outil d’observation du politique.
Le premier axe de recherche, essentiellement méthodologique, appréhende le film comme un instrument d’observation dont la capacité de reproduction et d’extension supérieure à celle du magnétophone permet de renouveler les techniques disponibles de recueil de données. En effet, du fait de sa « mécanique impassible », qui permet une reproduction objective et impersonnelle – « dont l’homme est exclu » écrivait André Bazin -, l’enregistrement d’images et de sons peut par la neutralité qui le caractérise contribuer, d’une part, à la cumulativité des résultats de l’observation et, d’autre part, à prolonger l’apport de l’observation ethnographique du politique . Comme l’indique Madeleine Grawitz, au sujet de l’observation de défilés ou de meetings : « (…) le cinéma permet une observation globale à laquelle des individus isolés ne peuvent parvenir (…) un seul observateur ne peut tout voir (…) En revanche, ayant participé ou observé la réalité, il peut grâce au film compléter son information. » Plus encore, le document cinématographique n’est pas réductible à un simple contenant d’informations politiques puisqu’il affecte, par son réalisme même, la « nature » et la « portée » de cette information en permettant de reconstituer de manière plus fidèle le ton, la mimique, le geste et l’expression, autrement dit la vie elle-même . Il est donc plus que légitime que la science politique se saisisse directement de ces objets cinématographiques.
Le film comme analyseur du politique.
Le deuxième axe, empirique, consiste à appréhender le film comme analyseur des attitudes et comportements politiques. Le film constitue un lieu d’observation privilégié des phénomènes sociopolitiques où « le sens émerge de rapports motivés entre des signes et des acteurs sociaux » . De ce fait, loin de n’exister qu’en « un cabinet noir » où ne régnerait que l’intention toute puissante et surplombante d’un auteur, le cinéma suppose au contraire une relation et une interaction ininterrompues avec des conditions de production, d’interprétation et de réception par les professionnels et par le public. Par exemple, dans le prolongement des recherches de Frédérique Matonti consacrées à la nouvelle critique cinématographique , les travaux d’Audrey Mariette au sujet de la mise en scène cinématographique des classes populaires s’appuient sur une perspective de ce type en privilégiant une analyse de « l’engagement par les œuvres ». Par ailleurs, dans cette optique, les films et surtout certains réalisateurs spécifiques peuvent être considérés comme de véritables auteurs d’une pensée politique, qui se déploie sous une forme filmique mais repose sur un système d’analyse très riche du politique . Ainsi, la célèbre « politique des auteurs » française n’a pas forcément produit des analystes du politique, mais plusieurs de ces auteurs ont proposé des films qui sont autant d’œuvres « politiques ».
Le film, le cinéma et les cinéastes comme sources d’explication du politique.
Le troisième axe, plus théorique, consiste à appréhender le film comme source d’hypothèses explicatives du politique. Il s’inscrit notamment dans le sillage des travaux de Jacques Rancière pour lequel le cinéma constitue l’une « des formes de la visibilité qui structurent un monde commun. » Ici, la production d’un agencement d’images en mouvement s’apparente à la mise au jour des structures sous-jacentes des phénomènes politiques, par exemple du fait qu’elle permet de reconstituer le cadrage qui détermine la perception et la compréhension des phénomènes politiques. A titre d’illustration de cette approche, on peut évoquer le travail de Philippe Corcuff qui vise à reconstituer le rapport entre philosophie politique et cinéma à travers la mise en évidence du lien entre le perfectionnisme démocratique de Emerson et les comédies du remariage des années 1940 et plus généralement entre l’expérience de la liberté individuelle propre à la vie ordinaire et celle du cinéma .
Conditions de soumission.
Les responsables de la ST souhaiteraient que soient proposées des communications s’inscrivant dans un de ces trois axes. Seront particulièrement les bienvenues des présentations monographiques portant sur un réalisateur, un courant cinématographique, un film. Par ailleurs, des présentations axées sur une comparaison seraient également très éclairantes pour penser les différentes modalités de l’appréhension du politique.
Les propositions doivent faire au maximum 5000 signes.
Date limite d’envoi des propositions : 15 octobre 2012
Envoi des propositions par mail aux responsables de la Section thématique : David Smadja et Laurent Godmer, maîtres de conférences en science politique à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée.
Les réponses seront adressées aux candidats au plus tard le 15 novembre 2012.
Le congrès de l’AFSP aura lieu à Paris FNSP, les 9, 10 et 11 juillet 2013.