La géographie du tourisme s’est établie dans les années 1980-1990 pendant lesquelles plusieurs manuels paraissent (Lozato-Giotard, 1985 ; Cazes, 1992 ; Dewailly et Flament, 1993) [1]. Cette étape, en relation avec l’inscription de ce champ dans les questions de l’agrégation de géographie, marque sa légitimation au sein de la discipline, avec une certaine précocité en comparaison avec les autres sciences sociales. Or cette approche a été constituée à partir de la définition du tourisme adoptée par les institutions et notamment celle de l’Organisation Mondiale du Tourisme (Omt). Selon cette dernière, est touriste [2] tout individu qui passe une nuit en dehors de sa résidence principale sans percevoir de rémunération dans le lieu de l’établissement temporaire. Différents « motifs » sont listés dont une catégorie « autre motif » qui dit assez le caractère extensif de la définition.
À partir des travaux de Jafar Jafary (1988) et de Norbert Élias et Eric Dunning (1994), une approche conceptuelle du tourisme en rupture avec cette approche fondatrice a été progressivement élaborée. En effet, ces auteurs ont défendu l’idée d’un va-et-vient et d’une rupture entre le quotidien et le hors-quotidien déterminant ainsi un temps de loisir opposé au temps contraint pendant lequel l’individu se reconstruit. Et dans le spectre du temps libre, qui est aussi un gradient d’intensité de la reconstruction à travers trois catégories de pratiques [3], ils réservent une place particulière au tourisme. En effet, il apparaît au sein de la troisième catégorie parmi les « activités de loisir variées, moins hautement spécialisées, et ayant en particulier un caractère déroutinisant agréable » (Élias et Dunning, 1994, p. 133). Cependant le mot tourisme n’apparaît pas, nous l’interprétons à travers l’expression « voyager pendant ses vacances ». Mais un premier pas est franchi qui permet d’établir une distinction au sein des mobilités, contrairement à la définition institutionnelle de l’Omt qui les englobe toutes dans la notion de tourisme. En effet, les déplacements qui relèvent du temps libre s’opposent à ceux qui s’inscrivent au sein du temps contraint comme les voyages et événements d’affaires, ou les séjours réalisés dans le cadre des études scolaires et universitaires.
Norbert Élias et Eric Dunning n’ont cependant pas approfondi la question du lieu et du sens du déplacement : en quoi changer de place contribue-t-il, et à quel degré, à la réparation des individus ? Cette absence est à relier à l’objet de leur discipline et il appartenait à des géographes d’apporter une réponse à cette question éminemment spatiale. Le travail accompli ensuite (Équipe Mit, 2002) a consisté à rompre avec l’approche de la géographie du tourisme fondée sur la définition imposée par les institutions. Ainsi à partir de la construction d’une approche cohérente avec les propositions de Jafari, Élias et Dunning, les bases d’une compréhension de la relation entre les individus touristes et les lieux ont été posées. Selon cette analyse, la mobilité touristique s’inscrit dans une stratégie des individus socialisés, dans leur intentionnalité, et dans l’efficacité de certains lieux plutôt que d’autres dans la réussite du projet de récréation. Cette association entre projet et lieu détermine la mobilité. Trois grandes pratiques ont été définies : le repos, le jeu et la découverte (Équipe Mit, 2002), auxquels nous ajoutons désormais la sociabilité [4], renvoyant chacun à des choix de lieux différents. Dans les sociétés occidentales, les touristes mettent en œuvre des combinaisons de pratiques, mais le repos domine le long des littoraux, le jeu plutôt en espace montagneux et la découverte en ville (Knafou et alii, 1997 ; Stock, 2005 ; Mondou et Violier, 2009). Des travaux empiriques sont cependant nécessaires afin d’approfondir la réflexion. Leur mise en œuvre se heurte à l’imposition d’une nomenclature institutionnelle des mobilités qui ne distingue pas le tourisme, du moins dans l’acception que nous en avons construite, au sein des mobilités. Enfin, notre projet vise aussi à établir une carte des lieux touristiques du monde, dans le sens de la construction d’un niveau mondial, soit un planisphère des lieux visités par des individus issus des différentes sociétés du monde. Ce projet a été esquissé par Mathis Stock mais il en note les limites : « Comme nous ne disposons pas de données statistiques fiables pour assoir l’importance relative des différents lieux touristiques au cours du temps, la sélection reste pour l’instant empreinte d’arbitraire » (Stock, 2008, p. 146). Ce palmarès (ranking) sera ainsi fondé sur les pratiques des touristes et non sur la vision plus ou moins inspirée produite par des experts ou des organisations normatives comme le National Geographic.
Déterminer quels sont ces lieux du monde exige de construire une méthode qui permette d’échapper à l’emprise des statistiques institutionnelles enfermées dans le cadre étatique. Après avoir approfondi l’obstacle épistémologique, nous développerons la méthode élaborée puis nous la testerons à partir d’un exemple.
L’obstacle méthodologique.
Dans l’entreprise d’étudier les relations construites par les individus avec les lieux à travers la mobilité touristique, nous nous heurtons à un obstacle épistémologique majeur : la reprise par de nombreux chercheurs de cette définition institutionnelle globalisante et des productions statistiques produites selon cette notion. Soit nous sommes condamnés à réfléchir à partir de données dont nous contestons l’intérêt, soit nous devons nous contenter d’enquêtes à la mesure des moyens conférés à la recherche. Si nous choisissons de travailler à partir de matériaux que nous produisons cela revient à utiliser des données quantitatives sur du petit nombre, ou à choisir le qualitatif par défaut. En réalité, certaines enquêtes institutionnelles peuvent être exploitées. Par exemple, l’Insee produisait (la série a été interrompue après l’édition de 2004) des données à partir d’un cahier « vacances » spécifique, administré tous les cinq ans dans le cadre de l’enquête annuelle sur la consommation des ménages. L’expression utilisée par l’organisme pour qualifier le tourisme est le mot « vacances » regroupe les déplacements personnels de plus de quatre nuitées consécutives en dehors du domicile principal. Une distinction avec les loisirs est dès lors établie [5]. De même que les mobilités de fin de semaine dont l’inclusion dans le tourisme est à questionner [6] ne sont pas prises en considération. La base n’est pas complètement convaincante puisque qu’elle se fonde sur une limite de temps et non sur l’intentionnalité de l’individu, mais elle est plus pertinente que les limites de distance arbitraires utilisées en Amérique du Nord — et qui, en plus, varient entre le Canada et les États-Unis. Surtout, seuls les déplacements personnels sont pris en compte. Les voyages d’affaires sont exclus, mais l’ensemble des mobilités inscrites dans le temps libre (pèlerinages, relations sociales — sous l’appellation « rendre visite à des parents et amis…) ne sont pas distinguées. Malgré cela, la définition est moins globale et se prête donc à une analyse de la relation entre les acteurs et les lieux dans la pratique touristique (Mondou et Violier, 2009). Ainsi, les données produites par les institutions sont, dans certains cas, plus pertinentes que dans d’autres.
Par ailleurs, l’approche classique du tourisme international reste fondée sur les relations entre les États et sur les franchissements de frontière. Il est ainsi produit des cartes selon le maillage des États (Cazes, 1992 et 1998 ; Dewailly et Flament, 1993 ; Violier, 2000). En effet, l’Organisation Mondiale du Tourisme agit bien au niveau du monde, mais en produisant une définition, discutée ci-dessus, et en collectant sur cette base les données fournies par les États. La discontinuité territoriale est la seule entorse au régime en dissociant par exemple les confettis de l’Empire (Martinique, Guadeloupe, Réunion…) de la France métropolitaine ou Hawaï des États-Unis. Si cette approche ne manque pas d’intérêt et contribue notamment à analyser le rôle des acteurs de niveau étatique, elle est insuffisante pour appréhender celui d’autres acteurs, les entreprises transnationales notamment, et plus encore pour aborder la question de la création d’un espace mondial. Ce dernier pourrait être constitué des lieux du monde fréquentés par par des individus membres des différentes sociétés du Monde, distingués de ceux qui ne seraient visités que par les habitants de la région (Stock, 2008). Or les statistiques étatiques sont produites dans le cadre administratif à des niveaux peu pertinents pour répondre à notre projet. En France, seules les données d’une partie des infrastructures commerciales, les hôtels et les terrains de camping, sont diffusées par l’Insee selon des normes homogènes au niveau communal. Les données de fréquentation ne sont connues qu’au niveau départemental et produites selon la définition institutionnelle présentée en introduction.
Cette analyse reste limitée à la géographie et, singulièrement, demeure un débat franco-français. En effet des travaux récents, publiés par des chercheurs d’autres disciplines, montrent que la question ne fait pas débat. Ainsi dans « The Sage Handbook of Tourism Studies » (Jamal et Robinson, 2009) qui ambitionne de dresser un panorama pluridisciplinaire de la recherche anglo-saxonne, les différentes contributions délimitent un champ des Tourism Studies restreint, relativement proche du concept construit par l’Equipe Mit. Mais l’ambiguïté transparaît à travers le recours non discuté aux statistiques de l’Omt pour mesurer l’ampleur du tourisme et par l’absence de réflexion sur l’objet même de ces Tourism Studies. De même, un récent ouvrage consacré aux relations entre tourisme et religion au Maghreb contemporain (Boissevain, 2010), et rassemblant plusieurs contributions d’anthropologues est révélateur de la confusion qui règne dans ce champ où toutes les mobilités sont confondues (pour une analyse plus argumentée de l’ouvrage voir la recension dans la revue Mondes du Tourisme, n°2, 2010, pp. 108-110). La confrontation aux terrains aussi variés que des métropoles ou des stations touristiques (pour la typologie des lieux touristiques voir Knafou et alii, 1997 et Stock 2003) a exercé sur notre démarche un rôle de déclencheur qui n’a peut-être pas d’équivalent dans les autres disciplines, et peut contribuer à expliquer pourquoi cette posture a émergé en géographie plutôt que dans les autres disciplines.
Nous cherchons donc à élaborer nos propres données pour mettre à jour les lieux fréquentés par les touristes dans le monde, et particulièrement si nous souhaitons progresser dans l’identification et dans l’analyse d’un niveau mondial du tourisme, soit les lieux visités par des touristes venus du monde entier (Stock, 2008). Deux solutions s’offrent à nous. Premièrement, nous pouvons tenter de convaincre les institutions de la pertinence opérationnelle de nos recherches et d’accepter une approche plus fine des mobilités. Cette voie nous permet d’obtenir des financements pour pouvoir mener des enquêtes quantitatives d’une ampleur suffisante. De telles démarches apparaissent ici et là dans la production scientifique (Moisy, 1998). Elles ne sont pas toujours simples à mettre en œuvre et elles demeurent inscrites dans un contexte borné par le financeur. S’il est parfois aisé de convaincre de l’intérêt de distinguer les voyages et événements d’affaires du tourisme au sens que nous en avons construit, pour d’autres mobilités, l’incompréhension l’emporte. Il en est ainsi des mobilités sociales. Elles sont nommées dans les statistiques « visites à des parents et amis ». Ces déplacements liés à l’entretien de réseaux n’induisent pas un choix du lieu : on se rend là où habitent les connaissances. Des stratégies opportunistes sont sans doute déployées par des individus qui profitent de l’hébergement gracieux fourni par des relations habitant des lieux touristiques. Or les statistiques institutionnelles ne distinguent pas, au sein de la catégorie, les mobilités à la fois touristiques et sociales, de celles qui sont principalement liées aux relations sociales. De même, les limites administratives s’imposent surtout lorsque le financeur est une institution publique.
Une autre démarche est donc à rechercher, d’autant plus que nous ne souhaitons pas limiter nos recherches à des espaces proches ou à sélectionner telle ou telle partie du monde. Comment aborder donc cette question de la relation entre les individus et les lieux ? Dans un ouvrage paru en 2001, Nathalie Raymond a eu recours à l’analyse des catalogues des tour-opérateurs pour mettre en évidence que les touristes des États-Unis, d’Espagne, de France n’avaient pas le même rapport à l’espace péruvien que les habitants en situation de touristes dans leur pays. Nous proposons dans cet article d’approfondir cette piste.
La proposition, analyser les catalogues des tour-opérateurs.
Cette analyse nous a incité à élaborer une méthode de production des données à partir des catalogues des tour-opérateurs. Elle comprend deux volets. Le premier est une analyse fréquentielle des lieux nommés dans les circuits (mode de déplacement touristique qui consiste à recourir à plusieurs lieux d’hébergements successifs) et séjours (un lieu unique d’hébergement), et des fonctions de ces lieux en relation avec la typologie des lieux touristiques élaborée également par l’Équipe Mit (2002 ; Stock, 2003). Cette dernière distingue les lieux créés (comptoirs et stations) des lieux investis (site et villes touristiques).
Les circuits sont traités par un tableau qui distingue les lieux étapes, où les touristes passent la nuit, et les lieux visités. Un exemple sera traité en dernière partie. Par déduction, si un lieu est fréquenté pour l’hébergement, mais n’est pas visité il s’agit d’une ville-étape. Inversement un lieu visité sans que le touriste n’y passe la nuit est un site. Les circuits peuvent être cartographiés. Les portes d’entrée et de sortie dans les espaces peuvent également être distinguées. Les cumuls réalisés pour tous les circuits proposés par un tour-opérateur, puis par plusieurs voyagistes, aboutissent à une hiérarchie des lieux. La méthode peut être étendue aux séjours. Il suffit dans ce cas, pour éviter une minoration par rapport aux circuits, de comptabiliser autant de fois le lieu que de nuits y sont passées (le plus fréquemment les séjours dans les hôtels clubs sont proposés pour une semaine), ou lorsque le nombre de nuitées relève du choix du touriste, ce qui est fréquent pour les mobilités courtes vers les villes touristiques, nous comptabilisons le nombre de propositions d’établissements d’hébergement.
Le second volet s’intéresse aux pratiques des individus sur place. Nous relevons ainsi pour chaque circuit ce que les touristes font pendant chaque demi-journée. Nous associons donc des faits et des lieux. Les textes des catalogues sont plus ou moins développés. D’une manière générale l’abondance d’information est en relation avec le positionnement économique. Les voyagistes qui mettent en œuvre une stratégie fondée sur la valeur ajoutée et sur la distinction produisent des catalogues luxueux, richement agrémentés de photographies et de détails. Inversement, le positionnement fondé sur les prix aboutit à des écrits minimalistes et à de rares photographies. Mais globalement la proposition veut séduire et est suffisamment descriptive pour être informative.
Comme la forme du circuit ou du séjour est influencée également par la stratégie du tour-opérateur, et pas seulement par la qualité des lieux, cette démarche n’a d’intérêt que si nous utilisons un grand nombre de tour-opérateurs. Il est possible aussi de sélectionner les plus significatifs, ceux qui cumulent un grand nombre de clients, ou ceux qui sont révélateurs de pratiques moins répandues, mais qui existent, par exemple les spécialistes de « l’aventure ». Nous nous heurtons alors au problème du choix des tour-opérateurs : lesquels retenir ? Il n’existe pas de statistiques exhaustives et fiables de l’activité des tour-opérateurs. Pour la France nous disposons du panorama annuel de « l’Écho touristique », magazine professionnel édité en Français. Mais il est établi sur une base déclarative par les seuls membres du Ceto (Centre d’Étude des Tour-opérateurs). Certains acteurs considèrent ces informations comme hautement stratégiques et ne les divulguent pas. À notre connaissance, l’équivalent dans le monde n’existe pas et nous devons nous contenter d’informations partielles sur les volumes d’activité des voyagistes (notamment Peloquin, 2007) pour pondérer nos analyses. À cela s’ajoute le fait que certains tour-opérateurs ne disposent pas d’un catalogue et proposent essentiellement du sur mesure. De fait, nous ne pouvons les intégrer dans la démarche.
Cependant, nous obtenons ainsi pour un espace donné la mise en évidence des relations entre les individus et les lieux, ce faisant nous définissons l’écoumène touristique.
Discussion sur la méthode.
La démarche présente plusieurs avantages. Aborder le tourisme à partir des catalogues des tour-opérateurs nous permet d’adopter d’emblée une approche mieux cernée du tourisme. En effet, les entreprises n’utilisent pas les circuits des tour-opérateurs pour les déplacements professionnels, à la rigueur pour un déplacement de récompense, mais dans ce cas il s’agit souvent d’un circuit spécialement conçu, dit « sur mesure ». La méthode permet donc d’échapper à l’imposition de définition mise en œuvre par l’appareil institutionnel. Or de nombreux auteurs critiquent les sources institutionnelles, mais la plupart les utilisent faute de mieux. Toutefois l’approche n’exclut pas totalement des mobilités que nous considérons comme autres. Ainsi les pèlerinages ne sont pas exclus. Certains voyagistes sont même spécialisés dans cette pratique. La distinction entre ce qui relève du voyage rituel et le tourisme demande une analyse approfondie des intentions des individus, ce que ne permet bien évidemment pas la lecture des catalogues.
Comme nous l’avons déjà exposé, la plupart des données statistiques sur le tourisme dans le monde sont produites au niveau des subdivisions administratives infra-étatiques, l’équivalent des régions en France. Seules les informations sur les infrastructures sont produites au niveau des communes. Au contraire, dans les catalogues, les lieux précis de la pratique touristique sont énumérés car de cette description dépend en grande partie le choix des individus.
La méthode n’est pas sans biais. Premièrement, les catalogues sont des propositions dont rien ne dit qu’elles seront réalisées effectivement, et surtout, on ne sait pas dans quelle proportion elles le seront, ni quelles prestations seront les mieux vendues. Cependant le coût de l’édition d’un catalogue, qu’il soit imprimé ou diffusé par internet, est tel que les tour-opérateurs ne conservent pas des pages qui ne rencontrent pas une clientèle. Le biais vaut surtout pour les acteurs territorialisés qui promeuvent des lieux peu fréquentés dans une stratégie de développement local. Par ailleurs, une analyse diachronique combinée avec une approche en extension, qui inclut plusieurs tour-opérateurs, convainc de la relative stabilité des propositions. Au contraire, l’évolution, et notamment l’inclusion de nouveaux lieux ou de nouveaux établissements dans un lieu déjà fréquenté, est relativement marginale.
Ensuite, il peut être objecté que le recours à un intermédiaire, qui plus est à un tour-opérateur, ne constitue qu’une partie de la pratique touristique. Selon l’enquête « Vacances » réalisée par l’Insee en 2004 et déjà citée, seulement 11 % des personnes qui résident en France et qui ont effectué une mobilité touristique en 2004 se sont adressées à un intermédiaire pour planifier leur voyage. Mais elles sont 48 % lorsque le déplacement est effectué hors de la France métropolitaine. Une analyse fine montre ensuite que la fréquence du recours au tour-opérateur croît avec l’altérité [7] (Mondou et Violier, 2009 ; Violier, Stock et Duhamel, 2009 ; Duhamel et Violier, 2009). La méthode n’est donc pas valable pour appréhender les pratiques des personnes qui résident en France dans leurs déplacements touristiques en France et dans les pays proches les plus visités, mais elle est d’autant plus pertinente que l’altérité croît entre la société d’origine et l’espace visité. Pour notre projet d’établir un niveau mondial du tourisme à partir des mobilités extrarégionales, la méthode a donc du sens. Par conséquent, l’expérimentation tentée dans la partie suivante sera réalisée à partir des propositions des catalogues des tour-opérateurs français pour la Chine et donc dans une situation de forte altérité.
De même, il peut sembler réducteur d’appréhender le tourisme par le prisme d’acteurs professionnels, les tour-opérateurs, dont les stratégies économiques orientent les choix des touristes. Mais si seulement une partie des touristes a recours à un tour-opérateur, les très fortes concentrations spatiales créées par le tourisme montrent que si les modalités diffèrent, les destinations demeurent pour l’essentiel les mêmes. En effet, s’il n’est pas douteux que ce mode d’habiter le monde a atteint les limites de la planète, au point que nous avons pu écrire avec d’autres que la terra touristica était plus étendue que l’écoumène des sédentaires (Gay et Violier, 2007), la tendance à la concentration se vérifie aussi : les lieux les plus anciennement touristiques sont toujours les plus fréquentés. Car être touriste constitue un mode d’habiter le monde qui se traduit par une sélection de hauts lieux. Nous le vérifions aussi sur internet, à travers les blogs et autres réseaux sociaux, tant les touristes sont bavards, à travers la sempiternelle plainte que les lieux les plus fréquentés sont parcourus par la foule. Mais en même temps, ceux qui le regrettent y sont allés, puisqu’ils en parlent, et, circonstance aggravante, ils recommandent d’y aller ! En fait, la socialisation nous conduit à développer des similitudes dans les pratiques tandis que l’individuation nous permet des variations secondes. L’acquisition de compétences permet aux touristes d’être plus autonomes mais nous formulons l’hypothèse que si les individus conquièrent des marges de manœuvre quant aux modalités du déplacement, les destinations ne sont que marginalement différentes. Les premières recherches effectuées pour tester cette proposition, à partir de récits de voyages postés sur Internet ou à partir de catalogues de tour-opérateur jouant sur la distinction, confirment cette hypothèse.
Enfin, il n’est pas douteux que le catalogue ne soit qu’une proposition. Elle n’épuise pas la réalité et l’étendue du vécu. Dans son roman « Le fleuve sacré » Shûsaku Endô (1994, traduction 1996) évoque l’expérience touristique d’un groupe de Japonais en Inde. Isobe a choisi ce voyage pour tenir la promesse faite à son épouse, morte quelque temps auparavant d’un cancer, d’aller à la rencontre d’une fillette censée en être la réincarnation. S’agit-il d’ailleurs réellement de tourisme ? Il n’empêche qu’Isobe s’échappera du groupe et du circuit pendant quelques jours pour tenter de réaliser son projet. D’autres personnages rusent également, dans ce roman, avec les détours du circuit pour mener chacun pour soi son expérience. Le catalogue n’épuise donc pas plus la réalité que l’univocité de l’expérience n’est pensable. L’approche est donc partielle, mais il n’existe pas de méthode sans limites. Dans d’autres travaux, non encore publiés, nous avons testé une enquête qui se limite à demander par question ouverte (qu’avez-vous fait telle ou telle demi-journée?) ce que chaque individu a fait pour chaque demi-journée de son séjour touristique. Nous pouvons capter ainsi la part de marge de manœuvre que l’individu s’octroie dans un univers normé, mais même dans ce cas ce serait sombrer dans l’illusion que d’imaginer enfermer la vie dans un tableau à double entrée.
Au total il nous semble que cette méthode met au jour les relations entre les individus touristes et les lieux, et permet de contourner l’obstacle opposé par les statistiques officielles. Une application à la Chine va nous permettre de le montrer.
Les pratiques des touristes occidentaux en Chine.
Le choix de la Chine pour mettre en œuvre une expérimentation repose sur le degré élevé d’altérité que revêt cette destination pour les touristes occidentaux. Nous avons vu en effet qu’un des biais de la méthode réside dans la variété des modalités d’accessibilité aux lieux, et que l’importance de l’intermédiation par les tours opérateurs croissait avec l’altérité. Le choix de la Chine nous permet donc de maîtriser ce biais de manière satisfaisante. Par ailleurs, la Chine, après avoir été tenue à l’écart du tourisme pour les non-résidents par la volonté de son gouvernement, a été ouverte après 1978, pour figurer aujourd’hui parmi les premières destinations au monde en accueillant près de 55 millions de voyageurs selon la définition de l’Omt en 2007. Ce pays est donc devenu la quatrième destination touristique mondiale, après la France, les États-Unis et l’Espagne, ce qui justifie également ce choix.
Le tourisme en Chine est l’objet d’une abondante littérature depuis sa réactivation dans le cadre de la politique d’ouverture internationale, l’une des quatre modernisations engagées à partir de 1978 (Guangrui, 2002). De nombreux articles, dont l’inventaire et l’analyse ont déjà été effectués par Nelson Tsang et Cathy Hsu (2011), abordent des sujets divers, mais aucun ne traite globalement des pratiques des touristes occidentaux en Chine. Un seul ouvrage traite du tourisme en Chine, publié une première fois en 1995 sous la direction de Alan A. Lew et Lauwrence Yu, il a été réédité, enrichi et remanié en 2002, tandis que deux autres auteurs ont apporté leur concours à la direction de l’ouvrage : John Ap et Zhang Guangrui. Le plan de l’ouvrage est assez déconcertant et relève du patchwork : la première partie aborde le tourisme depuis 1978, le regard des voyageurs européens entre 1860 et 1900 ainsi que l’architecture vernaculaire come attraction touristique. La seconde partie est intitulée « Research and impacts », il faut comprendre que sont abordés des sujets aussi divers que l’état de la recherche en tourisme en Chine et les impacts du tourisme. Une approche de l’écotourisme achève cette partie. La troisième est dédiée à l’industrie du tourisme et au développement, et la quatrième aux Tourism Markets. Un seul chapitre y aborde la question des touristes occidentaux en Chine (Shen, 2002). Toute l’analyse est fondée sur les statistiques institutionnelles, bien que l’auteur en souligne les limites et que l’usage de travellers plutôt que de tourists ajoute à la confusion. Il procède ensuite à une analyse de la répartition selon la nationalité, l’âge, le sexe avant d’étudier la répartition spatiale des voyageurs en se fondant sur les statistiques gouvernementales. Outre cet ouvrage, quelques articles abordent les relations touristiques entre les Occidentaux et la Chine, mais les approches se limitent essentiellement à des approches de type marketing. Ils ne cherchent donc pas à analyser les pratiques, à savoir ce que les touristes font et le sens qu’ils donnent à ce qu’ils font (Cuvelier, 1998). De nombreux auteurs ont également abordé le tourisme des Occidentaux en Chine dans des articles (notamment Oudiette, 1990 ; Lam et Mao, 2001). Deux séries de limites apparaissent par rapport à notre objectif. D’une part, les auteurs fondent toujours leurs analyses sur les statistiques gouvernementales, lesquelles sont conformes aux recommandations de l’Omt et n’établissent pas de distinctions entre les différentes mobilités. D’autre part, les pratiques ne sont guère abordées, il semble que la question du rôle de l’État domine (Zhang et alii, 1990 ; Qu and alii, 2005 ; Xiao, 2006 ; Airey and Chong, 2009), avec pertinence, parmi les thématiques devant les flux et l’analyse des retombées économiques, de nombreux travaux étant localisés.
Pour appréhender les pratiques des touristes occidentaux en Chine, nous pouvons donc, comme Shen Xiaoping (2002), fonder notre recherche sur les statistiques produites par le gouvernement chinois. L’obligation de solliciter un visa et l’enregistrement obligatoire dans chaque lieu d’hébergement garantit une visibilité de la pratique des touristes. Et de fait l’annuaire statistique annuel du tourisme, The Yearbook of China Tourism Statistics, bilingue Anglais-Chinois, édité par The National Tourism Administration of the People’s Republic of China fournit notamment un tableau qui distingue soit pour les villes, soit pour les provinces, le nombre annuel des touristes distingués selon leurs nationalités.
Nous nous heurtons pourtant aux limites déjà relevées. Tout d’abord, l’État chinois utilise les limites administratives qui n’ont pas forcément du sens pour les pratiques touristiques. Précisons que la ville en Chine constitue une division administrative : c’est la subdivision d’une province. Ensuite la définition utilisée pour le tourisme est globale. La distinction « des motifs » du déplacement est bien demandée aux entrées du pays et utilisée dans l’annuaire. Mais d’une part, très peu de tris croisés sont proposés. Notamment, l’annuaire ne publie pas de statistiques de visites des lieux selon le motif déclaré. D’autre part, ce motif est celui qui est déclaré à la douane et est donc sujet à discussion. Enfin, si l’annuaire détaille les dépenses des touristes, on ne sait rien de ce qu’ils font. L’appareil statistique met en effet l’accent sur la mesure des retombées économiques et non sur l’analyse des pratiques.
Nous avons donc engagé notre recherche fondée sur les catalogues des tour-opérateurs. Une première démarche a été effectuée à partir des voyagistes français et ensuite a été étendue à d’autres nationalités afin de vérifier la faible variation nationale. La démarche permet en effet de montrer que, pour l’essentiel, les touristes occidentaux visitent les mêmes lieux. Pour sélectionner les catalogues des tour-opérateurs et constituer le corpus, nous nous sommes fondés sur le palmarès établi par le magazine l’Écho touristique sur la base des déclarations du réseau des voyagistes français le Ceto, Centre d’étude des tour-opérateurs. Nous sommes donc tributaires de l’adhésion à ce groupement et des déclarations des membres. Mais il n’existe pas d’autre inventaire. Nous remarquons que, selon cet inventaire, la Chine a reçu, en 2007, 470 000 touristes de France, et que les voyagistes cités en ont transporté 59 680. Cet écart important est certes dû pour une part à ce que le Ceto ne rassemble pas tous les tour-opérateurs, mais également à la distorsion entre la définition institutionnelle du tourisme et celle que nous avons construite. Aux déplacements professionnels qui se réalisent par vols secs ou qui sont préparés par les entreprises directement avec des prestataires aériens et de l’hébergement, s’ajoutent les mobilités de la diaspora, y compris des étudiants, pour expliquer cet écart. Nous notons par ailleurs que l’administration française du tourisme estime à 85 000 les voyages personnels des Français en Chine (Memento 2008). Bien sûr nous échappent également les touristes qui autoproduisent leur déplacement, mais, dans ce cas, seule une enquête en face à face pourrait permettre d’étudier leurs pratiques. Dans cette première approche, nous nous limitons donc aux touristes qui ont recours aux services d’un tour-opérateur. Il nous faudra, dans une prochaine recherche, étayer l’hypothèse que les écarts, en ce qui concerne les rapports aux lieux et les pratiques menées, ne sont pas très marqués entre les deux catégories de touristes.
13 tour-opérateurs ont été sélectionnés à partir de cette liste (annexe 1). Il s’agit d’une part des plus importants, qui acheminent plus de 300 touristes par an, et de ceux qui publient des catalogues, soit imprimés, soit via internet. Une seule exception tient à l’activité du voyagiste qui apparaît comme le premier pour la Chine, « Go Voyage » mais qui distribue essentiellement des prestations aériennes, ce qui n’est pas significatif de l’intention du voyageur. Nous avons dû exclure également quelques voyagistes qui réalisent essentiellement des prestations sur mesure, à la demande. Par définition les programmes ne sont pas stabilisés et leur étude demanderait à accéder à des informations jugées confidentielles. Ces tour-opérateurs sont peu nombreux et ne figurent pas parmi les plus importants (les cinq premiers ont été pris en compte et 7 sur les dix premiers). Nous avons ajouté quatre tour-opérateurs qui ne figurent pas sur la liste, car ils ne sont pas membres du Ceto, mais qui comptent, comme Maison de la Chine, Clio ou Look-Voyages par exemple.
Ensuite, une fois les tour-opérateurs sélectionnés, nous avons collecté les circuits proposés et construit un tableau par circuit (voir tableau ci-dessous). À partir de ces derniers une analyse peut être effectuée qui porte d’une part sur la fréquence des lieux cités, soit comme étape, soit comme lieu visité, et d’autre part sur les pratiques mises en œuvre dans chacun de ces lieux, et donc sur les associations entre lieux et pratiques.
L’analyse fréquentielle permet alors d’établir deux cartes des lieux fréquentés en Chine, l’une pour les nuitées (carte 1), l’autre pour les sites (lieux visités, mais dans lesquels les touristes ne passent pas de nuit, (carte 2). La comparaison des deux cartes réalisées avec celle établie (carte 3) d’après les statistiques gouvernementales est éclairante. Enfin, la carte 4 dévoile les écarts entre la carte institutionnelle et elles établies par la méthode exposée.
D’une part, les statistiques officielles déclarent comme touristiques des lieux qui sont essentiellement des villes industrielles donc fréquentées par de nombreux voyageurs d’affaires occidentaux. Il en est ainsi de Shenzhen, ville industrielle champignon et zone économique spéciale située entre Hong-Kong et Guanzhou (Canton). De même si Wuhan constitue la ville-étape au débouché des croisières sur le Yang-Tsé-Kiang, c’est aussi un pôle industriel qui accueille notamment les usines automobiles des groupes français. Le rang de cette ville dans la hiérarchie touristique est donc bonifié par des mobilités sans rapport.
D’autre part, la carte établie selon notre proposition est beaucoup plus riche en lieux. Y apparaissent notamment tous les lieux et pas seulement les villes majeures selon la hiérarchie administrative. De même figurent les sites (carte 4), c’est-à-dire les lieux fréquentés par les touristes, mais dans lesquels ils ne passent pas de nuit, ignorés par les statistiques officielles fondées sur les hébergements. Ainsi la structure de l’espace touristique métropolitain de Beijing apparaît avec bien sûr la capitale, mais également les sites qui sont fonctionnellement attachés et joints à la journée à partir de Beijing comme les quatre accès à la Grande Muraille ou les tombeaux de la dynastie Ming, ou encore le palais d’été de Chengde, alors que les statistiques officielles ne laissent apparaître que la capitale et cette dernière ville. Dans les circuits touristiques de la province du Yunnan, au sud de la Chine, les circuits gravitent autour de la ville de Kunming, porte d’entrée, et permettent d’accéder à des villages peuplés de minorités ethniques réfugiées dans cette espace de montagne. Alors que les statistiques officielles ne distinguent dans l’annuaire édité que 61 villes touristiques, la méthode proposée en recense 117 qui sont soit des villes touristiques (villes dans lesquelles les individus effectuent des visites, mais passent aussi la nuit selon la typologie proposée par Philippe Duhamel en 2003) ou villes étapes (les touristes y passent la nuit, mais ne les visitent pas). De même, nous identifions 263 sites qui sont visités sans que les touristes n’y séjournent et que les statistiques officielles négligent complètement. Par conséquent, la méthode permet d’appréhender l’espace touristique comme un réseau de lieux et non comme une constellation de lieux isolés, puisqu’elle met au jour les liens entre les lieux et la forme des circuits.
L’analyse permet également de définir le mode de recréation[8] qui prévaut en Chine pour les touristes occidentaux : la découverte, alors que l’approche gouvernementale reste muette sur cette question. Au total, une carte de synthèse (carte 4) met en évidence les différences entre l’approche par les statistiques officielles fondées sur une définition peu pensée du tourisme et notre proposition établie selon le concept construit par l’Équipe Mit. 4 types de lieux apparaissent : les villes touristiques — en rouge — désignées par les statistiques gouvernementales et selon notre méthode (à la fois visitées par les touristes et hébergeant des touristes), les villes réellement touristiques selon notre méthode, mais qui ne sont pas mentionnées comme telles dans les statistiques du gouvernement, en orange, les villes touristiques d’après les données officielles, mais pas d’après notre recherche, en vert, les sites (carrés en marron) cités par les voyagistes, mais ignorés par les statistiques gouvernementales. Enfin, l’image de l’espace touristique chinois produite est différente. La carte 3 impose un espace touristique plus étriqué, plus concentré à l’est en façade maritime, alors que les cartes établies d’après notre méthode laissent apparaître une diffusion vers l’intérieur plus marquée, notamment au Sichuan, au Guizhou, au Xizang (Tibet) et au Xinjiang.
La démarche méthodologique mise en œuvre apporte des solutions satisfaisantes pour identifier et analyser les pratiques des touristes en rompant avec la définition institutionnelle. Elle permet d’échapper également à l’imposition du cadre administratif par les appareils statistiques officiels et enrichit la perception de l’espace touristique. Cependant, elle n’a de sens que dans un contexte d’altérité marquée. Inversement lorsque les mobilités s’insèrent dans un contexte de faible altérité, elle n’a guère d’intérêt puisqu’elle est fondée sur la médiation mise en œuvre par les voyagistes. Au-delà de ces limites, elle invite à penser le tourisme dans le monde à une échelle fine, celle des lieux et non celle des États, tout en échappant à la subjectivité manifeste de certaines approches. Par ailleurs, comme notre objectif, au-delà de l’analyse des pratiques des touristes occidentaux en Chine, est de constituer une carte des hauts lieux du tourisme dans le monde, définis comme ceux habités temporairement par des touristes provenant des différentes sociétés, cette limite est très relative.
À partir de cette première analyse, il est donc possible d’engager le projet de construire une carte des lieux touristiques au niveau mondial. En effet, nos premières recherches montrent qu’au-delà de variations secondes, la plupart des touristes occidentaux visitent tous les mêmes lieux de la Chine, mais dans des proportions variées qui instituent une hiérarchie au sein de ces lieux touristiques du monde. Nous formulons l’hypothèse que l’établissement d’une hiérarchie des lieux touristiques du Monde, établie sur la base de la diversité des sociétés qui s’y rencontrent, constitue un projet scientifiquement fondé. Notre approche, essentiellement contemporaine, viendra s’ajouter au jeu de cartes proposé par Mathis Stock (2008) et par l’Équipe Mit (2011) qui donne à voir la diffusion du tourisme dans le Monde par ses lieux. Nous visons ainsi à mettre au jour un ranking mondial des lieux touristiques. L’enjeu est alors de mettre à jour la dimension touristique de la mondialisation, c’est-à-dire une des modalités de l’habiter mobile du Monde. Quelles en sont les métriques ? Quels en sont les lieux et les types de lieux – entre les stations et les comptoirs, les villes touristiques et les sites ? Quelles en sont les sociétés qui les fréquentent et quelles pratiques les individus mettent en œuvre dans ces lieux ?