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Sérendipité.

‘L’opération épistémologique. Réfléchir les sciences sociales’.

Sommaire et Éditorial d’EspacesTempsLes Cahiers n° 84-86.

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Sommaire.

Éditorial : La dure simplicité du positif.

Autonomie ?

Catherine Colliot-Thélène, Expliquer/comprendre : relecture d’une controverse.

Louis Quéré, Il faut sauver les phénomènes ! Mais comment ?

Jean-Pierre Olivier de Sardan, La rigueur du qualitatif. L’anthropologie comme science empirique.

Gilles-Gaston Granger, La spécificité des actes humains.

Jacques Lévy, Michel Lussault, Le moment-dictionnaire.

Traductions.

Nathalie Richard, Analogies naturalistes : Taine et Renan.

Daniel Becquemont, Une régression épistémologique : le darwinisme social.

Christian Delacroix, Demande sociale et histoire du temps présent, une normalisation épistémologique ?

Bénédicte Goussault, Du critique à l’interprétatif en sociologie.

Bruno Moysan, Musicologie française : analyse vs sociologie ?

Alfonso Mendiola, Chroniques de la conquête du Mexique : historiciser le concept d’expérience.

Appropriations.

Paul-André-Rosental, La notion d’échelles temporelles.

François Dosse, L’irréduction dans l’histoire intellectuelle.

Bogumil Jewsiewicki, Mémoire et représentation pour un vivre ensemble.

Jacques Lévy, Généraction :contexte générationnel et dynamique de la géographie.

Enrico Castelli Gattinara, Vérités, histoires, réalités.

Re-publication.

Claudio Sergio Ingerflom, Régime impérial/régime soviétique : ni rupture ni continuité.

Petite bibliothèque. **

Éditorial : La dure simplicité du positif.

« Une tentation de l’épistémologie ? », la question a récemment été posée, à propos de l’histoire, par François Hartog et elle peut commodément nous servir d’indice du problème – commun à toutes les sciences sociales –- que nous voudrions explorer dans ce numéro : à quoi sert l’épistémologie ? « Tentation » peut, en effet, indiquer l’idée d’une fuite en avant, d’un contournement, d’une attitude substitutive. Substitutive à quoi ? À l’empirie bien sûr et il existe une solide tradition d’empirisme « anti-théoriciste » en sciences sociales (particulièrement vivace en histoire) qui assimile volontiers l’épistémologie à ce que Pierre Chaunu appelait joliment une « morbide Capoue » et qui fait avec constance ses choux gras de l’opposition entre théorique et empirique, voire entre abstrait et concret. La revue —EspacesTemps— a même pu être abruptement (et de manière récurrente) taxée de « terrorisme épistémologique », ce qui veut dire clairement incapable de mener des études empiriques ou, pire, hostile à ce type de travaux. Le tournant « réflexif » en sciences sociales n’y fait rien, une telle tradition garde ses défenseurs. Ce refus de l’épistémologie mériterait bien sûr une analyse à part entière, nous avons préféré faire l’hypothèse —très ordinaire— que tout travail empirique se soutient d’une épistémologie implicite ou spontanée quand elle n’est pas revendiquée en tant que telle. Étant entendu qu’avec Gilles-Gaston Granger nous écartons toute épistémologie prescriptive pour nous en tenir à la définition modeste d’une épistémologie qui « se contente de décrire et de reconnaître l’organisation structurale et le fonctionnement d’une pensée cognitive dans un domaine déterminé d’objets ». Au-delà même de la question « Quelle épistémologie pour les sciences sociales ? », ce sont bien les usages de l’épistémologie en sciences sociales qu’il s’agit ici d’interroger en priorité.

Vite dit, l’épistémologie en sciences sociales ça sert d’abord à faire la guerre, à se démarquer des adversaires, à conquérir une légitimité scientifique. Si une réflexion épistémologique autonome s’est constituée pour les sciences humaines, c’est avant tout pour les légitimer dans leur prétention à une connaissance vraie, rigoureuse du social, de l’action humaine : sciences de l’esprit, sciences de la culture, sciences historiques, sciences humaines ou encore sciences sociales auraient conquis leur légitimité scientifique et sociale en défendant un autre type de scientificité que celui des sciences physiques. C’est même devenu un topos du petit bréviaire épistémologique de tout chercheur en sciences sociales : comprendre vs expliquer, la trop célèbre controverse est bien commode pour asseoir la démarcation d’avec les sciences de la nature. Au point qu’il est nécessaire de s’interroger sur ce type de bipartitions sommaires (pour en citer d’autres : subjectivisme/objectivisme, individualisme/holisme) à usage de démarcation paresseuse pour les congédier et se déprendre des représentations monolithiques et simplistes de ce qu’est la science. C’est ainsi que la plupart des auteurs participant à ce numéro défendent la pluralité indéterminée des régimes de scientificité.

Épistémologie et légitimation scientifique, épistémologie et autonomisation théorique, épistémologie et autonomisation institutionnelle, mais aussi générationnelle : c’est un premier ensemble de questions pour éclairer les enjeux de notre problème.

Mais l’épistémologie, ça sert aussi en temps de paix pour s’orienter (ou se désorienter) dans la production de connaissances empiriques. Vaste domaine des traductions et des appropriations, positives ou négatives, de la ressource épistémologique. Dans des disciplines aussi diverses que les sciences biologiques, l’histoire, la sociologie, la musicologie, la géographie, nous essayons de démontrer qu’un certain nombre de thèmes de recherche, de démarches de travail et de méthodes – qui organisent la production de connaissances empiriques – peuvent procéder directement de positions épistémologiques. Comme, à l’inverse, des choix d’objets et de traitement empirique peuvent être rapportés à des idéologies épistémologiques non explicitées. Dans tous les cas, ce qui ressort de ces « traductions » et de ces « appropriations » confirme l’ancrage des sciences sociales dans le « pluralisme théorique » cher à Jean-Claude Passeron, ancrage qui va de pair avec une conception pluraliste et dynamique du vrai. Pour autant cette reconnaissance modeste de la fin d’une impossible évaluation panoptique des sciences sociales ne donne aucune clé pour avancer dans la mise au point « d’une méthodologie d’observation et de représentation plus efficace. De type positiviste, en ce qu’elle approcherait dans ses résultats des succès des autres sciences, donnant à la positivité de la connaissance, en ses domaines, un sens qu’il appartient à ses travailleurs de constituer. » Cette remarque de Granger mérite, dans sa dure simplicité, qu’on s’y arrête. Dans une « société pluraliste des sciences », les sciences sociales doivent continuer à interroger les pratiques à partir de l’épistémologie et l’épistémologie à partir de pratiques, non pas pour sortir de manière rhétorique des tensions structurantes de nos pratiques de connaissance, mais pour s’engager plus avant dans des « comparaisons différenciées » avec les autres sciences. Une façon, en quelque sorte, de ne pas renoncer à la quête de rigueur propre à tout projet de connaissance et de produire de nouvelles connaissances, plus complexes et plus proches de « notre condition très humaine de vivants non absolus et conditionnés par les contextes dans lesquels nous sommes depuis toujours immergés et que nous contribuons à constituer et à transformer » (Enrico Castelli Gattinara).

EspacesTempsLes Cahiers, L’opération épistémologique. Réfléchir les sciences sociales, n°84-85-86, mai 2004. 240 pages. 26 euros.

Ce numéro est disponible en librairie. Vous pouvez également le commander,

  • par courriel à EspacesTemps ;

  • à l’adresse postale d’EspacesTemps,

EspacesTemps

bp 30149

75 562 Paris Cedex 12

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