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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

La pratique pluridisciplinaire : un espace commun stratifié.

Illustration : Chris, «Mousse et croisement», 20.01.2013, Flickr (license Creative Commons)

Interroger les conditions de possibilité de croisements méthodologiques dans la construction d’un objet de recherche conduit à sonder l’identité même de certaines disciplines, pour lesquelles la formation de discours ou la production de connaissances dépendent de cette combinaison particulière entre un objet et une méthode, ou un ensemble de méthodes, considérés comme des outils d’analyse appropriés. La question qui nous intéresse ici est celle de pouvoir déterminer si une discipline se forme en tant que telle autour d’un champ qu’elle s’approprierait, ou si c’est la discipline qui, à travers certains filtres de représentation, construit l’identité de son propre champ. Cette question ne doit pas ici se comprendre du point de vue d’une généalogie disciplinaire abstraite, mais plutôt à partir de la confrontation de ces représentations dans la pratique pluridisciplinaire. Il est important de se demander si cette pratique se définit à partir de l’idée d’un croisement, d’une rencontre, entre champs disciplinaires distincts, ou à partir de l’idée d’un déplacement du cadre des représentations que le chercheur, du fait de sa tradition disciplinaire, associe d’abord à son objet. L’intérêt, ici, d’une distinction entre croisement et déplacement pose en fait la question de la hiérarchisation des disciplines, qu’elle soit implicite ou induite dans les pratiques de recherche. Les enjeux autour des hiérarchies disciplinaires seront envisagés ici tout d’abord sous le prisme de l’apport des autres savoirs disciplinaires dans la construction d’un objet et la manière dont cela fait apparaître certaines temporalités disciplinaires spécifiques, identifiables lorsqu’elles se confrontent à un objet commun. À partir de là, nous proposons d’évaluer ce qui distingue le croisement du déplacement disciplinaire et de voir comment l’empathie peut se présenter comme un axe méthodologique intéressant. À partir de ces rencontres, nous proposons d’envisager l’objet non plus dans un rapport statique à son environnement, mais comme problème, ce qui nous amènera à poser, au-delà de la question du « contexte », celle des trajectoires qui le traversent.

Usages et temporalités disciplinaires.

L’interdisciplinarité pourrait se penser tout d’abord comme l’apport, pour un champ disciplinaire, de savoirs issus de disciplines qui lui sont a priori étrangères, ou en tout cas périphériques, et dont il serait fait usage. En effet, le chercheur fait souvent appel à des savoirs extérieurs qui lui permettent de nourrir la problématisation de son objet de recherche à travers d’autres types de représentation. Cet usage comprend l’utilisation de matériaux déjà construits, identifiables et marqués, pour lesquels il est difficile, sans outil de comparaison approprié, d’opérer une critique. C’est ici, finalement, la question de la rigidité disciplinaire qui se pose, en ce qu’elle porte comme conséquence une certaine normalisation des objets de recherche, née de l’application de dispositifs méthodologiques déterminés. L’usage périphérique se différencie donc de la pratique en ce qu’il ne semble pas permettre l’ouverture d’un espace d’expérimentation, mais permet plutôt de créer certaines relations entre les différentes formes de connaissance, au sein d’un espace réticulé des savoirs.

Le célèbre trièdre des savoirs que Michel Foucault décrit dans les Mots et les Choses peut nous permettre de situer ici un peu plus précisément notre réflexion (Foucault 1966, p. 355-359). Foucault propose dans ce texte de considérer l’épistémè moderne comme un « espace volumineux et ouvert selon trois dimensions » : la première serait celle des sciences mathématiques et physiques, définies comme « enchaînement déductif et linéaire de propositions évidentes ou vérifiées » ; la deuxième celle des sciences telles que les sciences de la vie, du langage ou sciences économiques fondées à partir d’une « mise en rapport d’éléments discontinus mais analogues » ; enfin la troisième, celle de la réflexion philosophique. L’intérêt, pour nous aujourd’hui, de cette répartition tripartite est la place qu’elle donne aux sciences humaines, à la fois en les excluant et en les incluant au sein du système de relations qu’elle sous-tend : « on peut dire aussi bien qu’elles sont incluses par lui, car c’est dans l’interstice de ces savoirs, plus exactement dans le volume défini par leurs trois dimensions qu’elles trouvent leur place » (Foucault 1966, p. 358). Cette place singulière donnée par Foucault aux sciences humaines doit être comprise à travers le caractère intrinsèquement moderne de ces disciplines, pour lesquelles « l’homme, isolé ou en groupe, est devenu objet de science » (Foucault 1966, p. 356). La question des relations entre ces trois dimensions épistémologiques, et cette sorte de marge incluse qui caractériserait la place des sciences humaines, peut servir de socle pour essayer d’identifier certains apports mutuels et certaines complémentarités interdisciplinaires. Foucault pose ainsi la question des points de conjonction entre ces trois dimensions : comment la réflexion philosophique se nourrit des sciences biologiques, linguistiques ou encore économiques pour construire ses socles problématiques ? Ou encore, comment philosophie et sciences mathématiques participent d’un plan commun de « formalisation de la pensée » (Foucault 1966, p. 358) ? Les usages extra-disciplinaires seraient, dans une telle configuration, fondés sur cet ensemble de relations qui se tissent entre les savoirs. Or, c’est exactement ce type de relations qui semble avoir permis, selon Foucault, l’émergence des sciences humaines : « ces plans intermédiaires qui unissent les unes aux autres les trois dimensions de l’espace épistémologique » (Foucault 1966, p. 359).

En deçà de cette épistémologie à portée générale, en nous resituant plus précisément dans le champ des sciences humaines, ces mêmes questions semblent tout aussi pertinentes. Quels types de relations et d’usages réciproques peuvent être entretenus entre l’histoire, les sciences sociales et politiques ou la psychologie ? L’usage de l’histoire, pour prendre cet exemple, est essentiel pour la sociologie : la compréhension du fait social ne pourrait être que parcellaire sans une certaine profondeur historique, il constituerait un objet scientifique dont l’épaisseur serait tronquée, un matériau dont on restreindrait la portée signifiante à une valeur présente et actuelle. Ces échelles de sens et de complémentarité, si elles sont pensées en termes d’« espaces épistémologiques » chez Foucault, semblent donc faire également intervenir différentes temporalités sur lesquelles nous proposons maintenant de nous arrêter.

Un objet de recherche se situe toujours dans une temporalité qui le caractérise. Pour prendre des objets a priori comparables, le temps de la conscience cartésienne n’est par exemple pas de même nature que le temps de la conscience freudienne ou encore celui de la conscience collective durkheimienne. Notre propos est bien sûr schématique, mais il permet de rendre compte de temporalités disciplinaires singulières, et d’interroger à partir de là les conditions de possibilité de leur mise en commun. Nous ne pourrions pas aborder cette question sans d’abord nous interroger, tel notre exemple précédent, sur l’histoire, comme représentation première de maîtrise scientifique des temporalités. L’historicisme constitue un socle commun indélébile entre les sciences humaines, en ce qu’elles ne peuvent se défaire d’une historicité qui, pour reprendre les mots de Foucault, « les constitue et les traverse » (Foucault 1966, p. 382). Foucault relève d’ailleurs cette dangerosité de l’histoire à l’encontre de chacune des sciences de l’homme, à qui « elle donne un arrière-fond qui l’établit, lui fixe un sol, et comme une patrie… » (Foucault 1966., p. 382). L’histoire représente ainsi pour les sciences humaines une condition d’existence qui va marquer nécessairement chacun des objets qu’elles impliquent et les méthodes qui leur sont associées ; elle participe en quelque sorte à la construction de l’identité même d’un objet de recherche. Pour autant, interroger la discipline historique sous ce seul prisme de l’historicité – une historicité induite dans tout processus de production de connaissance – nous conduirait paradoxalement à une représentation anhistorique de l’histoire. Si l’histoire constitue, pour Foucault, une mise en relation causale fondamentale entre le sujet et l’objet, la pratique de l’histoire, avec l’avènement de l’historiographie notamment, a fait émerger des méthodes analytiques de critique des temporalités historiques et se présente dès lors à la fois comme un outil d’analyse épistémologique et comme outil de critique introspective sur les temporalités que ses propres pratiques impliquent.

Outre cet arrière-fond épistémologique, c’est donc sur les pratiques que nous souhaitons maintenant porter notre regard. Il ne doit pas s’agir de réduire ici la question d’une temporalité disciplinaire à sa seule historicité, car si l’histoire se présente comme un outil critique pertinent, permet-elle pour autant de réfléchir aux conditions de possibilité d’une mise en commun entre ces temporalités ? C’est donc cette idée de commun que nous proposons maintenant d’aborder, en confrontant, dans la perspective d’une pratique pluridisciplinaire, les notions de croisement et de déplacement.

Croisement et déplacement.

L’usage d’une connaissance dont la production est extérieure à un champ disciplinaire donné représente pour ce champ une pratique que l’on pourrait qualifier de pluridisciplinaire, mais qui semble cependant se caractériser par une forme d’unilatéralité, une certaine prédominance. L’usage n’implique pas forcément la rencontre, il ne fait que compléter, renseigner, ou tout simplement illustrer par d’autres représentations les problématisations d’un objet, qui demeure avant tout marqué par une empreinte disciplinaire première. Or, comme nous le disions, cet usage implique la rencontre entre temporalités distinctes qui se confrontent, se contredisent, voire qui s’opposent. Le philosophe critiquera chez l’historien cette empiricité radicale qui retient sa puissance analytique et conceptuelle ; quand l’historien dénoncera l’usage essentialiste et les périodisations homogénéisées de l’histoire dans la pratique philosophique. Ce type de conflictualité reflète exactement cette confrontation des temporalités et montre comment il peut bien y avoir usage réciproque sans qu’il n’y ait pour autant de rencontre. La question qui fait jour ici est celle de l’intention pluridisciplinaire. Les intentions d’un philosophe, en se tournant vers l’histoire, sont-elles vraiment comparables aux intentions de l’historien qui aurait recours à la philosophie ? Cette intentionnalité conduit finalement à une hiérarchisation pratique des savoirs disciplinaires. En faisant usage, au sein d’un champ disciplinaire institué, d’un savoir qui lui est extérieur, cet usage apparaîtra toujours à la périphérie de l’objet, il sera un outil dans le processus de production de connaissances, ou un matériau, mais la finalité du processus reste, lui, disciplinairement déterminé.

Une première manière de dépasser ces formes d’enclavement – provenant en partie de l’institutionnalisation des pratiques scientifiques – serait de remonter aux conditions de possibilité de tout croisement méthodologique, pour tenter de dépasser cette rigidité a priori de l’objet, en agissant sur le processus même de son élaboration. Le croisement, lui, est moins soumis à cette unilatéralité, car il constitue plutôt une mise en relation entre différentes entités disciplinaires, pour lesquelles on postulerait des sortes de contributions théoriquement égales. Le croisement méthodologique peut ainsi être perçu comme une appréhension singulière de l’objet, rendue possible par l’effet d’une double intentionnalité. Un croisement qui générerait un espace-temps commun, c’est-à-dire un monde commun, plus ou moins homogène, de représentations qui peuvent permettre la mise en place d’un réseau particulier de relations.

L’histoire, par la fonction déterminante qu’elle occupe au sein de chaque discipline, comme condition même de toute construction généalogique, intra-disciplinaire, est aux fondements du travail épistémologique. La philosophe Judith Revel nous rappelle comment, au centre de sa réflexion sur la place des concepts de continuité et de discontinuité des processus historiques, Foucault juge nécessaire une distinction entre le temps de l’histoire des sciences et « le temps abstrait des sciences elles-mêmes et de l’histoire érudite des historiens, l’un comme l’autre […] affirment en réalité la nécessité d’un continuum absolu et ne peuvent pas ne pas considérer l’histoire comme un processus linéaire passible d’aucune rupture » (Revel 2010, p. 53). Cette linéarité de l’histoire, au fondement de la critique foucaldienne, n’influerait donc pas seulement sur les pratiques de l’histoire elle-même, mais sur tout le système de rationalité épistémologique. L’idée de discontinu chez Foucault est finalement comparable à la manière dont il décrit la place des sciences humaines au sein de son trièdre : « la discontinuité n’est pas entre les évènements un vide monotone et impensable, […] mais est un jeu de transformations spécifiques, différentes les unes des autres et liées entre elles selon les schémas de dépendance. L’histoire – ajoute-t-il – c’est l’analyse descriptive et la théorie de ces transformations » [1] (Foucault 2001, p. 708). L’histoire entraîne donc une diffusion de son identité disciplinaire comme lien insécable, en posant sur l’objet une marque inaltérable, la marque d’une temporalité définie, d’une segmentation historique, quelle qu’en soit l’échelle. Ce croisement méthodologique premier, qui aurait marqué la fondation des sciences de l’homme du sceau de l’histoire, illustre bien comment un croisement pluridisciplinaire – bien qu’il semble difficile dans cet exemple de parler de croisement méthodologique – peut être induit et se révèle ensuite, restitué, au moyen de l’épistémologie.

Vers une empathie méthodologique ?

Peut-on pour autant, quand les croisements sont induits, intégrés déjà dans les fondations disciplinaires et dans les objets qui en sont issus, parler de pratique pluridisciplinaire ? L’idée d’une pratique pluridisciplinaire invite à penser une intention pluridisciplinaire dans le processus d’élaboration et d’exploitation de l’objet de recherche. C’est pourquoi, à partir de ce rapport d’intentionnalité, nous voudrions nous inspirer du schéma général des relations d’intersubjectivité pour comprendre les enjeux du déplacement disciplinaire, d’une empathie nécessaire qui permettrait l’ouverture d’une temporalité et d’un espace communs. Nous pourrions pousser l’illustration jusqu’à penser la pratique pluridisciplinaire dans un rapport d’intersubjectivité entre deux chercheurs, dans une mise en commun subjective, mais une telle réduction nous ferait prendre le risque ici d’une certaine artificialité. Il s’agira donc de partir de cette fiction théorique, toute imparfaite soit-elle, d’une discipline comme sujet, pour essayer de dépasser cette idée de croisement. L’idée de croisement suppose plutôt un travail de comparaison ou d’analogie et présente le risque que deux disciplines puissent se rencontrer, voire se réunir, mais sans jamais parvenir à produire une valeur irréductiblement commune. Cela ne veut pas dire que les conditions de la pratique pluridisciplinaire seraient en fait contenues dans le croisement de valeurs ontologiques que l’on associerait aux disciplines ou à leurs objets, mais que c’est au travers de l’élaboration même de cette pratique, et au travers des intentionnalités qui la constituent, que semblent se jouer ses conditions de possibilité. Partir de l’idée de déplacement est en fait une manière de décrire cette intentionnalité pluridisciplinaire, en ce qu’elle se manifesterait non pas par le croisement – c’est-à-dire, finalement, par la confrontation plus ou moins brutale entre deux entités qui, par leurs histoires propres, prétendraient à la production de savoirs distincts – mais par le déplacement, par une sorte de pas de côté ou, disons, de glissement méthodologique.

Le déplacement, ce serait quelque chose comme l’effort empathique : un effort intentionnel de ces disciplines-sujets pour considérer une discipline étrangère comme une entité propre qui doit être considérée à travers toutes les dimensions qui participent à sa singularité ; ce qui constitue la condition de toute mise en commun. Au-delà de sa définition psychologique de capacité d’identification à l’autre du point de vue des sentiments éprouvés, nous voulons retenir ici de l’empathie un sens dérivé du concept de « pitié » dans la pensée de Rousseau, comme a priori de la raison : « Je parle de la pitié, disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à autant de maux que nous le sommes ; vertu d’autant plus universelle et d’autant plus utile à l’homme qu’elle précède en lui l’usage de toute réflexion » (Rousseau 1971, p. 212). La pitié est chez Rousseau le corollaire de l’amour de soi dans l’état de nature, condition de possibilité de la réflexion rendue possible par l’existence de l’autre, et donc condition de passage vers l’état social. Nous voulons donc tirer ici de la pitié rousseauiste l’idée d’une empathie méthodologique, en ce qu’elle permettrait d’éclairer les conditions de possibilité de toute réflexion pluridisciplinaire, c’est-à-dire qui s’émanciperait du seul amour de soi contenu dans chaque discipline. L’empathie méthodologique doit donc agir comme a priori de la pluridisciplinarité, en empêchant cet enfermement dans les seules rationalités issues de son propre champ disciplinaire ; elle est condition de la réflexion, car elle permet, portée par l’imagination [2], l’identification à d’autres formes de rationalité.

Le commun : une pratique de l’écart.

Cette analogie, ou ce rapprochement métaphorique, entre la genèse rousseauiste d’une formation sociale et les conditions de possibilité d’une pratique pluridisciplinaire pose néanmoins problème dans sa manière de réduire une discipline à une unité subjective. La comparaison serait en effet inopérante si l’on réduisait le sujet à sa fonction individuelle d’acteur, car la dimension structurale de la répartition disciplinaire des savoirs serait alors proprement ignorée. C’est pourquoi la discipline-sujet ne peut être identifiée ici au concept d’acteur, mais se rattache davantage à cette fiction, propre à la pensée de Rousseau, d’un individu pré-social. De la même manière que les conditions de possibilité du passage à un état social ne dépendent d’aucun individu à proprement parler, mais de certaines dispositions du sujet à se projeter hors de sa propre condition, les conditions de possibilité d’une pratique pluridisciplinaire résident dans la capacité de décentrement des formes d’identification disciplinaire. La pertinence de la comparaison tient alors au fait que l’ensemble considéré n’est plus un cadre épistémologique délimité dans lequel se distribueraient de telles fonctions, mais une infinité de cadres rendus possibles par la puissance d’expérimentation contenue dans l’empathie.

En ce sens, le déplacement empathique, ce n’est pas trouver les points communs, c’est plutôt créer un commun en se projetant, en s’appropriant des intentions disciplinaires « autres » ; c’est partir des écarts. Emprunter au philosophe et sinologue François Jullien ce concept d’écart, formé à partir d’une critique du concept de différence et de toute sa charge identitaire, nous permet de penser la relation pluridisciplinaire en dehors d’un simple schéma de différenciation. L’écart, à l’inverse de la différence, représente chez F. Jullien « une figure, non de rangement, mais de dérangement, à vocation exploratoire (…) faisant apparaître non pas une identité, mais ce que j’appellerai une fécondité » (Jullien 2012). L’écart, en tant que pas de côté, est ici la condition même de la position empathique, car partir de communs que l’on sait établis, ou dont on postulerait la compatibilité, ne permettrait pas le travail de déconstruction nécessaire, de mise à distance, que permet la position empathique. Ainsi la réflexion pluridisciplinaire s’entend avant tout comme un processus de déconstruction, dans lequel l’empathie représente le moyen de se confronter à un champ d’incertitudes qui semble, en apparence, affaiblir les formes de rationalité scientifique, mais qui ouvre finalement à l’exploration d’aléas, à l’expérimentation de nouveaux types de rationalité. C’est aussi se risquer à certains réductionnismes, à certaines simplifications nécessaires, aux paradoxes intrinsèques de la pluridisciplinarité ; c’est se risquer à entrer dans les abîmes d’un processus de réflexivité qui ne peut s’engager qu’au travers des erreurs et des tâtonnements qui lui sont inhérents ; c’est réussir à bousculer jusqu’aux rationalités qui viennent fonder une identité disciplinaire.

Une pratique pluridisciplinaire, soutenue par l’effort empathique et le tâtonnement, est finalement assez proche de la notion de problématisation et de la figure de l’empiriste aveugle que l’on retrouve chez Foucault : « Vous savez cette histoire des problématisations dans la pratique humaine, il y a un moment où en quelque sorte les évidences se brouillent, les lumières s’éteignent, le soir se fait, et où les gens commencent à s’apercevoir qu’ils agissent en aveugle et que par conséquent, il faut un nouvel éclairage et il faut des nouvelles règles de comportement. Alors voilà qu’un objet apparaît, un objet comme problème » (Berten 1988, p. 18). Considérer l’objet comme problème, comme source illimitée de problématisation, est une conception qui autorise une réflexivité sur la nature même de l’objet. Le travail de problématisation, avant d’interroger la relation entre un objet et son contexte, se révèle donc être un moyen d’investigation illimitée de l’objet, considéré non pas comme une entité propre, mais comme le point de conjonction entre différentes échelles, entre différentes trajectoires problématiques. L’objet c’est avant tout l’objet historicisé dans cette longue et insaisissable histoire des problèmes, c’est le dévoilement pour un instant donné, de ses potentialités problématiques, de sa portée, de son histoire.

C’est dans ce sens, nous semble-t-il, que l’historien Jacques Revel invite à observer une certaine vigilance vis-à-vis de l’usage de la notion de contexte qui aurait, selon lui, « fait l’objet d’un usage commode et paresseux dans les sciences sociales, et en particulier en histoire » (Revel 2004, p. 25). Cette méfiance vis-à-vis du contexte est en fait méfiance vis-à-vis d’une mise en relation statique entre un objet et l’ensemble dans lequel il s’inscrirait et à travers lequel se formerait un réseau de sens. Ce statisme, cette sacralisation du contexte comme relation signifiante privilégiée, est comparable au problème de la rigidité disciplinaire que nous abordions plus haut. Le contexte dans cette relation possède un rôle à la fois périphérique et déterminant : périphérique quand il est réduit à une valeur fonctionnelle d’ancrage dans une réalité normalisée par des cadres scientifiques antérieurs, et déterminant quand, dans le jeu relationnel qu’il instaure, il marque l’objet jusqu’aux représentations de sa propre identité. Le contexte, comme la discipline, marquent profondément leur objet tout en laissant croire en son autonomie. Le contexte serait une sorte d’extérieur contenu dans l’objet, une fonction sans laquelle l’objet resterait objet mais sans portée signifiante. La notion de contexte diffuse, par son extériorité, cette fausse abstraction d’un objet libre qui produirait un certain sens seulement lorsqu’il serait confronté à un certain contexte. C’est dans ces jeux de faux-semblants que la notion de contexte est sans doute la plus dangereuse, car elle donne à des postulats une valeur de véridiction, ou en tout cas de dévoilement de la portée signifiante d’un objet.

Il ne s’agit donc pas pour nous de libérer l’objet de son contexte, mais de nous libérer de la notion de contexte pour appréhender l’objet ; non pas à partir d’ontologies présupposées, mais à partir d’une perspective dynamique de l’objet qui impliquerait certaines formes de réflexivité, internes et externes. Le contexte, en effet, se présente comme le produit de représentations déjà construites, rationalisées, qui, par un jeu d’influences réciproques, modifient autant l’objet que celui-ci ne les façonne. Le contexte n’est pas, comme nous pourrions le penser de prime abord, l’historicisation de l’objet. Au contraire, quand on assigne au contexte ce rôle d’ancrage dans une réalité empirique, quand il devient une ressource immuable de production de sens, nous assistons plutôt à un processus de dés-historicisation. Nous voudrions substituer à cette compréhension par le contexte, une compréhension par les trajectoires, c’est-à-dire qui s’inscrit dans le mouvement même de l’objet. Les trajectoires qui traversent l’objet sont constituées à la fois par les manières de le regarder, de l’objectiver, et par les histoires dans lesquelles cette objectivation s’inscrit. L’idée de trajectoire doit, d’une part, nous permettre de mieux rendre compte des interdépendances inhérentes au travail de problématisation et, d’autre part, d’éviter l’illusion trompeuse d’un objet autonome, anhistorique. Elle a ceci d’intéressant qu’elle peut être appréhendée à la fois dans ses dimensions spatiales et temporelles. Les trajectoires peuvent autant constituer, à un instant donné, tous les mouvements qui traversent cet objet (leur nature, leur manière de participer à la construction de l’objet, leur puissance, l’extériorité et l’intériorité de ces lignes par rapport à l’objet) qu’elles offrent, par l’approche généalogique, un moyen d’interroger les conditions de possibilité d’énonciation et de mise en visibilité d’un problème, pour reprendre ici une terminologie proprement foucaldienne.

L’archéologie de l’actuel : un espace commun « stratifié ».

Pour finir, nous aimerions nous éloigner à présent de l’approche strictement théorique qui nous guidait jusqu’ici pour tenter de nous confronter aux conditions de mise en pratique d’un tel espace commun. Nous mobiliserons ici encore, et peut-être parce qu’il a fait de la pratique du bousculement un art de maître, l’outillage conceptuel foucaldien en partant du concept d’« archéologie ». Il serait difficile de définir brièvement le sens que donne Foucault à l’archéologie, tant ce concept s’inscrit dans l’hétérogénéité de sa production philosophique et dans les multiples retournements qui la constituent si bien. Pour ces raisons nous préférons partir de la synthèse qu’en fait Deleuze dans Foucault : « Les strates, affirme Deleuze, sont l’affaire de l’archéologie, précisément parce que l’archéologie ne renvoie pas nécessairement au passé. Il y a une archéologie du présent. Présent ou passé, le visible est comme l’énonçable : ils sont l’objet (…) d’une épistémologie » (Deleuze 1986, p. 58). Le visible et l’énonçable : qu’est-ce qui est rendu visible ? Qu’est-ce qui est énonçable ? C’est dans la simplicité radicale de ce questionnement que réside, semble-t-il, toute une force problématique, toute la capacité de décloisonnement du discours scientifique. Une archéologie, non pas comme discipline, mais comme ce geste de recherche propre à l’empiriste aveugle, à la recherche des trajectoires qui traversent l’actuel, des strates dynamiques à travers lesquelles apparaît un problème. L’archéologie, c’est le geste, la généalogie, l’outil de lecture : La généalogie, affirme Foucault « ce serait donc, par rapport au projet d’une inscription des savoirs dans la hiérarchie du pouvoir propre à la science, une sorte d’entreprise pour désassujettir les savoirs historiques et les rendre libres, c’est-à-dire capables d’opposition et de lutte contre la coercition d’un discours théorique, unitaire, formel et scientifique » (Foucault 1997, p. 12). L’idée de savoir historique renvoie ici à cette fonction traversante de l’histoire au sein des formations disciplinaires que nous évoquions plus haut. Dès lors, la généalogie se présente comme l’outil critique d’identification de l’empreinte historique des savoirs. Remonter aux conditions de possibilité des régimes de visibilité et d’énonciation propres à un ensemble disciplinaire n’est pas en cela proprement historique, mais engage plus largement un ensemble de savoirs, de discours, de jeux de répartition, d’effets de hiérarchisation inhérents à ce pouvoir de la science dont parle Foucault.

Le geste archéologique et la lecture généalogique, en remontant au niveau des conditions de possibilité des régimes d’énonciation et de visibilité de notre propre actualité, ouvrent à un champ d’investigation critique intrinsèquement pluridisciplinaire. En effet, chaque énoncé scientifique peut être appréhendé sous ce rapport dual, mais non binaire, du visible et de l’énonçable, et à partir de la manière dont ils s’inscrivent dans une certaine historicité. Une archéologie de l’actuel représenterait ainsi, par la nature même du geste qui lui est associé, un espace commun ; un espace fondé, donc, sur un effort empathique d’appropriation des rationalités disciplinaires plurielles qui traversent un problème et, dans le même temps, sur les conditions de leur inscription rétrospective dans un processus historique. L’archéologie, en situant son regard au niveau des savoirs, se place en deçà des formations disciplinaires et créé un espace irréductiblement commun. Une archéologie de l’actuel, comme regard généalogique sur la formation des problèmes qui traversent notre propre actualité, et sur les conditions de leur formulation, se place ainsi à l’interstice des grands ensembles disciplinaires. Là où l’intervention de l’empathie tire toute sa puissance, c’est que cet en dehors n’est pas pour autant un ailleurs, mais représente davantage un moyen d’interroger les relations en avant des identités, de questionner le su et non le vrai. Depuis cette perspective, nous préférerons alors parler d’un rapport pluridisciplinaire, et non pas transdisciplinaire, car le regard généalogique doit tendre à restituer des champs de rationalité, dont la richesse et la complexité tiennent aussi, au-delà des savoirs eux-mêmes, à l’histoire des ensembles, des lignes de partage qui les traversent, à l’histoire de leurs manières de dire le vrai, de rendre visible. Un espace commun pourrait alors se définir comme un espace proprement actuel à partir duquel toute mise en visibilité d’un problème ne pourrait s’effectuer qu’au regard des conditions de possibilité de son énonciation même ; d’une critique qui engagerait, à travers l’effort empathique, tout la puissance réflexive contenue dans chaque regard disciplinaire. Tout l’enjeu est alors, à partir de là, de réussir à faire de cet espace commun de la pratique pluridisciplinaire un lieu d’exploration, d’expérimentation, à même de rendre visible de nouveaux problèmes.

Rendre visible et énonçable la figure de l’étranger intérieur.

Nous souhaiterions, pour finir, et ce afin d’incarner davantage notre propos, rendre compte de certaines implications concrètes posées par la construction d’un tel espace commun, dans le cadre de pratiques de recherches doctorales en philosophie contemporaine. Le problème dont nous voulons nous emparer est celui d’une certaine figure de l’étranger intérieur propre aux sociétés post-coloniales ; une figure traversée par des généalogies gouvernementales tout à la fois coloniales, militaires et policières. C’est à partir du constat, dans notre propre présent, d’une systématisation et d’une expansion des pratiques d’enfermement et des régimes privatifs de libertés, applicables aux étrangers en France, qu’il nous a semblé important de réussir à questionner l’actualité de cette figure politique et de remonter les généalogies qui puissent en rendre visible la construction ; une histoire des gouvernementalités qui puisse rendre compte des variations énonciatives à l’œuvre dans le passage de la figure de l’ « indigène » à celle du « musulman », du « sujet de l’Empire » à « l’immigré ». Pour sonder ce qui apparaissait alors seulement comme les contours d’un problème, nous avons, dans un geste proprement archéologique, décidé d’initier cette démarche d’« empiriste aveugle » par une exploration des archives de la préfecture de police de Paris. Il s’agissait plus particulièrement de nous intéresser à la période de la guerre d’Algérie et de la décolonisation, dont nous postulions quelle pouvait constituer un point de conjonction, de stratification, particulièrement dense. Une telle perspective nous a conduits à nous confronter à une masse de matériaux empiriques, à une hétérogénéité de régimes discursifs et de pratiques de pouvoir, à partir desquels il s’agirait de reconstituer les rationalités de gouvernement à l’œuvre. C’est au sein de la série H, « Guerre d’Algérie », qu’apparût, aux cotes Ha60 et Ha61, un objet qui, dans sa nomination même, prenait déjà les allures d’un problème : « Service d’assistance technique aux Français Musulmans d’Algérie. Action administrative, psychologique et sociale ». Sans revenir sur la longue genèse de ces travaux, nous découvrions là l’existence d’un service proprement colonial, installé au cœur de la métropole, à la préfecture de police de Paris. Chargé, à partir de 1958, en pleine guerre d’indépendance algérienne, de la surveillance du milieu « nord-africain » et algérien plus particulièrement, le Service d’assistance technique aux Français Musulmans d’Algérie (SAT-FMA), dirigé par trois officiers coloniaux des Affaires algériennes, organisait une mission d’action sociale auprès desdites populations, leur permettant ainsi d’élaborer une pratique de quadrillage des territoires à « forte densité nord-africaine » à partir d’une véritable technologie de surveillance, fondée à la fois sur des opérations de recensement, de contrôles sanitaires, d’enquêtes sociologiques, et sur des pratiques d’encadrement social, d’accès au logement, à l’emploi, ou encore de résolution des conflits de voisinage. Mais une des particularités les plus marquantes de ce service est sans doute sa prétention à l’exercice d’une « action psychologique », à une transformation des consciences, à une « conquête des âmes » propre à nourrir l’illusion tenace d’une Algérie française. Multipliant les effets de dépendance individuelle avec la construction progressive d’un monopole de l’action administrative sur les « Français musulmans d’Algérie » (délivrance des cartes d’identité, autorisations de voyage, etc.), les compétences du SAT-FMA tendaient donc à se rendre exclusives, resserrant ainsi un quadrillage administratif pouvant servir de fondement à une action de renseignement militaire et de « contre-subversion », dirigée contres les structures de l’organisation du FLN en métropole. De plus, surveillance, contrôle et assistance allaient de pair avec l’organisation, à partir de 1959, d’un régime de répression « spécialisée », avec la création de la Force de police auxiliaire (FPA), composée de brigades harkis recrutées en Algérie. Ces dernières étaient chargées, en parallèle de l’action du SAT-FMA, du renseignement « opérationnel », soit l’exercice d’une répression brutale et aveugle fondée sur des pratiques de rafles, d’arrestations et de perquisitions arbitraires, toujours violentes, et des pratiques régulières de l’aveu sous la torture, notamment dans les caves de leurs quartiers généraux situés dans les XIIIe et XVIIIe arrondissements parisiens (Péju 1961) (House et MacMaster 2008) (Blanchard 2011). Si, à l’indépendance de l’Algérie, l’action psychologique n’est plus de rigueur et la FPA dissoute, le Service d’assistance technique poursuivit néanmoins l’exercice d’une action spécialisée sur les populations immigrées de la région parisienne, au moins jusqu’au milieu des années 1980.

À l’aune de cette double fonction d’assistance et de répression, réunie entre les mains de quelques officiers coloniaux, et visant à l’encadrement minutieux d’une population estimée à plusieurs centaines de milliers d’individus, dans un certain croisement de processus de concentration et de totalisation, s’ouvre pour nous un espace d’analyse du pouvoir extrêmement riche. Une visibilité du politique, à la fois singulière dans son inscription historique, et générale en ce qu’elle est traversée de multiples généalogies a priori hétérogènes, mais qui viennent se réunir à un moment donné dans un certain ordre stratégique. La multiplicité qui caractérise cet espace de recherches ne peut, par essence, être réduite à l’unicité d’un regard disciplinaire. Elle engage par elle-même à considérer différents régimes de rationalité, différentes temporalités, qu’elles soient de type épistémologique ou proprement historiques. Cet espace constitue donc un espace commun en ce qu’il oblige, dans ce travail de reconstitution des gouvernementalités, à recourir à un effort empathique, qui seul permett de s’imprégner, jusqu’à une certaine profondeur au moins, d’un régime de rationalité autre. L’histoire coloniale, l’histoire de la police, l’histoire de l’armée, la sociologie coloniale, l’école française de sociologie, l’histoire de la sociologie, le droit colonial, le droit administratif, le droit de police, les archives de police, les archives coloniales, les archives scientifiques, les mémoires d’officiers ; chacun de ces foyers d’énonciation contient en lui-même, par sa construction disciplinaire propre, une force discursive, un certain agencement des rationalités, une certaine histoire, que l’on ne peut ignorer. L’espace commun que nous tentons de construire à travers ces recherches vise ainsi à sonder cette figure de l’étranger intérieur que nous voulons, par le geste archéologique, rendre visible, et qui se dessine progressivement au gré d’une généalogie des dispositifs de savoir et de pouvoir qui la traversent. Aussi synthétique qu’elle puisse l’être, cette esquisse pratique se veut ainsi montrer l’irréductibilité proprement pluridisciplinaire de toute « archéologie de l’actuel », dans laquelle le geste philosophique est principalement un geste de reconstitution, nourri par l’ensemble de regards disciplinaires qui le soutiennent. Si l’espace ouvert est avant tout un espace de relations, la pluridisciplinarité du regard, dans l’effort empathique qui lui est inhérent, constitue dès lors la condition même de l’exercice critique.

Résumé

Les croisements méthodologiques dans les pratiques de construction d’un objet de recherche doivent interroger d’emblée la manière dont elles influencent l’identité même de l’objet, c’est-à-dire la relation privilégiée entre une discipline et ses objets ; reste alors à se demander qui, de la discipline ou de l’objet, détermine l’identité de l’autre. Cette articulation entre objet et discipline ou, plus singulièrement, entre un objet et une méthode, ou un corpus de méthodes, doit permettre de nous éclairer sur les conditions de possibilité et les limites d’une pratique pluridisciplinaire. Cette pratique se confronte tout d’abord à la difficulté de surmonter une certaine hiérarchisation disciplinaire, induite dans le travail de recherche. L’espace pluridisciplinaire se présente nécessairement comme un espace hétérogène qui doit pouvoir intégrer des temporalités multiples. Du croisement méthodologique au déplacement empathique, il s’agira d’interroger les manières de constituer, à la croisée des sciences humaines, un « objet comme problème ».

Bibliographie

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Revel, Jacques. 1996. « Micro-analyse et construction du social » in Revel, Jacques (dir.). Jeux d’échelles. La micro-analyse et l’expérience. Paris : Gallimard et Le Seuil.

Foucault, Michel. 2001. « Entretien sur la prison : le livre et sa méthode » in Dits et écrits. Tome I. 1975. Paris : Gallimard.

Jullien, François. 2012. « L’écart et l’entre. Ou comment penser l’altérité ». in FMSH-WP, n°3. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00677232

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Péju, Paulette. 1961. Les harkis à Paris. Paris : Maspero.

House, Jim et MacMaster, Neil. 2008. Paris 1961. Les Algériens, la terreur d’Etat et la mémoire. Paris : Tallandier.

Blanchard, Emmanuel. 2011. La police parisienne et les Algériens (1944-1962). Paris : Nouveau Monde.

Notes

[1] Op. Cit., Revel 2004, p. 7

[2] « Ainsi naît la pitié, premier sentiment relatif qui touche le cœur humain selon l’ordre de la nature. Pour devenir sensible et pitoyable, il faut que l’enfant sache qu’il y a des êtres semblables à lui qui souffrent ce qu’il a souffert, qui sentent les douleurs qu’il a senties, et d’autres dont il doit avoir l’idée comme pouvant les sentir aussi. En effet, comment nous laissons-nous émouvoir à la pitié, si ce n’est en nous transportant hors de nous et nous identifiant avec l’animal souffrant, en quittant, pour ainsi dire, notre être pour prendre le sien ? Nous ne soufrons qu’autant que nous jugeons qu’il souffre ; ce n’est pas dans nous, c’est dans lui que nous souffrons. Ainsi nul ne devient sensible que quand son imagination s’anime et commence à le transporter hors de lui. », J.-J. Rousseau, Émile ou de l’éducation, Livre quatrième, éd. GF Flammarion, Paris 2009, pp. 320-321.

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Sérendipité.

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