La Suisse urbaine : loin du consensus.
Depuis les années 1990, les représentations officielles et savantes de la Suisse urbaine ont tendances à se multiplier. Jusqu’alors seules deux visions de l’urbanisation étaient largement diffusées : la décentralisation concentrée et l’urbanisation du mètre carré par seconde.
La décentralisation concentrée est un concept inventé dès les années 1940 par Armin Meili, pionnier de l’aménagement national, et formalisé dans les années 1960 et 1970 par l’Institut Orl (Orts-, Regional-und Landesplanung) de l’Ecole polytechnique Fédérale de Zurich (Walter, 1996) qui projette l’armature urbaine de la Suisse sous forme d’un tamis de centres complémentaires et interconnectés. Dans cette vision idéale de l’urbanisation, la promotion des centres secondaires doit permettre de limiter le basculement démographique ou économique du pays sur les centres principaux (Rotach, 1973). Le nombre de mètres carrés de sol qui disparaissent par seconde a longtemps constitué l’indicateur privilégié de description de l’urbanisation en Suisse. Utilisé pour la première fois en 1955 dans Achtung Die Schweiz (Burckhardt, Frisch, Kutter, [1955], 1976) un essai destiné à alerter l’opinion sur les dangers de l’urbanisation sans frein, il a été réactivé périodiquement par les offices fédéraux chargés de l’environnement ou de l’aménagement du territoire pour souligner l’urgence d’agir contre l’envahissement du pays par les constructions. En 1955, c’était un mètre carré de terre agricole qui disparaissait toutes les trois secondes. Entre 1950 et 1990, c’était un mètre carré par seconde sacrifié à l’urbanisation (Walter, 1996). En 2000, c’est toujours un mètre carré de sol qui se transforme en surface bâtie chaque seconde. L’Office fédéral de l’aménagement du territoire (Ofat) accueillait les visiteurs de son site Internet jusqu’en 2001 par un compteur égrenant inlassablement cette transformation.
Le problème de ces deux représentations est qu’elles ont contribué à entretenir l’idée que l’urbanisation en Suisse, la concentration urbaine, le développement de grandes villes est avant tout un problème. Elles ont accompagné la mise en œuvre d’un aménagement du territoire par la négative (Walter, 1996) qui vise plus à circonscrire qu’à gérer les villes.
Négligées jusqu’alors (Gerosa, Racine, Bassand, 1988), les villes, les agglomérations deviennent parties intégrantes de la politique fédérale d’aménagement du territoire en tant qu’elles représentent la majorité de la population du pays et qu’elles constituent la source du développement économique de celui-ci (Conseil fédéral, 1996).Les résultats du recensement de 1980 et surtout celui de 1990 vont donner matière au renouvellement de l’image de la Suisse urbaine. Ces recensements accompagnent une renaissance de la recherche urbaine en Suisse (Salomon Cavin, 2003, p. 179-181). Ces données et les analyses qu’elles engendrent vont permettre de diffuser de nouveaux éclairages sur le fait urbain helvétique. Elles permettent d’esquisser les traits marquants de l’urbanisation en Suisse et partant l’idée que la Suisse est désormais urbaine. L’idée maîtresse est que la majorité de la population suisse habite désormais en zone urbaine (en 1980, 61,6%, en 1980, 68.8% en 1990 et 73.3% en 2000) et se concentre en particulier dans les cinq grandes agglomérations de la Suisse (Zurich, Bâle, Berne, Genève et Lausanne).
En 1996, le Conseil fédéral développe le concept de réseau de villes suisses (Conseil fédéral, 1996). Graphiquement, ce réseau rappel le principe de la décentralisation concentrée. Cependant, la persistance d’une représentation polycentrique de l’armature urbaine de la Suisse ne doit pas cacher l’évolution de l’argumentaire. Il ne s’agit plus de contrer le développement de grandes agglomérations mais plutôt de tenter de hisser la Suisse urbaine au niveau des grandes métropoles mondiales. Seule l’addition des potentialités de toute l’armature urbaine de la Suisse permettrait d’atteindre le seuil critique des grandes métropoles. A la faveur d’une modification de la Constitution en 2001, le Conseil fédéral acquière de nouvelles compétences concernant les villes et les agglomérations et lance en 2001 une politique fédérale des agglomérations (Conseil fédéral, 2001).
Nombre d’acteurs de la recherche urbaine en Suisse, de professionnels de l’aménagement, de représentants des villes (regroupés au sein de l’Union des villes suisses) ainsi que des élus, plutôt de gauche, se sont impliqués en faveur de la mise en place d’une nouvelle politique urbaine en Suisse. Les modifications de la Constitution fédérale et le lancement par la Confédération d’une politique des agglomérations constituent directement le résultat de leur mobilisation.
Ces protagonistes de la Suisse urbaine, s’ils tendent vers le même objectif de reconnaissance du fait urbain en Suisse, sont à l’origine des représentations opposées sinon contradictoires du territoire : la « métropole suisse » d’un côté, et l’idée de Zurich, seule métropole, de l’autre.
La métropole suisse.
Il y a une proximité conceptuelle entre le réseau des villes et la métropole suisse. L’idée est de penser la Suisse elle-même comme un réseau complémentaire d’espaces urbains. Le concept de métropole suisse a été développé par des chercheurs de l’Institut de recherche sur l’environnement construit (Irec) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne dès le milieu des années 1980 (Schuler, Bassand, 1985) et consolidé tout au long des années 1990 (Leresche, Joye, Bassand, 1995). L’association « Métropole Suisse » assure depuis quelques années la promotion de ce concept en même temps qu’elle milite en faveur de la mise en place d’une politique urbaine. Au début des années 1990, c’est d’abord le concept de métropole lémanique qui a été élaboré. Le constat est alors que le bassin lémanique, formé par trois agglomérations urbaines très proches et interdépendantes : Genève, Lausanne et Vevey-Montreux, est en train de se métropoliser. La métropole lémanique sert à expérimenter l’idée de métropole polycéphale ou polynucléaire comme peut l’être la Randstad hollandaise. D’un point de vue morphologique, cette métropole s’oppose au modèle métropolitain de Paris, Londres ou Zurich qui est de type radioconcentrique, soit une auréole à partir d’un seul centre.
De là naît l’idée de la métropole suisse. La grande proximité entre les cinq aires métropolitaines du pays (Zurich, Genève-Lausanne, Bâle, Berne et l’aire métropolitaine Insubrica au Tessin) et leurs interconnexions fonctionnelles créent un maillage urbain étroit qui donne à la Suisse elle-même le caractère d’une métropole.
« Le territoire helvétique est si petit, surtout si nous soustrayons le territoire inhabitable des Alpes, et si nous prenons en considération l’interdépendance des Suisses due aux liaisons ferroviaires, aux autoroutes et routes, et aux télécommunications, que les quelques villes et la cinquantaine d’agglomérations urbaines […] forment une seule métropole : la métropole suisse. […]. Il apparaît que la métropole suisse est bien réelle : la quasi totalité des agglomérations urbaines est interconnectée par un réseau complexe fait des cinq types de communes urbaines. L’environnement métropolitain a une connexité quasi complète. » (Bassand, 1997, p. 40).
La métropole suisse couvre les régions urbaines et les villes isolées de la Suisse mais également les aires rurales fortement reliées aux agglomérations urbaines (communes touristiques). Ces espaces qualifiés de « rurbains » sont localisés aussi bien dans la plaine que dans les régions les plus reculées de Suisse. Leur organisation et leur fonctionnement sont liés aux aires urbaines.
La « métropolité » de la Suisse vient également de la connexion de ses plus grandes villes aux grands réseaux d’échanges mondiaux. Grâce à Zurich, Bâle, Genève ou même Lausanne, villes au caractère international très affirmé, la métropole suisse participe à l’armature mondiale des métropoles. D’un point de vue purement démographique, la métropole suisse (7.1 millions d’habitants) se place en comparaison internationale entre la métropole londonienne (7.6 millions) et Chicago (6.8 millions), soit au 26e rang des métropoles mondiales (Rellstab, 2002).
Évidemment, cette « métropolité » possède des caractéristiques très particulières. La métropole suisse est dispersée en de nombreuses agglomérations urbaines ; elle est polycéphale, car les agglomérations la constituant restent chacune jalouses de leur autonomie; elle est verte, c’est-à-dire largement marquée par des régions rurales et des espaces de verdures ; les espaces « verts » sont très présents et « camouflent » la proximité et les connexions du domaine bâti.
La métropole verte ne fait pas l’unanimité. L’argument principal à son encontre est que l’on ne peut pas appeler métropole tout un pays dont moins de 7% du territoire sont consacrés à l’habitat et aux infrastructures, alors que plus de la moitié de la surface est occupée par les lacs, les montagnes et les forêts (Jaggi, 2002). On ne peut identifier une métropole en réunissant statistiquement des aires urbaines clairement distinctes dans le territoire. La critique concerne également la question des représentations : parler de métropole pour la Suisse elle-même est ambigu et dangereux en raison de la connotation négative de ce terme, associé dans les esprits aux grandes agglomérations mondiales et à tous leurs déséquilibres. A cette critique, Michel Bassand (Bassand, 2002) répond que tout l’intérêt de la métropole suisse c’est qu’elle n’est justement pas Tokyo ou Paris : elle jouit à la fois d’une centralité mondiale et d’un cadre attrayant.
La centralisation urbaine : Zurich, métropole.
La vision alternative est celle de la concentration urbaine, avec Zurich comme seule métropole. L’idée est évidemment provocatrice dans le contexte fédéraliste [1] ? L’enquête, intitulée Qualité de vie régionale en Suisse (Walter-Busch, 1988), visait notamment à déterminer quelle était la progression du phénomène d’urbanisation en Suisse et ce, non pas à l’aide d’indicateurs « objectifs » comme le nombre d’habitants ou de pendulaires couramment mobilisés par la statistique officielle, mais par la perception subjective d’un groupe entier de population. La question posée portait sur la représentation spatiale du lieu d’origine des recrues. Huit catégories de communes leur étaient proposées en réponse : depuis le centre d’une grande ville jusqu’au village rural, plus une catégorie pour l’étranger (dans le tableau ci-après les trois catégories de ville moyenne, petite ville et ville touristique sont regroupées) [3]. La migration de population d’une campagne rurale vers les faubourgs de la ville est perçue comme un déplacement du rural vers un autre rural plus proche de la ville et non comme un passage du rural vers l’urbain. Dans la même logique, la migration du centre vers la périphérie de la ville est perçue comme une migration vers le rural et pas comme un déplacement intra-urbain. « Les chiffres globaux font ressortir une diminution constante de la référence campagnarde sans pour autant augmenter la part de l’urbain proprement dit » (Schuler, 1999).
Ainsi, ce que la statistique officielle traduit comme périurbanisation, ces recrues le perçoivent, si non comme campagne, du moins comme situation hors la ville.
Les désirs de logement.
Walter-Busch demande également aux recrues en 1978 et en 1987 où elles souhaiteraient habiter et confronte ensuite perception et désirs en matière de lieu d’habitation. Le village proche de la ville attire le plus fort pourcentage des recrues (38.2% en 1978, 37.2% en 1987), suivi pratiquement à égalité du village campagnard (respectivement 15.3 et 14.7%) et de la petite ville (14.6 et 16.5%). Le centre d’une grande ville bien qu’en progression demeure en dernière position (5.4 en 1978 et 7% en 1987).La confrontation entre la représentation du lieu d’habitat et la localisation souhaitée de celui-ci est instructive. Les recrues se déclarant originaires de villages proches de la ville sont en majorité, et avec une grande stabilité, satisfaits de leur lieu d’habitat (56.2% en 1978 contre 56.1% en 1987). Très peu souhaitent habiter le centre d’une grande ville (2.2 puis 3.4%) et choisissent plus volontiers la petite ville et le village campagnard. Les chiffres sont plus mitigés pour le centre de la ville. Si de plus en plus de recrues, y résidant déjà, souhaitent y demeurer (22.9% en 1978 et 28.2% en 1987), elles choisiraient également volontiers la banlieue ou le village périurbain. Le phénomène est encore plus marqué pour les recrues de la banlieue qui souhaitent dans une très large proportion migrer dans un village périurbain (32.9% en 1978 et 29.7% en 1987). Ces données montrent que si la grande ville attire de plus en plus, c’est le village proche de la ville qui correspond le mieux aux désirs de cette population.Source : d’après Walter-Busch, 1988.
En 1996, la question quant aux désirs de localisation du logement n’a malheureusement pas été posée. Cependant, une enquête avec à peu près les mêmes questions a par la suite été réalisée auprès d’un échantillon plus restreint mais cette fois-ci représentatif de la population suisse [5]. Les zones déjà construites ne représentent que 6 à 8% (Ofs, 1996) du territoire total de la Suisse. Cette faible empreinte peut surprendre étant donné la forte population urbaine concernée. Pourtant, il faut garder à l’esprit le fait que si l’urbanisation est un phénomène qui se généralise et s’étend, la concentration sur un territoire restreint d’une population importante demeure une de ses principales caractéristiques. En outre, la Suisse doit son taux d’urbanisation croissant à une définition de l’urbain qui privilégie non plus seulement des caractéristiques morphologiques comme la continuité du bâti mais également des éléments fonctionnels, tel que les mouvements pendulaires. Une commune est rattachée à une agglomération si 1/6e au moins de sa population active travaille dans le noyau central de l’agglomération (Schuler, 1994). Ainsi, une commune pourra conserver une apparence très rurale tout en faisant intégralement partie d’une aire urbaine en raison du lieu de travail de ses habitants.
L’urbanisation dense de la Suisse est principalement située dans la région du Plateau suisse et ne comprend que quelques grandes agglomérations parmi lesquelles Zurich domine largement. A ces centres principaux, s’ajoutent une multitude de centres plus petits, de bourgs et de villages qui, même s’ils appartiennent aux régions urbaines, sont séparés les uns des autres par des aires agricoles ou semi-naturelles. Ces formes d’urbanisation dominantes ajoutées à une topographie particulière rendent finalement la montagne, la campagne, les villages ruraux géographiquement très proches quel que soit l’endroit de Suisse où l’on se situe. Cette proximité est également visuelle dans le sens où même depuis le centre des plus grandes cités, telles Zurich, Bâle, Genève, les montagnes et la campagne sont pratiquement toujours visibles. La nature est véritablement omniprésente depuis les villes suisses [7], les villes ne sont toujours pas considérées comme un échelon particulier dans la hiérarchie institutionnelle helvétique. Alors même que les villes et les agglomérations en Suisses constituent le moteur économique du pays, elles conservent le même statut et les mêmes capacités d’actions que toutes les autres communes de suisses. La Suisse est l’un des très rares États européens à n’avoir pas modifié les institutions locales en vue de les adapter au développement des régions urbaines. Un cadre institutionnel spécifique permettrait pourtant de gérer plus efficacement les problèmes particuliers que rencontrent les agglomérations urbaines. Leur fragmentation institutionnelle en communes autonomes, chacune jalouse de leurs prérogatives, rend difficile toute coordination effective de l’urbanisation ou des transports et toute décision relative à la répartition des charges financières. Fribourg est probablement le seul canton à s’être doté d’une loi sur les agglomérations. Cependant, aucune structure de ce type n’a pu encore être créée. Dans le canton de Vaud, une telle législation est en gestation depuis le milieu des années 1990. La création d’un nouvel échelon politique, notamment autour de Lausanne se heurte à l’hostilité des communes périurbaines qui craignent une perte de souveraineté et l’emprise démesurée de la ville-centre sur « ses campagnes » (Salomon Cavin, 2003, p. 149-157). Les cantons voient quant à eux d’un mauvais œil toute initiative visant à donner aux villes et aux agglomérations suisses un statut qui conduirait pour eux à une perte de souveraineté.
Cette stabilité du cadre institutionnel de planification et de gestion du fait urbain en Suisse nuit à une prise en compte efficace du problème des villes en Suisse et contribue à perpétuer l’image d’une Suisse des cantons, alors même que les grandes villes de Suisse et leurs agglomérations dépassent tant du point de vue économique que territoriale les dimensions cantonales.
Conclusion –Discussion.
Deux visions contradictoires de la Suisse urbaine se détachent, entre omniprésence et presque absence. C’est la Suisse rurale qui demeure valorisée alors que les tenants d’une Suisse urbaine cherchent encore le bon message pour convaincre. Pour l’heure, aucun concept ne fait l’unanimité dans la recherche. L’état des savoirs sur la ville et l’urbain en Suisse est hétérogène et non consensuel. Et pourtant, les promoteurs de cette Suisse urbanisée se rejoignent largement sur leur conception de l’urbain aujourd’hui. L’idée générale est que la ville est désormais coextensive au territoire et que les limites entre ville et campagnes s’estompent aussi bien physiquement que socialement. L’abondance de terminologies nouvelles pour qualifier le fait urbain suisse [9].
De notre point de vue, la persistance de cette opposition ville-campagne ne constitue un problème que dans la mesure où elle fondée sur une image négative de la ville et un idéal fantasmé de campagne. Que ce soit en Suisse ou ailleurs en Europe, les représentations anti-urbaines trouvent traditionnellement leur source dans l’idéalisation d’un monde rural opposé aux maux de la société et de l’environnement urbains. Le genevois Rousseau est sans doute l’un des inventeurs au 18e siècle de cette imagerie anti-urbaine transnationale, au sein de laquelle le paysage suisse joue un rôle emblématique.
L’exemple de Schwyz nous rappelle qu’en Suisse, l’opposition ville campagne a également une dimension politique. La démocratie suisse est née d’une victoire des campagnes contre la domination urbaine[11]. Cette caractéristique de l’histoire nationale semble encore aujourd’hui marquer une opposition entre villes ayant été dominantes et communes ayant été dominées.
Tant cette nature fantasmatique que cet héritage politique, que perpétue le fédéralisme, ont des conséquences néfastes. D’un côté, la Suisse se périurbanise par désir de village. De l’autre, la méfiance vis-à-vis des villes en Suisse rend toujours difficile toute décision qui leur soit favorable (Leuenberger, 2001).
À défaut de faire admettre que la Suisse est désormais majoritairement urbaine, il est important de faire évoluer cette opposition ville-campagne parce le processus de périurbanisation n’est pas viable. Il est non seulement synonyme de gaspillage environnemental et de pollutions, mais également un puissant générateur d’exclusion sociale. En comparaison internationale, les caractéristiques dont peut se prévaloir la Suisse urbaine sont encore relativement avantageuses mais les centres urbains suisses ne sont pas exempts de déséquilibres : les villes sont asphyxiées par le trafic, elles concentrent des populations dites difficiles et ne peuvent plus faire face financièrement aux tâches économiques, sociales et culturelles qui leur incombent (voir notamment, Conseil fédéral, 2001).
Pour enrayer ce processus, on peut en tout cas essayer de le rendre conscient ; c’est que tentent de faire les différents protagonistes de la Suisse urbaine. « Ce n’est pas en rêvant de campagne qu’on construit des villes de qualité » peut-on lire dans la Charte de l’association Métropole Suisse (Rellstab, 2002). Mais donner à voir ne suffit pas, il faut aussi donner envie d’autre chose. Si l’on cherche une image du territoire stimulant d’autres comportements, il n’est pas très heureux d’écraser l’opposition ville-campagne sous le poids d’un urbain omnipotent et ubiquiste. Plutôt que d’effacer l’opposition ville-campagne, il faut sans cesse insister sur les travers du périurbain simili campagne et sur les qualités de vivre en ville-centre, et perpétuer ainsi, en l’inversant, cette opposition qui a montré sa résistance aux changements et son efficacité à influencer les comportements.
Remerciements. je remercie Martin Schuler (Ladyt, Épfl) pour les informations concernant les enquêtes de Emil Walter-Bush ainsi que Jacques Macquat (Ceat, Épfl), inventeur de l’expression « déni urbain ».
Illustration: Émilienne Farny, « Le Bonheur suisse », acrylique sur toile, 1972, 70×100 cm, propriété de l’artiste.