En regardant cette image, on a d’abord une impression d’intemporalité. Prise en 2002 à Casablanca, cette photographie pourrait fort bien, dirait-on, nous venir de 1937 ou de 1953. Ces hommes – seulement des hommes, bien sûr – à l’élégance « orientale » affichent avec plaisir leur « fleur de l’âge » devant un jeune homme intimidé. Le serveur appartient clairement au même univers. On semble loin du jeunisme et du féminisme, mais aussi de l’islamisme. C’est un monde arabe relu par la France, avec en arrière-plan, l’héritage magnifique des plans Prost et Écochard, qui ont donné à cette ville l’un des plus riches patrimoines d’architecture du Mouvement moderne. Cependant, se rassure-t-on, les miroirs ne renvoient jamais que leur propre image, déformée par la réalité que nous leur attribuons. Ces globes, typiques d’une époque, encore française, révolue avant d’avoir commencé. Cet immeuble de bureaux d’un genre incertain, qui barre l’horizon. Ces silhouettes d’automobiles qui signent leur date de naissance. Ce mobilier urbain fruité, « comme on fait maintenant ». Cette veste de survêtement transmission sans équivoque d’un événement sportif mondialisé. … Et c’est tout. Pour combien de temps encore la rue du Prince sera-t-elle la rue du Prince ou du moins cette rue du Prince ? Le présent n’occuperait-il que la couche la plus fine de notre contemporanéité ?
Transprésences.
Résumé
Bibliographie
Notes
Auteurs
Jacques Lévy
Géographe, il est professeur à l’Université de Reims et à l’Institut d’Études Politiques de Paris. Il est fellow au Wissenschaftskolleg zu Berlin (2003-2004). Il travaille sur la ville et l’urbanité, la géographie politique, l’Europe et la mondialisation, les théories de l’espace des sociétés, l’épistémologie de la géographie et des sciences sociales. Il est coordinateur des rédactions d’EspacesTemps, responsable des Mensuelles et du Mot du mois.
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