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Sommaire
Éditorial
La dure simplicité du positif
Première partie. Autonomie ?
Catherine Colliot-Thélène, Expliquer/comprendre : relecture d’une controverse
À différentes reprises depuis la fin du XIXe siècle l’opposition entre explication et compréhension a été proposée pour caractériser les modalités de connaître respectives des sciences de la nature et des sciences humaines. On déploie ici les enjeux de cette opposition, différents selon qu’il s’agit des sciences herméneutiques ou des sciences sociales, et l’on invite en définitive à substituer à l’opposition massive entre sciences de la nature et sciences humaines des comparaisons locales et différenciées entre les unes et les autres.
Louis Quéré, II faut sauver les phénomènes ! Mais comment ?
Quelles ressources épistémologiques la phénoménologie fournit-elle aux sciences sociales ? Comment peut-elle contribuer à la compréhension par les chercheurs en sciences sociales de leurs opérations de production de connaissances, des procédures et méthodes qu’ils utilisent, pour une part à leur insu ? Bref comment caractériser une préoccupation phénoménologique en épistémologie des sciences sociales ? Par le primat accordé à une « description pure » des opérations de connaissance, est-on tenté de répondre dans un premier mouvement. Mais force est de convenir qu’il ne s’agit pas là d’une orientation spécifiquement phénoménologique ; de plus, elle peut se retourner contre l’intention épistémologique elle-même, comme le montre le programme de la « nouvelle » sociologie des sciences. Aussi a-t-on choisi de caractériser cette préoccupation par l’énoncé d’une double injonction : « ne négligez pas les apparences des choses » ; « veillez à ne pas perdre vos phénomènes ». L’article se penche surtout sur la seconde injonction. Il se demande en particulier comment elle peut être honorée par des sciences sociales qui se considèrent comme essentiellement historiques.
Jean-Pierre Olivier de Sardan, La rigueur du qualitatif. L’anthropologie comme science empirique
Deuxième partie. Traductions
Nathalie Richard, Analogies naturalistes : Taine et Renan
Parmi les historiens qui manifestent leur fascination pour les sciences naturelles au XIX’ siècle, Renan et Taine occupent une place particulière. Marqués profondément par la philosophie positive, ils voient dans les sciences de la nature un modèle sur lequel penser la positivité d’une science historique dégagée de la métaphysique. Mais si les métaphores embryologiques et anatomiques informent leurs récits historiques et si, plus généralement, le modèle des sciences naturelles leur permet de penser l’histoire comme science des lois, ni Renan ni Taine ne concluent à une identité de l’histoire et des sciences naturelles. La première, défendent-ils, tire sa spécificité de son objet. Attachée à comprendre l’homme moral plus que l’homme physique, elle ressortit, en dernier recours, d’une psychologie et s’inscrit dans le champ d’une philosophie elle-même en voie de modernisation. Cette complexité, voire cette ambiguïté, de l’usage des références naturalistes dans les œuvres de Taine et de Renan font l’objet de cet article.
Daniel Becquemont, Une régression épistémologique : le « darwinisme social »
Ce que l’on appelle parfois encore « darwinisme social » est le fruit d’un malentendu : les théories désignées sous ce nom n’ont pratiquement rien à voir avec la théorie darwinienne de la sélection. Elles ont leur source dans une conception pré-darwinienne de la lutte pour la vie, que Darwin entendait dans un sens métaphorique tout autant interprétable en termes de solidarité et de dépendance. La compétition entre individus et la lutte entre races, comme moteurs de l’histoire, ne peuvent en aucune façon être qualifiées de « darwinisme ».