Au temps des certitudes fragiles, les référendums gaulliens comprenaient toujours deux questions. Outre le texte sur lequel il fallait se prononcer, il y avait un enjeu plébiscitaire : renouvelez-vous votre confiance à votre chef charismatique ?
Au temps des incertitudes assurĂ©es, le oui a gagnĂ©, non sans mal, le droit de n’ĂŞtre la rĂ©ponse qu’Ă une question. Quant au non, il s’est rĂ©servĂ© le plaisir des sens : entre le « non Ă ceux que nous avons Ă©lus pour gouverner et qui, pourtant, gouvernent », le « non aux gros (signĂ© : les petits) », le « non Ă l’Europe comprenant d’autres EuropĂ©ens que nous », le « non Ă la PentecĂ´te travaillĂ©e », ou encore le « non Ă un Monde qui ose ne pas avoir besoin de nous pour bouger », il y a un point commun, un Ă©quivalent gĂ©nĂ©ral, qui peut s’accumuler sou par sou pour donner au bout du compte un joli petit patrimoine. Philippe de Villiers, Ă©picier post-moderne et prĂ©dicateur pervers, a fort bien rĂ©sumĂ© le moment : « Nous avons tous une bonne raison de dire non ».
L’« insociable sociabilitĂ© » dont parlait Kant, n’Ă©tait-ce pas dĂ©jĂ l’idĂ©e que, si l’on n’y prend garde, on aura toujours davantage de raisons de dire non que de dire oui ? Si cela se confirme, se trouvera Ă nouveau vĂ©rifiĂ© le constat que la logique formelle (oui ou non, et rien d’autre) peine Ă fournir un cadre efficace pour penser les mondes sociaux.