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Sérendipité.

Problèmes et enjeux de la décentralisation du patrimoine culturel.

Emmanuel Négrier (sous la dir), Patrimoine culturel et décentralisation, coll. Logiques politiques, Éd. L’Harmattan, 2003.

Image1Traiter du patrimoine culturel et des modes de gestion qui lui sont associés tient aujourd’hui du défi méthodologique autant que sémantique et historique. Cette notion a en effet subi de nombreuses évolutions au gré des changements politiques et sociologiques qui lui ont conféré une valeur globalisante, si bien qu’elle ne recouvre plus seulement les « objets » physiques à valeur historique ou artistique mais également l’ensemble des manifestations culturelles et sociales qui ont connu un fort accroissement sous la poussée des initiatives locales. De cette définition toujours plus étendue du patrimoine culturel découle l’autre versant du problème : le rôle de l’action publique dans la conversion des attentes sociales qui sont désormais partie intégrante des politiques culturelles.

Les contributions rassemblées sous la direction d’Emmanuel Négrier proposent d’apporter l’éclairage historique nécessaire pour comprendre les enjeux qui sous-tendent le débat actuel en matière de patrimoine culturel — en même temps qu’elles tentent de rendre compte de la place de l’action publique dans un tel domaine, en particulier sur le plan local. Associer de tels objectifs à une étude basée sur le cas précis de la région Languedoc-Roussillon peut paraître, de prime abord, contre-intuitif. Pourtant, en se concentrant sur un espace préalablement connu des auteurs, l’ouvrage acquiert une pertinence qui s’imposera à quiconque souhaite comprendre les ressorts de l’intervention locale en matière de patrimoine culturel. L’ancrage local de l’analyse permet en outre l’emploi de techniques plus particulièrement efficaces face à un nombre restreint d’acteurs, à l’image du questionnaire. Enfin, le choix d’un territoire d’étude limité à une entité administrative s’avérait particulièrement propice à la réalisation d’études de terrain, qui viennent ici enrichir la triple problématique de l’ouvrage :

  • démêler les dimensions patrimoniales et régionales dans la définition des objets qui sont partie intégrante du patrimoine culturel ;

  • faire le point sur les interactions sans cesse plus nombreuses entre les différentes composantes du système administratif français (de l’Etat central à la commune) ;

  • enfin, rendre compte des enjeux qui animent l’intervention publique en matière culturelle, et qui renvoient le plus souvent à des préoccupations stratégiques et politiques.

Zones d’ombre.

Pour souligner la dualité entre la mise en œuvre de la décentralisation culturelle et les modes de gestion du patrimoine qui y sont associés, l’accent est mis sur la nécessité d’aborder la question tant sur le plan quantitatif que qualitatif, ce que de nombreuses études oubliaient jusqu’alors. L’analyse des dépenses publiques engagées par les différentes collectivités permet ainsi de constater que si la part du budget que chaque acteur institutionnel consacre aux dépenses culturelles tend à s’équilibrer, l’État reste le premier investisseur pour ce qui touche au patrimoine. L’étude chiffrée dévoile également les carences persistantes en matière de partenariat — qui tendent, contrairement à une idée reçue, à restreindre le champ des actions publiques légitimes. La place tenue par l’Union européenne est en fait la plus révélatrice quant à la perception actuelle du patrimoine culturel : tout en conservant une approche traditionnelle de celui-ci (notamment à travers le soutien à des projets relatifs au patrimoine monumental ou à l’inventaire), elle développe un mouvement d’élargissement du patrimoine qui ouvre la voie à de nouvelles revendications.

Le second temps de réflexion nous conduit à nous interroger sur les représentations que se font les acteurs concernés de ce qu’est le patrimoine afin de comprendre l’ensemble des stratégies qui se développent au sein de la région. On constate que la gestion du patrimoine culturel est enjeu de luttes symboliques qui induisent l’existence de deux pôles complémentaires. Le premier, consensuel, cimente le rôle de l’État en tant qu’intervenant légitime tout en confortant l’extension du champ du patrimoine ; le second, contestataire, tend à remettre en cause la pertinence de l’échelon régional dans la mise en œuvre des politiques culturelles relatives aux questions patrimoniales. Les services déconcentrés de l’État, en l’occurrence les Drac, agissent ainsi comme des « tampons » entre le pouvoir central et les personnels concernés. L’absence de cohérence territoriale des projets élaborés à l’échelle régionale conjuguée aux enjeux politiques locaux enferment la région et le département dans des préoccupations identitaires qui ne permettent pas le rassemblement autour de grandes idées directrices, pas plus qu’un emploi judicieux des moyens financiers disponibles.

S’il pointe de nombreuses zones d’ombre, Emmanuel Négrier se garde toutefois d’adopter un jugement pessimiste sur la situation présente. Il convient seulement que soient dépassés les clivages et rivalités entre niveaux institutionnels pour que la constitution, déjà effective, d’un savoir-faire local en matière de politique culturelle puisse conduire à une véritable décentralisation du patrimoine culturel.

Résumé

Traiter du patrimoine culturel et des modes de gestion qui lui sont associés tient aujourd’hui du défi méthodologique autant que sémantique et historique. Cette notion a en effet subi de nombreuses évolutions au gré des changements politiques et sociologiques qui lui ont conféré une valeur globalisante, si bien qu’elle ne recouvre plus seulement les « ...

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