(Du chinois shengtai yimin)
Populations humaines déplacées au bénéfice (escompté) d’un écosystème. Exemple : la migration écologique des habitants de Caohu (Luntai, Xinjiang, Chine), mise en oeuvre pour sauvegarder l’écosystème du huyang (Populus diversifolia) sur le cours moyen du Tarim. D’autres sources parlent de « réfugiés écologiques » (shengtai nanmin). L’expression « migrants écologiques » présente cependant l’avantage de laisser penser que la situation serait under control ; c’est-à-dire, en l’occurrence, que le Tarim, surexploité en amont, ne serait pas en voie d’assèchement dans son cours moyen comme il l’est déjà dans son cours inférieur. En d’autres termes, dans l’équilibre de la biosphère, expulser les humains provoquerait le retour de l’eau dans les fleuves. Cet effet de pompage et de vases communicants reste cependant à vérifier par de plus amples expériences.
Il serait par exemple intéressant d’extrapoler l’expérience de Caohu à l’échelle de régions plus vastes, voire à celle de la planète. Inciter écologiquement les anciennes populations de pêcheurs de la mer d’Aral à migrer vers l’ailleurs ou d’autres temps pourrait, hydrauliquement, inciter le Syr Daria et l’Amou Daria à couler de nouveau vers ces rivages aujourd’hui asséchés. Déplacer la population de Los Angeles en Baja California inciterait l’eau du Colorado à venir l’y rejoindre sans plus passer par dessus les montagnes. Convertir Irakiens et Syriens en migrants écologiques permettrait à la Turquie de garder enfin toute l’eau du Tigre et de l’Euphrate, pour faire de nouveau, qui sait, une île du mont Ararat.
On voit tout l’intérêt pour la géographie, et surtout pour l’économie, de promouvoir de telles migrations. Rêvons un instant, comme les autorités de Luntai, au potentiel touristique des régions qui reviendraient ainsi à d’authentiques écosystèmes. Caohu mériterait désormais pleinement son épithète de Shangrila (en chinois Xianggelila), et l’on pourrait, à la saison, y canoter comme autrefois sur ses lacs aujourd’hui dépourvus d’eau. Certes, ce ne serait plus en creusant un tronc de huyang, comme, gens « de basse condition culturelle » (wenhua suzhi jiao di), le faisaient naguère ses ex-autochtones, pour pêcher leur nourriture ; ce serait pour admirer la splendeur du huyang à l’automne, voire pour faire du ski nautique.
Migration radicale, celle qui nous emmènerait vers les étoiles restaurerait à coup sûr la biosphère. Ainsi nous pourrions, de Sirius ou d’Aldébaran, nous congratuler sur l’état des écosystèmes de cette planète aujourd’hui trop petite pour notre empreinte écologique (ecological footprint). Cela ne vaudrait-il pas mieux que de nous recroqueviller les pieds, comme les Chinoises d’autrefois ?
Photographie : La Grande Oreille (Da Erduo) du Lob Nor : traces laissées par les décrues successives du Lob Nor, où naguère aboutissait le Tarim. Source : http://visibleearth.nasa.gov