Au moment où les technologies de diffusion à haut débit d’Internet n’étaient pas encore inventées et où le Web restait largement le fait de passionnés, armés de leurs modems rtc et détenteurs de la « paire cuivre » (ligne téléphonique classique), un site Internet proposait pourtant déjà en, libre-accès, le téléchargement aux formats pdf, Word ou rtf d’un nombre croissant d’œuvres souvent fondatrices des sciences sociales. Des années plus tard, ce souci d’une double accessibilité — technique et intellectuelle — au ressort de l’entreprise du site des classiques des sciences sociales n’a pas faibli, le transformant en référence en la matière. Difficile de prendre toute la mesure de cette histoire à l’heure où la question de l’accessibilité du savoir ouverte par l’entreprise individuelle de son fondateur (Jean-Marie Tremblay), qui en rejoignait quelques autres (Projet Gutenberg, Abu…), a complètement pivoté vers un débat — peut-être stérile ? —entre firmes et géants mondiaux quant aux droits ou non d’auteurs, quant à l’hégémonie monopolistique d’un acteur privé, etc. Le choix d’œuvres ciblées semblant par ailleurs laisser désormais plus de place aux entreprises de systématisation de numérisation en masse, par fonds, etc. D’où l’enjeu, par cet entretien, de revenir à la fois sur cette entreprise, ce qu’il en reste, ses perspectives…
Marc Dumont : Voilà bientôt dix ans que Les classiques des sciences sociales diffusent. Quel regard posez-vous sur cette démarche, ses apports, ses déceptions, mais surtout ses motivations ? Ont-elles aujourd’hui évolué ?
Jean-Marie Tremblay : Il y a beaucoup à dire ici. Dès le départ, je considérais que je menais une lutte sociale et éducative lorsque j’ai entrepris vers 1998 ce qui allait devenir Les classiques des sciences sociales. Une lutte constructive pour diffuser des savoirs en sciences sociales et rendre ces savoirs accessibles gratuitement à tous, de partout dans le monde. Si j’étais tout seul dans cette aventure au départ, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui, avec la coopération magnifique de nombreux chercheurs, de professeurs d’Université, de spécialistes des bibliothèques et même de plusieurs éditeurs.
Il y a longtemps que je numérise des textes pour mes étudiants au collège, en fait depuis la mise en marché du logiciel de reconnaissance Omnipage pour Macintosh, qui tenait sur deux petites disquettes, au coût de $500 US, il y a près de dix-huit ans. C’est drôle, la vie : lorsque j’ai pensé créer un lieu de libre-accès aux œuvres fondamentales en sciences sociales — je pense notamment aux œuvres d’Émile Durkheim, Marcel Mauss, Antonio Gramsci, Marx et Engels, Maurice Halbwachs, Lucien Febvre, Marc Bloch, Lucien Lévy-Bruhl, Cesare Lombroso, Bronislaw Malinowski, et combien d’autres, mais aussi aux œuvres philosophiques, notamment d’Henri Bergson, Alain, Gaston Bachelard, en psychanalyse, de Sigmund Freud, Pierre Janet, etc. — je voulais permettre à mes étudiants de découvrir, à travers la lecture des œuvres de ces auteurs, les regards sociologique, anthropologique, historique, philosophique, psychanalytique sur les collectivités. Je voulais que mes étudiants découvrent le regard totalisant des intellectuels du 19e et début 20e siècles.
Et quoi de mieux que de les rendre accessibles en versions numériques ? Je ne voulais pas seulement rendre accessibles toutes ces œuvres ; je voulais aussi et surtout les rendre accessibles à tous librement et gratuitement, sans contraintes financières ; et, ces œuvres étant accessibles de partout, il n’y avait plus de raison que mes étudiants ne puissent plus lire.
Mes motivations originales n’ont pas changé : accès aux savoirs, partage de ces savoirs, accessibilité gratuite à chacun et autonomie. Je suis un peu sauvage, je pense. J’ai besoin de conserver mon autonomie et ma liberté pour assurer mon travail intellectuel. Et je n’ai que notre salaire pour vivre.
Toutes les œuvres que nous diffusons sont téléchargeables pour assurer le plus d’autonomie aux utilisateurs dont l’accès à Internet est plus dispendieux et moins rapide. En pouvant télécharger les œuvres, ils conservent leur indépendance en n’étant pas dépendants d’un site web pour l’accès à des œuvres.
Lorsque j’étais jeune, j’espérais contribuer à la lutte contre les inégalités sociales ; je voulais comprendre et aussi nous permettre de comprendre la vie en société. Avec Les classiques des sciences sociales, j’ai le sentiment d’une lutte éducative et sociale. J’ai le sentiment de n’avoir pas perdu mon « âme », excusez le terme ; j’ai le sentiment de n’avoir pas abandonné mon idéal de jeunesse.
Près de dix ans après la fondation des classiques des sciences sociales, j’ai un sentiment d’accomplissement puisque les étudiants, les chercheurs, les professeurs utilisent les œuvres qui sont disponibles. Et ce qui me plaît le plus, c’est que l’on accède à ces œuvres aussi bien en République démocratique du Congo qu’en Côte-d’Ivoire ou à Haïti qu’en France, en Belgique ou aux États-Unis.
Je vous dis toute la satisfaction qui m’habite de voir qu’on accède à ces œuvres aussi bien d’Algérie, du Maroc que d’Argentine ou du Brésil, ou encore des anciennes républiques de l’Union soviétique, mais c’est la coopération des chercheurs et des professeurs d’Université qui me touche le plus. Je découvre leur volonté d’expliquer, de nous aider à comprendre, leur désir de partager leur savoir et, lorsque c’est possible, ils m’accordent presque toujours leur permission de diffuser leurs travaux (livres, conférences, articles de revues scientifiques). Cette complicité me touche profondément.
Enfin, je voudrais dire que Les classiques des sciences sociales me donnent espoir dans la vie. Partager crée des liens.
MD : Si le marché de l’offre des « produits » de sciences sociales semble bien hétérogène, en particulier en termes de qualité et de contenu, on peut toutefois « en gros » le répartir sur un curseur qui irait du plus institutionnel (mais verrouillé) au plus libéralisé (mais sujet à de vives critiques) tel le modèle Wikipédia. D’autres initiatives s’affirment aussi désormais comme des références incontournables, telles Google Books ou Hal-Shs ; des éditeurs, également, se lancent dans la course. Comment vous positionnez-vous par rapport à cela ?
JMT : Si je devais essayer de me situer sur ce continuum d’offre de produits culturels en sciences sociales, du plus institutionnalisé au plus libéral, je pense que je pourrais me situer au centre.
Dès le départ, je voulais conserver toute ma liberté du choix des œuvres que nous diffuserions. Mais, d’autre part, il n’était pas question que le travail d’édition numérique ne soit pas professionnel. C’est parce que j’enseigne la sociologie que j’ai eu le goût de faire aimer et découvrir et aimer la sociologie par le biais des œuvres des sociologues que nous diffusions, et ensuite les autres sciences sociales, comme l’anthropologie, l’économie politique, la science politique, l’histoire, la démographie, la criminologie, le travail social, et ensuite la philosophie et la psychanalyse.
Comme nous sommes un tout petit organisme à but non lucratif — nous nous sommes incorporés fin 2006 — où tous sont bénévoles, chacun des bénévoles travaille sur les œuvres de son choix ou presque. Quand ils ne choisissent pas, je leur propose. Mais il n’y a pas de relations hiérarchiques. La seule obligation est de respecter l’œuvre de l’auteur et de ne diffuser que ce qui est permis : les œuvres du domaine public au Canada et les œuvres contemporaines autorisées par leurs auteurs, souvent avec la permission de leurs éditeurs.
Ce que je déteste dans Wikipédia, c’est l’anonymat et l’absence des sources. On ne peut jamais savoir qui écrit et d’où proviennent les renseignements qu’on y trouve. C’est une immense organisation mais où il est presque impossible de s’adresser à des responsables et où n’importe qui intervient de manière toujours anonyme. Donc pas de responsabilité. Je haïs cela.
Le Projet Gutenberg est là depuis bien avant l’arrivée de Google, tout comme Gallica d’ailleurs. Plusieurs bibliothèques se sont développées ces dernières années, comme la Bibliothèque numérique européenne, avec de gros budgets. Les classiques des sciences sociales sont là depuis bien avant l’arrivée d’entreprises commerciales comme Google Books.
Par rapport à ces grandes institutions, je vois Les classiques des sciences sociales comme David versus Goliath. Nous sommes très petits, sans budget, à peine $2500 canadiens par année. Je nous vois comme un artisan qui fait un remarquable travail, un travail d’une grande qualité et fiabilité, qui ne réalisera pas des millions d’œuvres ; mais celles qu’il réalisera seront des plus appréciées.
Gallica diffuse en Pdf-image et html, Google Books en format protégé ou Pdf-image, alors que nous diffusons en version « traitement de texte » des œuvres qui sont toutes téléchargeables. Diffuser en version « traitement de texte » et en documents téléchargeables exige beaucoup plus de travail de notre part mais en bout de ligne c’est un format nettement plus utile pour la recherche, qualitative et quantitative.
Je pense qu’il est bien qu’existent de petits groupes comme Les classiques des sciences sociales, indépendants, fiables, responsables. J’en référencie de nombreux dans la section des ressources externes. Je pense qu’il est dangereux de laisser à de grandes entreprises commerciales comme Google la diffusion des savoirs. Qu’il existe plusieurs centres de diffusion assure davantage d’indépendance.
Enfin, je voudrais dire qu’être associés à une institution universitaire et soutenus par une institution d’enseignement (je pense à mon collège) et la municipalité, cela nous oblige à un travail très minutieux, de qualité, sur lequel peuvent se fier chercheurs, professeurs et étudiants. Et ce qui me plaît, c’est aussi notre indépendance, puisque nos choix éditoriaux (choix d’œuvres) et notre rythme de travail ne dépendent que de nous-mêmes, sans obligation aucune envers les institutions qui nous soutiennent.
MD : Le choix des auteurs, des œuvres, résulte d’une logique qui ne semble pas être celle de l’exhaustivité ou de l’encyclopédisme, mais davantage fondée sur d’autres critères — œuvre méconnues, œuvres déterminantes par leur influence. Pourriez-vous en dire plus à ce sujet ? L’affirmation d’un corpus francophone semble nette, par exemple.
JMT : En fait, comme je voulais au départ faire découvrir à mes étudiants les sciences sociales, la philosophie et la psychanalyse, le choix des œuvres résulte de coups de cœur, ou des œuvres qui me sont matériellement accessibles.
Le corpus des savoirs que nous diffusons est essentiellement francophone. Je voulais au départ rendre accessibles les œuvres de Durkheim, Marcel Mauss, Halbwachs, Gabriel Tarde, Herbert Spencer, etc., mais aussi des œuvres contemporaines en sciences sociales. Et pourquoi pas commencer par diffuser les œuvres des intellectuels québécois en sciences sociales après les œuvres des auteurs classiques. Et petit à petit, en pouvant rejoindre, par Internet, d’autres chercheurs et professeurs d’université en France, en Belgique, en Suisse, aux États-Unis, diffuser les œuvres qu’il était légalement possible de diffuser.
Nous diffusons, par exemple, quelques œuvres de Michel Beaud. Nous diffusons toutes les œuvres de Robert Fossaert, d’une immense culture en histoire, économie et sociologie, avec un regard macrosociologie. Il y a plusieurs livres de Michel Beaud que j’aimerais que nous diffusions, mais encore faut-il que ce soit possible. Sans la permission de l’éditeur, pour une œuvre encore en circulation commerciale, c’est impossible.
Pour plusieurs auteurs, nous diffusons la presque totalité de leur œuvre. Cela nous permet de suivre le cheminement intellectuel de l’auteur et ça me plaît. Je pense à Robert Fossaert (économiste), Marc-Adélard Tremblay (anthropologue), Martin Blais, Bergson et Alain (philosophes), et combien d’autres.
Rendre accessible la production intellectuelle des chercheurs et professeurs d’Université du Québec francophone contribue à faire découvrir la richesse de notre vie intellectuelle et le dynamisme de la société québécoise.
Nous allons diffuser toutes les publications du Frère Untel (alias Jean-Paul Desbiens), un acteur de la Révolution tranquille au Québec dans le domaine de l’éducation. Tous ses livres sont numérisés mais pas encore tous accessibles.
De même pour les ouvrages du sociologue québécois Jacques Grand’Maison. Nous diffusons déjà une grande partie de ses publications. Que celles-ci soient très ou peu consultées m’importe peu. Il est un sociologue engagé dans notre société et son œuvre est importante. Différente de celle d’un Gilles Bourque ou d’une Nicole Laurin-Frenette, mais importante.
Diffuser les publications en sociologie de la famille, en sociologie de la santé, en anthropologie médicale ou en sociologie des religions permet de comprendre différents aspects de notre société, du fonctionnement des sociétés et de l’évolution de notre société, par exemple.
Je voudrais bien diffuser les publications d’intellectuels français comme Pierre Bourdieu, Christian Beaudelot, Roger Establet et combien d’autres, mais c’est difficile de les joindre pour avoir leur permission ou celle de leurs ayants-droit.
En général, les chercheurs et professeurs d’Université au Québec sont plus faciles à joindre que leurs homologues français et répondent favorablement dans presque tous les cas, et cela très rapidement. Mais cela est en train de changer.
Mais comme nous sommes tout petits et que je n’œuvre aux classiques des sciences sociales que dans mes loisirs, nous ne pouvons que nous développer lentement.
MD : Comment définissez-vous une « œuvre » ? Parfois un livre (ouvrage), parfois un article, parfois l’ensemble de la production ?
JMT : Des centaines de livres et près d’un millier d’articles scientifiques sont actuellement en préparation. Nous diffusons des livres, des articles de revues scientifiques et, à l’occasion, les textes de conférences de professeurs et de chercheurs universitaires.
Dans le meilleur des cas, j’aimerais que nous diffusions toute l’œuvre d’un auteur, c’est-à-dire toute sa production. Comme nous sommes bénévoles, on ne peut qu’y aller petit à petit.
Nous pouvons diffuser un seul article d’un auteur, par exemple l’article de Jean-François Chanlat, “Types de sociétés, types de morbidités. La socio-genèse des maladies”, ou encore l’article d’Olivier Clain, sociologue à l’Université Laval, “Marx, la dialectique et la science”, ou de nombreuses œuvres du même auteur, par exemple de Maurice Cusson ou de Marc Leblanc, tous deux criminologues québécois de l’Université de Montréal. Cela dépend de mes coups de cœur et des œuvres que je veux faire découvrir à mes étudiants.
MD : On touche ici la question même de l’interdisciplinarité : classiques des « sciences sociales », donc, mais comment balisez-vous ce champs des « sciences sociales », puisqu’on découvre également sur votre site des œuvres plus proches de la science politique, de la philosophie, ou des essais politiques ?
JMT : À l’âge de dix ans, je savais que je voulais comprendre la société. Ce que je ne connaissais pas et que j’ai découvert à l’âge de seize ans, c’était la sociologie. Et depuis lors, cela n’a pas changé. En 1993, je commençais à préparer du matériel pédagogique pour mes étudiants avec l’idée de leur faire découvrir la sociologie à travers les publications des chercheurs, classiques et contemporains, mais aussi ceux d’autres disciplines des sciences sociales (l’anthropologie, l’économie politique, la science politique, la criminologie, l’histoire, le travail social, la démographie). Peu la géographie et la linguistique, à cause des difficultés inhérentes à l’édition numérique de ce genre d’œuvres.
Je voulais aussi faire découvrir la philosophie, son importance dans la démarche scientifique, mais aussi la psychanalyse pour comprendre l’infiniment petit, le psychologique.
Je veux permettre à mes étudiants de découvrir plusieurs perspectives d’analyse des faits sociaux, que la réalité ne se réduit pas aux cloisonnements départementaux, que la réalité est une et interdépendante mais qu’il existe différentes approches et perspectives d’analyse.
J’aurais pu limiter les œuvres diffusées dans Les classiques des sciences sociales à la sociologie, mais c’étaient les sciences sociales que je voulais fondamentalement faire découvrir. Toutes s’intéressent au « nous », mais parfois sous un angle ou une méthode différente.
Je souhaite aussi permettre aux étudiants de découvrir d’autres champs d’étude et d’investigation. D’abord les sciences de la société, puis la philosophie, et un peu le psychologique.
MD : Et si vous deviez définir en quelques mots le « libre » ?
JMT : Lorsque j’ai présenté mon projet, que j’avais amorcé depuis déjà deux ans chez moi, d’une bibliothèque numérique en sciences sociales, au Directeur de la bibliothèque de l’Université du Québec à Chicoutimi, qui se trouve à cinq minutes du collège où j’enseigne la sociologie, j’avais mis trois conditions à notre coopération :
-
Liberté éditoriale totale : aucune ingérence dans le choix des œuvres mises en ligne, ces choix m’appartenant.
-
Espace illimité sur le serveur Internet de l’Université. Autant d’espace que ce dont j’aurais besoin.
-
Et enfin, accès au serveur Internet de l’Université à partir de chez moi, avec mon code d’accès personnel. Je ne voulais pas travailler à l’Université. Passer tous mes loisirs dans les locaux de l’Université m’aurait donné une impression d’aliénation, celle de travailler tout le temps.
Le Directeur d’alors de la bibliothèque, qui est maintenant retraité mais qui est devenu Administrateur au Conseil d’administration des classiques des sciences sociales, Gilles Caron, et cela à ma demande, a accepté avec enthousiasme toutes mes conditions. Et cela n’a pas changé depuis. Bien sûr, tout se ferait en respectant la loi des droits d’auteur au Canada.
Je me sens libre par l’absence d’obligation de rendement, par l’autonomie complète non seulement sur le choix des œuvres que nous diffusons numériquement mais aussi sur les aspects techniques (numérisation, mise en page, gestion du site) et l’absence de dépendance financière envers une institution, que ce soit l’Université, le collège ou la municipalité.
Libre parce que je peux œuvrer à ce projet quand ça me tente, quand j’ai le temps et toujours à partir de chez moi sur mon ordinateur personnel. Et c’est la même chose pour chaque bénévole.
Par exemple, je me sens libre si je puis décider de mettre en ligne le livre de Gobineau, Essai sur l’inégalité des races humaines, même si aucun des professeurs d’Université à qui j’ai demandé de présenter l’auteur et son œuvre n’a accepté ma proposition. Gobineau représente un courant significatif au 19e siècle, et pour cela il doit être diffusé. Mais nous diffusons aussi l’œuvre de Célestin Bouglé, Les idées égalitaires. Étude sociologique.
MD : Le « libre » a-t-il pour vous aujourd’hui le même sens qu’il y a dix ans ?
JMT : Je me sens libre, mais pauvre. Je tenais au départ à ma liberté dans le choix des œuvres, mon rythme de travail, la manière de faire mon travail, et cela n’a pas changé. Liberté implique autonomie. Perdre mon autonomie de décision et de fonctionnement impliquerait une perte de liberté. Ce n’est même pas envisageable, mais si cela devait se produire, je lâcherais.
Illustration : Jean-Marie Tremblay (© 2009).