Le terme de polycentrisme a connu un succès avec son utilisation dans des documents officiels tels que le schéma de développement de l’espace communautaire (Sdec) ou encore Aménager la France de 2020 de la Datar. L’objet de cet ouvrage, fruit d’un colloque organisé à Rennes en 2001, est, dans ce contexte, particulièrement bienvenu. La diversité disciplinaire des contributions est un atout central de l’ouvrage pour aborder une notion dont Rémy Allain et Guy Baudelle (Université Rennes 2) rappelle dès l’introduction l’extrême difficulté de sa définition du fait de son caractère ambigu. Rappelons que le polycentrisme, dans une acception scientifique, sous-entend que le développement d’un territoire se fait ou devrait se faire de manière équilibrée à toutes les échelles. Il suppose de facto l’existence de plusieurs centres complémentaires ou concurrents à tous les niveaux d’organisation spatiale. Il est vrai que ce concept est doté d’une portée « idéalistique » qui peut autant contribuer à la réflexion que le desservir en passant à côté de la réalité territoriale, comme le rappelle Laurent Devisme (Université de Tours). Le projet d’un espace polycentrique invite donc les auteurs, universitaires et praticiens, à définir les conditions pratiques de sa mise en œuvre tout en clarifiant sur le plan conceptuel et empirique. L’ouvrage s’articule ainsi autour de trois axes : le concept en lui-même ; la question des échelles et enfin celle de ses outils dans une perspective sectorielle.
Concept mobilisateur.
Le choix de décliner ce concept sur plusieurs échelles, de l’agglomération à l’Union européenne, paraît judicieux. En effet, Daniel Béhar et Philippe Estèbe (coopérative Acadie) mettent en garde en prenant l’exemple de la région parisienne comme archétype du monocentrisme qui conduit cependant à ce qu’ils appellent un monocentrisme « apprivoisé » par des mécanismes liés à la localisation des ménages et aux logiques nationales de redistribution. Prenant l’exemple du projet d’agglomération du Grand Rodez, Jean-Michel Evin (communauté d’agglomération du grand Rodez) et Jean-Marie Miossec (Université de Montpellier) insistent quant à eux sur l’importance de la concertation dans le renforcement du maillage régional. La dimension transfrontalière a, selon Jean-Louis Coll (Université Toulouse 2), un aspect positif en ré-inscrivant l’organisation des territoires à une échelle plus large. Mais cela exige une mise en cohérence des bases de données et des nomenclatures socioéconomiques existantes. Cependant, le polycentrisme ne reflète pas forcément un développement équilibré des territoires, comme le remarque Jacques Fache (Université de Nantes) au travers du prisme de la localisation des activités par les modèles de diffusion, puisque les activités les plus valorisantes ne vont pas obligatoirement se diffuser en touchant la plus large part du territoire. La question du polycentrisme en Europe évoquée par Guy Baudelle rappelle le caractère mobilisateur de ce concept. Il reste cependant à assurer une cohérence entre l’intervention communautaire et les interventions nationales qui n’apparaît pas toujours clairement comme le remarque Philippe Cichowlaz, de la Crpm.
Au final, l’ouvrage permet de mettre en relief la pluralité des acceptions de la notion d’espace polycentrique. En effet, le polycentrisme se définit mieux par un processus que par une réflexion conceptuelle achevée. Il implique notamment une convergence des actions conduites à des niveaux d’échelles différentes. Or une coordination accrue des politiques, dans une démarche multiscalaire, dans le domaine de l’aménagement du territoire en Europe passe par une compétence réelle de l’Union européenne dans ce domaine, comme le remarque Catherine Guy (Université Rennes 2) en guise de conclusion.