Docteur en gestion, diplômé de Sciences Po Paris (entre autres…), directeur d’un centre (privé) de recherche et d’étude dans le domaine de la « culture », Jean-Michel Tobelem est l’homme d’une situation, et même l’homme d’une idée, voire d’un concept. La situation, c’est celle des musées au début du 21e siècle, en France comme dans le monde : ce ne sont plus ces entrepôts poussiéreux d’une culture légitime, ces hangars dorés de la monarchie républicaine française, ces temples où s’opérait l’initiation de générations de jeunes gens, d’élèves, de candidats à la promotion sociale par l’accès à la Culture. Jean-Michel Tobelem affirme, en substance et dans le titre de son ouvrage : « Nous sommes entrés dans le nouvel âge des musées… ».
[1]. Il en va ainsi en particulier du rapport des musées, conçus souvent comme des machines à fabriquer pour l’éternité de la légitimité universelle, aux réalités mobiles et mouvantes de la société. En effet, quelle est la position du musée face à ces deux phénomènes essentiels des sociétés contemporaines que sont le tourisme et l’événement ? Si l’une comme l’autre de ces émergences ne peut être vue que comme une menace par le tenant d’un musée objet de musée, d’un musée figé, d’une forteresse ou d’un bunker culturel, d’un temple inviolable gardien des reliques de la culture légitime, Jean-Michel Tobelem, en se donnant les moyens d’une pensée forte et théorique de la question musée, s’affranchit des écueils de l’exercice et parvient à décrire de manière mesurée et nuancée les relations possibles du musée aux dimensions les plus labiles de la vie en société.
À ce stade de notre présentation, il n’est pas inutile de présenter rapidement et formellement le contenu du livre. La première partie porte sur l’argent des musées, abordant successivement la question des sources classiques et nouvelles du financement, du mécénat, des fondations, de la philanthropie, de la levée et de la collecte de fonds, de la « gestion financière à l’américaine ». La seconde partie traite des hommes : le conservateur, les administrateurs et gestionnaires, le directeur, les amis et bénévoles, la professionnalisation et la formation, la gestion des ressources humaines. La troisième partie aborde la gouvernance, à propos des territoires, des pouvoirs locaux, de la privatisation, et de l’évaluation des musées. La quatrième partie explore la dimension économique des musées, du patrimoine au visiteur en passant par le marketing. Enfin, la cinquième partie examine les stratégies possibles, mêlant innovation et changement.
Je n’aurais pour finir qu’une seule critique à formuler, ou plutôt une suggestion : Comme on vient de le voir, par son plan, le livre tient du manuel, mais l’ouvrage tient de l’essai. Si l’on ne peut hiérarchiser la valeur des deux formats, chacun visant un public spécifique, il est maintenant souhaitable de Jean-Michel Tobelem reprenne sa pensée pour lui donner la forme qui convient à sa puissance.
Jean-Michel Tobelem, Le nouvel âge des musées. Les institutions culturelles au défi de la gestion, Armand Colin, 2005. 318 pages.