Ce gros volume est issu du troisième séminaire interculturel sino-français de Canton, tenu en 2002, et qui avait pour enjeu « de réunir les universitaires et les entrepreneurs chinois et français pour discuter et confronter leurs points de vue sur l’entrée de la Chine dans l’Omc et ses conséquences, sur les stratégies à adopter par toutes les parties face à la mondialisation et sur les difficultés rencontrées au jour le jour dans les entreprises à caractère multiculturel » (p. 12). Il a les qualités et les défauts courants dans ce genre d’ouvrage : intéressante diversité des approches — qui confirme, dans le domaine intellectuel aussi, la progressive maturation et la prise d’autonomie de Chinois généralement très au fait des débats internationaux — ; mais aussi pointillisme des communications, portant sur des thèmes aussi vastes que « À travers les cultures » ou aussi précis que « Anthropologie du bricolage à Guangzhou » ou « La gestion du territoire dans les bureaux » (au demeurant une instructive et souvent amusante comparaison entre pratiques chinoises et françaises en la matière, menée par deux universitaires du Guangdong). Au total pas moins de 33 textes, donc pour la plupart assez courts, et d’un intérêt trop inégal.
Certains sont de bonnes synthèses, comme « Pourquoi parle-t-on de développement durable’ » de Dominique Bourg, qui n’évoque pas le cas chinois. On a aussi de discutables généralisations, comme « Confucianisme et dynamique managériale », de Sophie Faure, qui au bout de trois pages croit pouvoir affirmer : « Les correspondances entre gouvernance d’État et management d’entreprise sont donc aisées à retrouver et dépassent largement le cadre de la seule Chine » (p. 158). Il est vrai que ce genre de littérature fait depuis deux décennies fureur en Asie Orientale… Les articles les plus utiles sont sans doute les plus précis. Outre les deux études déjà citées, mentionnons « Pratiques managériales à l’épreuve de la rencontre franco-chinoise » (Barbara Drouot-Baille & Roland Hétault), ou les deux articles contrastés de Zheng Lihua et de Niu Qiaoxia sur les effets de l’adoption par nombre d’entreprises chinoises modernes des normes de qualité iso 9000, l’un insistant sur les fraudes et les dysfonctionnements qu’elles suscitent, l’autre sur l’incitation donnée à la communication interne et à de salutaires remises en cause.
À vrai dire, c’est très largement la communication interculturelle qui constitue l’axe de l’ouvrage, dont le titre se révèle ainsi trop ambitieux. Même si l’on peut penser que tous les auteurs ne s’accordent pas sur ce point, la conclusion la plus claire est celle de la complexité des relations Chine/Occident/mondialité, bien éloignées de simples rapports de domination ou même d’influences unidirectionnelles. Ainsi « le renouvellement lexical et ses impacts sociaux », de Chen Suixiang, montre comment les jeunes de Canton ont renouvelé et adapté leur mandarin aux nouvelles réalités socio-culturelles à l’aide d’importations lexicales massives du dialecte cantonais de Hongkong et de l’anglais.
Zheng Lihua & Xie Yong (dir.), Chine et mondialisation, Paris, L’Harmattan, 2004. 330 pages. 28 euros.