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Résumé | Bibliographie | Notes

Sérendipité.

La collection, un lieu privilégié pour penser ensemble singularité et synthèse.

Image1 Les sciences sociales ont souvent maille à partir avec la singularité et la synthèse, qui travaillent au corps leurs hypothèses et leurs régimes, mais qui sont rarement prises pour elles-mêmes comme objets d’étude.

[1], une communauté humaine peut se tenir ensemble par fidélité filiale ou pour partager un récit épique qui structure une subjectivité ressentie et une intentionnalité partageable… Bref, les régimes du se-tenir-ensemble sont en droit aussi divers [2] que les régimes du ne-pas-se-tenir-ensemble.

Valorisation des synthèses à double régime d’interprétation.

Il est toujours surprenant de voir avec quelle agilité d’aucuns naviguent dans l’océan des possibles qui baigne la synthèse. Que de dimensions d’espace, que de compétiteurs ! C’est peut-être ce qui explique que les synthèses qui s’interprètent sur plusieurs dimensions de cet espace multidimensionnel bénéficient d’un crédit exceptionnel et sont très recherchées…

La variété des possibilités d’être-ensemble est tellement étourdissante qu’on est heureux d’accréditer son parti lorsqu’on est capable d’interpréter une présence sous les espèces concordances d’une description parlante dans plusieurs espaces ainsi mis en cohérence.

Parfois, il s’agit de synthèses qui articulent et conjuguent plusieurs régimes d’intellection distincts. Le plus souvent, il s’agit de synthèses qui se donnent de manière concourante sur un régime de perception et un régime d’intellection.

Un exemple du premier type est donné par le mode d’organisation du vivant appelé cladistique, qui prétend ranger les organismes vivants en tenant compte de l’évolution des espèces avant même tout typage de genre basé sur les similarités aspectuelles des prototypes de ces espèces (ici au passage, le terme espèce perd de son pouvoir structurant). Ce mode de classification très en vogue chez les biologistes contemporains, outre qu’il finit par faire droit à la méthode habituelle de regroupement des formes ressemblantes, donne un poids interprétatif fort à la phylogenèse, et par là même renouvelle le regard sur les critères de ressemblance formelle, qui n’interviennent que filtrés par les bifurcations phylogénétiques.

Les exemples du second type sont légion. Certains programmes informatiques capables de simuler la croissante de végétaux intéressent beaucoup les chercheurs en sciences de la complexité, parce qu’ils rendent compte à la fois de la forme et de l’ontogenèse de tel ou tel végétal. Pour eux, si ces programmes de génération d’arbres sont en quelque sorte supérieurs à des dessins à main levée réalisés par un bon dessinateur, c’est parce qu’ils sont interprétables en termes de réalisme formel mais aussi de simulation génétique du végétal dans son cycle de vie. Idem pour le coquillage, qui flatte davantage l’esthétique artistique depuis qu’on connaît les équations fractales parce que la beauté de sa coquille se laisse saisir à la fois par la perception et une certaine intellection mathématique.

Un autre exemple pourrait être la ressemblance aspectuelle dans la filiation : on s’étonne et s’émerveille de ce que la synthèse filiale, conceptuelle, se double d’une synthèse formelle et aspectuelle, perceptuelle celle-là. D’où bon nombre de conversations dans les squares : c’est incroyable comme il ressemble à son père !

Autre exemple encore, Bernard Sève distingue deux régimes distincts de la synthèse qui l’intéressent pour caractériser la création musicale : les systèmes organiques (tels que l’élément n’y préexiste pas à la structure), et les systèmes composés (constitués en soumettant un ensemble additif à un principe de rangement extérieur au divers du matériau rangé, mais intelligible en soi). Il énonce alors le théorème paradoxal de Schloezer : si la musique était un tout organique ressenti comme tel, cela ne suffirait pas à la distinguer d’un système chaotique, et c’est pourquoi il est nécessaire qu’elle soit composée pour satisfaire à la fois l’intellection et la perception.

Idem encore pour l’art contemporain en général et typiquement pour l’art cosmopolitique de l’artiste écossais Andy Goldsworthy. Dans son excellent film Rivers & Tides, on comprend bien que ses installations éphémères ou putrescibles tirent leur force d’un double champ interprétatif simultané, plastique d’une part et politico-symbolique d’autre part.

Tentatives pour tirer parti de synthèses concurrentes.

Comme nous venons de le remarquer, on trouve souvent réconfortant et productif de faire coïncider plusieurs ordres de justifications différents pour une même synthèse déclarée. Mais il arrive aussi qu’on s’accommode ou même qu’on tire parti de justifications concurrentes.

Explorons deux exemples de ce phénomène : le premier, esquissé seulement, est pris dans le champ du rapport science/politique ; le second, davantage détaillé, est pris dans le domaine de la technologie informatique, et fera l’objet de développements ultérieurs dans l’article.

L’enrôlement réciproque de la science et de la politique.

On l’a souligné, dans la vision naïve de la synthèse, les régimes du se-tenir-ensemble peuvent paraître aussi divers que les régimes du ne-pas-se-tenir-ensemble.

Pour autant, l’absence vaudrait-elle la présence ?

Ce serait faire allégeance à une propension à l’enrôlement réciproque de la science et de la politique, comme nous allons le montrer. Ce cas est un cas particulier de conjugaison de deux ordres de synthèse : mais ici, ce sont les catégories d’absence et de présence elles-mêmes qui jouent le rôle des deux régimes dont on cherche à déconstruire l’antinomie, dans un geste qui ressemble un peu à celui que fait l’anthropologue Philippe Descola lorsqu’il déconstruit la séparation entre nature et culture.

Examinons en effet une assertion comme celle-ci : « Je pourrais ne pas être ici ». Ce dire ne se contente pas d’affirmer la potentialité d’être là-bas, dans certaines circonstances à venir, ni d’affirmer l’actualité distale d’une existence là-bas, ni même d’affirmer la possibilité d’une orientation vers un ailleurs. Ce que vise ce dire, c’est l’affirmation qu’ici existerait sans le disant. Il s’agit de signifier la contingence définitive de la présence en affiliant son essence à une coïncidence ou à un arbitraire. En toile de fond apparaît une situation particulière (abstraction faite de la présence), d’autant plus générale qu’elle se donne comme indifférente à la présence, et qui entend réduire la vie singulière de la conscience qui l’éprouve.

C’est ainsi que sont constituées les situations comme modèles abstraits : toute situation particulière se donne en rapport hiérarchique à une situation plus générale. Le réel, c’est ce qui reste et qui fait souche, ce qui est indifférent à ma présence et résistant à mon absence. Les situations sont constituées comme toiles de fond du singulier qu’elles sont conçues pour réduire, donnant lieu à une activité autoréférente et infinie de classement hiérarchique.

Le statut contingent de la présence est à la fois origine de la réduction du singulier à une situation particulière, et moteur de la démarche de classement hiérarchique des situations selon leur généralité [3]. Mais comment établir la hiérarchie des situations dans la pratique ? Il s’agit de venir surprendre à répétition la situation et d’évaluer ainsi son indifférence récurrente à la présence, en se faisant prêter main-forte par la communauté des alter ego : ce qui est reconnu par tout le monde comme ne dépendant de personne sera réputé universel. Pour s’en passer, la science a besoin de tout le monde

Remarquons bien qu’il est nécessaire de mobiliser tout le monde, au moins comme expérience de pensée, pour caractériser le caractère d’universalité d’une situation. Dès lors que la notion de présence apparaît qui signe un doute sur la présence essentielle et sans nom, l’illusion peut fonctionner, et donner naissance à un principe génétique qui réalise un programme infini de réduction progressive de l’indicible et de l’impossible.

Examinons maintenant un autre dire étrange : « Nous pourrions être ailleurs… ». Ce dire déclare que les ailleurs sont tous virtuellement habités par tout le monde, et que nous avons un devoir solidaire d’enregistrer ces virtualités comme quasi-actuelles. Cette attitude, aussi factice que la première et reposant cette fois sur une déclaration de contingence de l’absence, institue cette fois le champ d’action politique, en cherchant à réduire la singularité par le privé, toujours en rapport ensembliste au public. L’activité politique, elle aussi infinie, vise à établir des rapports de force sur la base de l’évaluation stratégique du caractère public d’une situation. Les champs d’action politiques sont également conçus comme arrière-plan du singulier, et mobilisés pour le réduire, de façon autoréférente. Cette activité s’origine au même lieu que la précédente, mais une impulsion originaire la fait se déployer autrement, engageant d’autres modes d’action.

Ce qui est prétendu universel, valant sans personne, constitue un excellent candidat pour valoir pour tout le monde. Ainsi, l’activité politique usera volontiers d’universaux scientifiques. Ce qui est prétendu public, valant au pluriel, désigne un lieu de débat et d’investigation scientifique prometteur. Aussi l’activité scientifique logera-t-elle volontiers dans les carrefours d’espaces publics. C’est ainsi que les technologies de l’information et de la communication sont actuellement désignées aux chercheurs scientifiques comme un espace de recherche prioritaire.

L’activité scientifique et l’activité politique ont mêmes conditions de possibilité, ce qui éclaire l’imbrication radicale de ces types d’activité : les généralités scientifiques sont des heuristiques naturelles pour instituer des espaces publics, et les espaces publics sont candidats naturels à la mobilisation dans l’établissement des normes scientifiques. Rien d’étonnant à l’enrôlement réciproque de la science et de la politique.

Un exemple technologique : le navigateur musical MusicBrowser.

Collectionner est peut être une activité plus originaire que catégoriser, qui opère dans le fil du temps, du Lewensvelt. C’est particulièrement vrai dans le cas d’une activité portant sur des pièces musicales, dont l’empreinte du succès est la continuation d’un processus qui ne cesse ni ne répète son objet, mais se prolonge sur des objets dont la succession fait parcours de collection, un peu comme lorsqu’on constitue une collection d’œuvres d’art (même si l’appropriation des objets temporels ne se compare pas aisément à l’appropriation des objets spatiaux).

Mais si la trace dans le monde d’une activité n’est autre que sa continuation, comment installer un dialogue Humain-Machine, et sur quel type de connaissances médianes l’instaurer ? Pourrait-on envisager un système qui se propose pour aider l’auditeur à constituer un parcours/collection, alors même qu’aucun but extérieur à l’activité en situation ne peut être assigné au système ? C’est l’objectif du MusicBrowser développé par Sony-cls dans le cadre du projet européen cuidado [4], co-ordonné par l’Ircam entre les années 2000 et 2003.

La navigation musicale au sein de vastes corpus de titres numérisés est très influencée par la notion de genre, elle-même héritée de la nécessité de choisir physiquement les cds qu’on désire se procurer parmi les bacs et les rayonnages des grands magasins spécialisés. Si les métadonnées éditoriales qui permettent d’indexer et de fouiller la musique numérisée sont efficaces, c’est parce qu’elles sont entretenues comme autant de passages obligés, typiquement mises en œuvre avant même l’écoute, dès la phase d’acquisition matérielle du support cd.

Ainsi la possibilité théorique de fouiller des titres numérisés sans passer par l’acquisition de cds rangés dans des rayons rend bientôt obsolète l’actualité des métadonnées éditoriales, et conduit bien vite à leur péremption, à tout le moins comme modèle hégémonique d’indexation.

En informatique, il existe une approche typique de la fouille de données interactive, dans laquelle on représente la notion d’exemple comme spécialisation de l’ensemble des cas, et où l’on cherche d’autres spécialisations voisines, mais sans disposer par avance d’une ontologie [5]. L’utilisateur accepte de la façonner à sa main avec l’aide interactive de la machine, de manière ad hoc. Il s’agit d’une approche en extension : façonner une similarité revient à façonner une liste de contenus de forme similaire (des concepts — non langagiers — abordés en creux par leur capacité de détermination) par des opérations rectificatives successives mobilisant le calcul numérique et l’instanciation (du côté du système informatisé), en interaction interprétative avec des actions rectificatrices sur les contenus et leurs formes (du côté de l’utilisateur, provoqué par les propositions de la machine).

C’est pourquoi le MusicBrowser de Sony-csl propose, concurremment à une indexation par métadonnées éditoriales, des possibilités de fouille culturelle et acoustique, renonçant d’ailleurs à imposer des catégorisations exclusives basées sur ces types d’index, mais encourageant l’utilisateur à glisser par une recherche de similarités aussi transversale [6] et interactive que ses caprices le lui inspirent. C’est l’esprit de collection qui est à l’œuvre, et le système offre au collectionneur/auditeur des opportunités qui se conjuguent sur des plans différents mais toujours simultanément activables, liberté lui étant laissée de choisir celle sur laquelle il va localement exercer son contrôle.

Reprenons la démarche de façon resserrée :

1° La mise en marché des cds via des rayonnages de magasins requiert une efficace mise en rayons a priori des produits et un système d’étiquetage par des métadonnées visibles/lisibles, déterminant du même coup une organisation qui prescrit nos descriptions de la musique et donc finalement notre culture et nos activités musicales (incluant en dernier ressort l’écoute).

2° La fin du support cd signe la fin de l’hégémonie de l’activité d’achat matériel originaire et laisse place à une ribambelle d’activités concurrentes et prétendant toutes infléchir l’indexation, d’où l’avènement de régimes d’indexations pléthoriques et concurrents.

3° Un constat s’impose : il est impossible de répertorier à l’avance (et clore) ces régimes d’indexation mais à l’inverse impossible de ne pas opter pour des index prédéterminés si l’on veut (semi-)automatiser la fouille de données désormais numériques à l’aide de machines. Il est donc vain de chercher à établir des ontologies qui feraient consensus pour relier des termes d’index abstraits (les descriptions « de haut niveau ») à des descriptions calculées (les descriptions de « bas niveau ») par instanciations de simples variables d’instances (les approches type « mpeg »).

4° L’idée est de proposer des similarités (par l’exemple et l’analogie) sur des champs ouverts de contenus/activités ad hoc et situés, comme cela est esquissé dans le système. Mais cette piste débouche sur une aporie : il y a contradiction dans les termes similarité et champ ouvert de contenus/activités, en tout cas dans l’horizon de la computationalité.

5° L’idée devient alors de fournir des moyens frustes pour inaugurer des similarités exploratoires (par exemple des classements heuristiques sur des éléments culturels, éditoriaux, acoustiques) et de proposer à l’utilisateur d’en faire un usage dynamique, interactif et rectificatif. Il s’agit de mobiliser des instanciations, qui ont une forte charge d’appariement entre un singulier et un particulier (concept), pour les affadir et les utiliser comme provocations glissantes et négociables par révisions successives, réglables progressivement.

6° Pratiquement, l’utilisateur se lance en provoquant le monde des possibles par une première tentative d’extraction partielle et locale avant d’opérer des sélections/appréciations, destructions/adjonctions et/ou classements sur le résultat, avant d’envisager une nouvelle contrainte partielle et locale sur le reliquat. Du fait de la mixité des opérations du côté de l’utilisateur, le processus n’est pas linéaire, au sens où récapituler une requête globale de l’utilisateur sous l’égide de la logique formelle n’aurait pas de pertinence.

7° Avec la complicité du calcul, l’utilisateur opère par provocations successives (davantage que par spécifications) : similarités constatées ou proposées, approximations successives, différenciations répétitives de proche en proche (davantage que par sélections).

8° Ce dialogue avec le calcul livre ultimement à l’utilisateur une solution acceptable, mais elle l’aide aussi à élaborer ses concepts. Bizarrement, les concepts en question ne sont pas présents a priori dans le système, il n’y a pas de hiérarchies de concepts (ontologies organisées par généralisation/spécialisation). L’utilisateur récapitule sans cesse sa démarche interactive d’accès aux contenus fréquentés par des concepts qu’il pourrait préciser par spécialisation/généralisation. Mais les instanciations qu’il fait opérer par le système sont tellement locales et affadies par les interactions que l’utilisateur peut se les représenter comme des spécialisations floues (de concepts) qui restent toujours et encore à préciser par interaction/rectification et/ou adjonction/soustractions et/ou substitutions.

9° Voici encore d’importantes caractéristiques de l’approche fouille de données interactive mobilisée :

on mobilise par facettes l’approche formelle, mais typiquement comme moyen provisoire ;

la quantité joue un rôle qualitatif (jamais séparée du qualitatif) ;

la structure de liste (ordonnée) est davantage usitée que celle d’ensemble.

Les concepts sont définis en extension, et l’exigence de leur récapitulation en intension est abandonnée — si la récapitulation à visée conceptualisante d’une extension est effectuée, elle ne le sera jamais par compilation d’explications logiques.

Ainsi, le MusicBrowser de cuidado joue-t-il adroitement sur la compétition de trois ordres de synthèse (éditorial, acoustique, culturel), dont aucun n’épuise totalement la réception musicale mais dont la concurrence aide efficacement à la continuation de navigations dans les parcours musicaux singuliers.

Singularité et synthèse.

Remarquons encore un phénomène très curieux que chacun pourra mettre en évidence aisément : il est fréquent de détecter in situ la présence simultanée du couple synthèse-singularité. Hasard ou coïncidence ? Ce couple est-il par essence indissociable ou se constitue-t-il spontanément sous nos yeux dès lors que notre regard saisit une synthèse devenant analytique ?

Comme si la synthèse n’apparaissait se déchirant qu’en laissant transparaître une singularité supposée déchirante, à laquelle on a recours pour attribuer une cause à la déchirure. Plus précisément, il est tentant d’imputer à une singularité à l’œuvre la déchirure de la synthèse traversée ; la singularité déchire la transparente synthèse et la révèlerait en se révélant lui échappant.

Ce qui reste apparaît déchiré et reste ensemble sans raison, par inertie, ensemble béant de particularités. Ce qui se soustrait est investi en singularité…

Pour enquêter sur ce phénomène, explorons quelque peu la question de la singularité.

L’énigme de la singularité in vivo.

Par quel miracle ce que nous éprouvons au plus près des situations vécues finit-il par se convertir en connaissances dont on se persuadera bientôt de disposer à l’envi ? Par quel mystère nos expériences singulières immédiates contribuent-elles à constituer les catégories qu’on prétendra mobiliser dans nos engagements interprétatifs à venir ?

Comment généraliser des singularités ? Le propos paraît absurde car seuls les particuliers se prêtent à la généralisation : ils ne peuvent d’ailleurs plus rien d’autre dès lors qu’on les a détourés et congelés du regard dans cette posture glacée que seul un étiquetage de genre peut désormais concerner. Sauf à confondre une singularité à l’œuvre avec la trace particulière qu’elle imprime passagèrement à l’ordre qu’elle ironise, sauf à classer les dé-singularisés comme un morbide collectionneur de papillons épinglés, on voit mal comment les flots singuliers se laisseraient jamais arraisonner par une quelconque synthèse, aussi armé et retors que soit son dispositif d’abordage. Même l’unique en son genre — à nul autre pareil, n’est déjà plus singulier dès lors qu’il est rangé. Il y a plus loin du singulier au particulier que du pareil au même.

Toute considération sur le singulier, tout commentaire circonstancié à son encontre l’a déjà laissé échapper et ne le concerne plus qu’anecdotiquement : tout propos à son sujet tend inévitablement à le dé-singulariser. Le singulier ne peut qu’aller se singularisant.

Mais alors, comment diable pourrait-on prendre une singularité sur le vif ?

La singularité se donne également comme événement, comme désingularisation, sous la figure du devenir-particulier.

Ainsi, synthèse et singularité partageraient cet étrange privilège de se donner comme disparition, la première sous la figure du devenir-analytique et la seconde sous celle du devenir-particulier.

Quel rapport y aurait-il entre singularité et synthèse ? Question très audacieuse : car comment imaginer mettre en rapport deux termes qui n’ont en commun que de ne pas supporter d’être mis en rapport avec aucun terme habituel ?

Il existe cependant un lieu privilégié pour penser ensemble singularité et synthèse. Ce lieu, c’est la collection.

La notion de collection.

Je me souviens à ce sujet des analyses de Gérard Wajcman (Catalogue de l’exposition inaugurale de la Maison rouge) sur le statut de l’excès dans la collection :

« l’excès dans la collection ne signifie pas accumulation désordonnée ; il est un principe constituant : pour qu’il y ait collection — aux yeux même du collectionneur — il faut que le nombre des œuvres dépasse les capacités matérielles d’exposer et d’entreposer chez soi la collection entière. Ainsi celui qui habite un studio peut parfaitement avoir une collection : il suffira qu’il ne puisse pas accrocher au moins une œuvre dans son studio. Voilà pourquoi la réserve fait partie intégrant des collections. L’excès se traduit tout autant au niveau des capacités de mémorisation : il faut, pour qu’il y ait collection, que le collectionneur ne puisse pas se souvenir de toutes les œuvres en sa possession […]. En somme il faut qu’il y ait assez d’œuvres pour qu’il y en ait trop, que le collectionneur puisse oublier une de ses œuvres, ou qu’il doive en laisser une part hors de chez lui. Disons-le d’une autre façon : pour qu’il y ait collection, il faut que le collectionneur ne soit plus tout à fait maître de sa collection. ».

Comme le dit encore Gérard Wajcman, pensant sans doute à Gertrude Stein (Collection), « si jamais personne ne regarde une collection, c’est qu’une collection n’est pas un tout d’œuvres, mais une série indéfinie d’objets singuliers, une œuvre + une œuvre + une œuvre … ».

Pour l’artiste lui-même, la collection de ses propres œuvres fonctionne comme le troupeau de Matthieu : « chaque toile posée sur le chevalet, prise à part, est aux yeux du peintre plus précieuse à son tour que le reste de la collection pris en bloc ». Mais ici, l’élection du prochain tableau présenté est naturellement prescrite par l’exposition-procession, sans que nulle série ne soit jamais posée a priori, ni qu’une pièce ne pétrifie le reste de la collection au point de la faire oublier.

Quand aucune brebis ne se trouve prise à part par le pasteur-collectionneur, ce n’est pas tant le troupeau qui seul compte, aucun souvenir d’aucune brebis ne s’imposant sur l’avant-scène des préoccupations du pasteur, que la future brebis qui viendra le rejoindre en s’y additionnant et en l’altérant. Le collectionneur, dans cette situation, s’intéresse à ce qui manque encore à sa collection, à la virtualité de son déploiement.

Car collectionner, au sens de constituer et reconstituer une collection comme Matthieu élabore son troupeau, est un art du temps.

Le caractère synthétique de l’ensemble d’objets donnés à recevoir comme faisant collection n’est pas de même nature que celui qui est constitué et déployé par le collectionneur. En effet, le collectionneur ne juxtapose pas des objets, mais il rapproche des éléments de ressouvenir portés par des objets. Ainsi Walter Benjamin, cité par Jean-Pierre Criqui (Catalogue de l’exposition inaugurale de la Maison rouge) :

« tout ce qui est présent à la mémoire, à la pensée, à la conscience devient socle, encadrement, piédestal, coffret de l’objet en sa possession. L’art de collectionner est une forme de ressouvenir pratique, et, de toutes les manifestations profanes de la proximité, la plus convaincante. ».

Le collectionneur vit sa collection comme une synthèse composée dont il maîtrise plus ou moins le procédé de composition par agencement d’objets de ressouvenir, alors que le récepteur la vit soit comme un groupement d’objets rassemblés dans une juxtaposition disparate, soit comme un tout organique dont l’unité singulière semble impénétrable, oscillant souvent parmi toutes les combinaisons intermédiaires possibles.

Par là, le récepteur cherche à reconstituer une valeur de collection au groupement, autrement dit à percer le secret de la collection, et immanquablement s’essaie lui-même à faire collection en investissant les objets d’une cohérence et d’une complétude propres.

Ainsi cette autre remarque du même Walter Benjamin :

« ce qui est décisif, dans l’art de collectionner, c’est que l’objet soit détaché de toutes ses fonctions primitives, pour nouer la relation la plus étroite possible avec les objets qui lui sont semblables. Celle-ci est diamétralement opposée à l’utilité et se place sous la catégorie remarquable de la complétude. Qu’est-ce que cette complétude ? Une tentative grandiose pour dépasser le caractère parfaitement irrationnel de la simple présence de l’objet dans le monde, en l’intégrant dans un système historique nouveau, créé spécialement à cette fin, la collection. Le sortilège le plus profond du collectionneur consiste à enfermer la chose particulière dans un cercle magique où elle se fige tandis qu’un dernier frisson la parcourt (le frisson de la chose qui fait l’objet de cette acquisition) ».

Collections et connaissances en informatique.

La collection, en alternative à l’ontologie formelle, apparaît comme un équilibre métastable émanant d’une tension productive entre structures catégoriques et singularités. À l’opposé du tout organique, la collection n’existerait que pour chacune de ses parties (à l’image de la figure du troupeau dans l’évangile selon Matthieu), et contrairement à l’ensemble elle n’existe pas comme unité normative et égalisatrice.

Si dans la vie courante, la collection se distingue de la liste, de l’ensemble, de la classe, de la série, du tas, du regroupement, de l’amas, du bazar et du vrac, mais aussi du tout organique, de la lignée et de la famille, ou encore de la cohorte et de la procession, c’est bien par le régime de sa donation.

La donation de la collection (sa réception au visiteur ou au collectionneur lui-même, que ce soit en acte d’acquisition ou même de recollection) apparaît en effet sous les espèces paradoxales de l’impossibilité d’une donation comme un tout cohérent, hormis sous le régime réducteur de la gestion. Car de ce point de vue, même le fatras se donne comme un tout cohérent : les objets épars rejoignent le fatras à partir du prédicat être différent, mais ils deviennent semblables dans un second temps en tant qu’ils ont en commun d’être différents, formant ainsi ce que Jean-Claude Milner appelle une classe paradoxale.

Autrement dit, on ne peut prendre une collection comme un tout cohérent qu’à condition de renoncer à ce qu’elle insiste pourtant pour offrir d’idiosyncrasique : l’effet « troupeau évangélique », à savoir l’impossibilité d’expériencer autre chose qu’une brebis prise à part, toujours plus précieuse à son tour que le reste du troupeau pris en bloc.

Que signifient ces considérations dans le domaine applicatif des systèmes d’information et d’aide informatisée à la décision ou à la navigation par les contenus ?

Il s’ensuit que si on dispose d’un outil (informatique) d’aide à la gestion de collections, cet outil affecte bien la réception de la collection en présence dans la mesure où cet objet est condition de possibilité de l’effet « troupeau évangélique », mais qu’en aucun cas il ne prescrit directement les espèces singulières de sa donation paradoxale, qui résident tout entières dans l’objet courant pris à part du reste de la collection, au moment précis où il est pris à part, qui n’a aucune prétention à durer jusqu’à fixer le statut de la réception de la collection tout entière.

Ainsi, la collection s’avère manifester un régime de synthèse caractérisé par une susceptibilité à la reconstitution à partir du seul regard du berger (qu’il soit collectionneur ou visiteur) porté sur une seule de ses constituantes. Cette caractéristique distingue clairement la collection de la classe ou de la catégorie, dans lesquelles l’observation d’un prototype ou d’un exemple est typiquement incapable de préciser seule une reconstitution.

D’où la définition des collections comme objets informatiques : considérés comme des listes ou des ensembles regroupant des objets en position synthétique d’être ensemble — (onto-chrono)logiques, synoptiques ou autres — au sein de l’environnement informatique à un certain niveau, ces mêmes objets sont considérés à tout moment comme étant susceptibles de reconstitution à un autre niveau du même environnement informatique. Cette schizophrénie de l’environnement est un trait caractéristique des outils informatisés d’aide à la constitution de collections ou d’aide à la navigation par les contenus dans des collections. Au bénéfice de l’utilisateur, tout puissant artisan des recollections singulières auxquelles il ne cesse de procéder.

La synthèse comme événement.

Finalement, il apparaît que si la synthèse résultait vraiment d’un effort de factorisation de la présence, nous serions bien en peine d’arbitrer ses régimes possibles, réduits que nous serions alors à privilégier les modes du se-tenir-ensemble qui présenteraient le plus d’affinité avec le plus de régimes possible et dans le plus de situations possible. S’il est possible de se satisfaire de cette théorie implicite, reste qu’il est urgent d’explorer la synthèse hors de cette assimilation impensée à un effort de factorisation.

Certaines considérations simples sur le cycle de vie de la synthèse aideront à la dégager de la gangue des présupposés qui la voilent. Quels sont les indices qui indiquent qu’on peut s’y prendre autrement avec la synthèse ? Le synthétisé n’est pas soluble dans la synthèse, la synthèse ne saurait récapituler définitivement ce qu’elle synthétise. Il n’y a pas de solution logique à la question de la synthèse.

Plutôt qu’une typologie naïve du synthétique comme effort de factorisation de la présence, pensons donc une phénoménologie de la synthèse comme événement.

La synthèse comme disparition.

Souvenons-nous de Heidegger soulignant l’impuissance du langage à préciser une ontologie, à travers son célèbre exemple « l’éclair luit ». En substance, Heidegger nous explique que l’éclair n’apparaît comme tel qu’en luisant, qu’il est cette déchirure lumineuse et que par conséquent il est absurde de le substantiver pour en faire le sujet du verbe luire, comme s’il pouvait également se manifester d’autres manières et être sujet d’une autre action que luire.

De la même façon que luire est le mode d’existence de l’éclair, sur le mode de l’apparition soudaine, je voudrais dire que la synthèse se manifeste typiquement sous le mode de sa soudaine disparition.

En effet, c’est au moment précis de son devenir-analytique que la synthèse révèle son existence posthume, et cela quelles que soient les conditions de la déchirure. Loin que la synthèse serait déterminée par sa capacité à contraindre des particuliers à se tenir ensemble, c’est l’instant de son devenir-analytique qui déterminerait rétrospectivement l’existence d’une synthèse. Rien ne se donnerait comme synthèse qu’au passé immédiat.

Ces considérations engagent à explorer les conditions de possibilité de la synthèse comme événement-disparition.

Conditions de possibilité de la synthèse comme disparition.

On étudie ici les différents avènements du devenir-analytique de la synthèse. Très vite, on éprouve le besoin de distinguer deux couches de description distinctes [7].

Une première couche, au plus près de la disparition synthétique.

Au plus près du devenir-analytique de la synthèse se trouve la révélation immédiate, violente et spéculaire, dont l’exemple typique est le Nain amoureux de l’Infante d’Espagne (Oscar Wilde), qui ne résiste pas à la révélation de son image dans le miroir et à l’individuation forcée qu’elle impose. La collusion synthétique des vieillards juges, faux témoins et qui convoitent Suzanne relève du même violent assujettissement (Livre de Daniel), ainsi que l’effondrement brutal de la nef de Beauvais, révélant un écart abyssal entre l’édifice et le plan de construction. De même la rébellion portée par Breton ou celle de Paul de Tarse déclarant que sans la Loi le péché n’est qu’un mort.

Aux côtés de la révélation se trouve la répétition compulsive, dont l’exemple typique est donné par le monde de la nage en mer, qui advient à l’insu du nageur lorsqu’il en vient à oublier qu’il nage. Mais c’est encore la répétition compulsive qui confère sa singularité au chemin parcouru le long de la baie de Tunis, infiniment redécouvert, ou à l’apprentissage de la trompette, embouchée au moment de l’émission d’un son sans que rien ne garantisse qu’il se donnera à entretenir.

La révélation et la répétition compulsive semblent fonctionner à l’envers l’une de l’autre, mais elles se conjuguent volontiers pour conférer à la synthèse son étrange pouvoir de bouleverser le cours du temps, que pointe aussi bien Angel González dans son Nada es lo mismo (le temps qui te perd perd aussi ton ennemi) que Thomas Mann au travers l’éprouvé de son personnage romanesque, Hans Castorp, en visite dans les Grisons (La Montagne magique).

Une seconde couche, concentratrice des conditions de possibilité.

Par-delà le noyau des conditions de possibilité de la synthèse, on trouve une seconde couche, qui fonctionne comme une enveloppe protectrice garantissant la densité critique du noyau. Grâce à elle, la révélation et la répétition compulsive ne se trouveront jamais en mal de champ opératoire.

Au premier rang de cette enveloppe se trouve la logique formelle, dont un exemple typique pourrait être le portrait sans concession qu’en fait Feyerabend dans Une connaissance sans fondements, lorsqu’il déclare que les systèmes de pensée, […] loin d’être des collections incohérentes d’idées folles qui ne sont que faiblement en rapport avec la réalité, sont des structures logiques d’une grande sophistication qui parviennent à une chose très surprenante : elles demeurent intactes devant à peu près n’importe quelle difficulté ; et cela est fait non pas simplement en ignorant la difficulté, mais d’une manière bien plus intéressante, en tournant la difficulté à leur avantage. Mais on pourrait tout aussi bien évoquer ce que Roland Barthes dit de la Mode : la Mode propose ce paradoxe précieux d’un système sémantique dont la seule fin est de décevoir le sens qu’il élabore luxueusement : comme la logique, la Mode cherche des équivalences, des validités, non des vérités ; sorte de machine à entretenir le sens sans jamais le fixer, l’une des fonctions de cette rhétorique est de brouiller le souvenir des Modes passées, de façon à censurer le nombre et le retour des formes… Elle joue des synonymes en feignant de les prendre pour des sens différents.

La coïncidence, comme cas particulier de la logique formelle, joue un rôle important dans cet environnement. On peut penser à Jean Climaque et à son disciple Moïse (L’Échelle Sainte), persuadé de devoir la vie sauve à une coïncidence divine servie par une foi sans faille, mais aussi au Dieu d’Abraham qui existe en intervenant pour supprimer l’effectivité d’un geste à effet de transcendance, se trouvant par là-même investi de cet effet de transcendance : je suis Celui en qui tu dois croire pour que le don transcendantal lié à la mise à mort de ton premier-né te soit offert sans l’effectivité de sa mise à mort.

La collection apparaît clairement comme un autre puissant concentrateur de possibilités pour la synthèse, concentrant la révélation et la répétition compulsive dans un même cercle. Chaque brebis du troupeau, prise à part, est aux yeux du berger plus précieuse à son tour que le reste du troupeau pris en bloc nous dit Matthieu l’évangéliste, relayé par Gide. Mais aussi Walter Benjamin, prétendant que dans l’art de collectionner, la relation entre l’objet détaché de toutes ses fonctions primitives et les objets qui lui sont semblables est diamétralement opposée à l’utilité et se place sous la catégorie remarquable de la complétude : soit une tentative grandiose pour dépasser le caractère parfaitement irrationnel de la simple présence de l’objet dans le monde, en l’intégrant dans un système historique nouveau, créé spécialement à cette fin, la collection.

Il est clair encore que les outils d’aide à la navigation au travers de collections numériques, comme le MusicBrowser du projet cuidado, doivent en définitive leur succès à leur capacité à enrôler l’utilisateur dans une activité de collection privée. Mais il faut remarquer que ces collections numériques ont un caractère virtuel qui les distingue des collections privées habituelles : ici nul accrochage statique, nul vernissage définitif et nulle thématique a priori. Bien plutôt, une méta-collection qui ne se donne que dans la dynamique de sa visite/constitution, dans la dérive des similarités multidimensionnelles et le glissement multicritère des proximités, mâtinées d’ajustements continuels, en intimité avec la situation.

Dans la seconde enveloppe, le jeu règne sans partage. Exposition du corps du danseur au miroir, œuvres ouvertes dont les interactions se doivent d’être non-programmées, crises comme dangers mêlés d’opportunités vues par les Chinois, provocations du calcul par affadissement de l’instanciation, création musicale au moyen des pratiques de Music Ripping, convocation du jeu cosmique par la création artistique, concrétisation au sens technique de Simondon, langage enfin, toutes les variantes du jeu imprègnent et densifient le monde de la seconde enveloppe.

Parmi les modes de jeu privilégiés on pourra distinguer la reconstitution et la récapitulation, comme autant de régimes ludiques de confrontation à la logique, mobilisant la répétition pour provoquer la révélation. L’exemple type serait ici le procès juridique conduit par le prophète-enfant Daniel pour confondre les vieillards iniques et faux témoins.

Une typologie à deux couches.

On obtient ainsi un dispositif à double structure, qui a l’allure de deux couches concentriques. La première est marquée par les figures de la révélation et de la répétition compulsive, la seconde par les figures de la logique, du jeu et de la collection.

Proposition d’actions.

Nous proposons l’investigation suivante :

1° collectionner minutieusement des lieux/situations qui témoignent d’une coprésence de la singularité et de la synthèse, en s’efforçant de circonscrire le rapport qu’elles entretiennent ;

2° tenter de dégager des traits caractéristiques du rapport entretenu en situation par la singularité et la synthèse, et repérer comment cette élaboration questionne/inspire les sciences sociales.

Nous invitons les lecteurs intéressés par cette démarche à se manifester auprès de la Rédaction d’EspacesTemps.net.

Résumé

Les sciences sociales ont souvent maille à partir avec la singularité et la synthèse, qui travaillent au corps leurs hypothèses et leurs régimes, mais qui sont rarement prises pour elles-mêmes comme objets d’étude.Ceci n’est pas innocent, et tient à ce que singularité et synthèse ont en commun qu’il est difficile de les penser sans provoquer ...

Bibliographie

Notes

[1] Ou encore pour éviter un prédateur, comme le théorise Konrad Lorentz expliquant que si les bans de poisson ou les troupeaux d’antilopes se tiennent ainsi ensemble, c’est pour éviter qu’un grand félin ne parvienne à se concentrer sur un seul individu sans lui laisser aucune chance. Une théorie à étendre à la séduction amoureuse dans les grands centres urbains ?

[2] On pourrait multiplier les exemples paradoxaux, et citer encore :

[3] Ce principe prescrit un mode de déploiement gnoséologique, et on pense bien sûr à la définition qu’Aristote donne de la science dans sa Métaphysique : la science est le discours qui parle des choses en tant qu’elles sont générales et non en tant qu’elles sont singulières.

[4] Voir le projet cuidado.

[5] En informatique, on appelle ontologie une structure de connaissances manipulable aussi bien par l’ordinateur que par l’homme, et qui possède certaines propriétés logiques intéressantes pour représenter les connaissances nécessaires à la médiation Homme-Machine, notamment dans les programmes d’Intelligence Artificielle.

[6] C’est bien une combinaison des descriptions qui est construite par l’Humain dans le MusicBrowser, de type et/ou plutôt que de type ou, qui permet de faire glisser ses désirs, en appui sur des similarités toujours partielles mais néanmoins stimulantes, les aspects quantitatifs s’appréhendant d’emblée qualitativement, et la Machine étant en retrait bienveillant par rapport à l’utilisateur humain.

[7] Les exemples sont puisés dans la collection particulière de l’auteur, publiée en deux volumes dans la collection Eidétique des Éditions Delatour.

Auteurs

Francis Rousseaux

Professeur des Universités en informatique, il est coordinateur de projets européens de recherche et développement à l’Ircam-Cnrs. Ingénieur en informatique, il a travaillé dans l’industrie du logiciel avant de se tourner vers la recherche en intelligence artificielle. Il a été auditeur de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale, responsable d’une équipe associée au Collège international de philosophie travaillant sur le thème de la décision politico-stratégique, et participe aujourd’hui à l’animation d’un groupe de travail à la Maison des Sciences de l’Homme de Paris (Maison Suger) sur le thème Singularités & Technologie. Il dirige la collection Eidétique aux Éditions Delatour.

Partenariat

Sérendipité.

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