C’est surtout au titre de la récollection des informations que ce numéro de revue peut intéresser le lecteur. Jusqu’à présent, les ouvrages, recueils de textes, et archives de référence manquent cruellement sur cette question de l’art écologique. Or non seulement certaines de ses pratiques pénètrent désormais en France, mais il s’agit aussi d’un moment de l’histoire de l’art du début du 21e siècle auquel les chercheurs ne peuvent rester indifférents, compte tenu de l’atmosphère générale (Grenelle de l’environnement, souci écologique affirmé,…). Rappelons que par cette expression « art écologique », il convient d’entendre des pratiques artistiques nées autour des années 1970-1990, surtout aux États-Unis. Nomades, expérimentales, les œuvres de cette veine s’appliquent à occuper un terrain global, comprenant la question de l’environnement et celle d’un développement économique en meilleure harmonie avec l’existence de l’homme. C’est ainsi que des artistes comme Wout Berger, Nils Norman, Free Soil ou Dan Petreman oeuvrent à une « practivité » active et positive, encline à manifester dans la rue des engagements écologiques, et ceci même s’ils ne revendiquent pas toujours d’être catalogués « écolos » ou « verts ». De manière plus expansive, la nature, la survie de l’homme en meilleure harmonie avec son environnement occupent l’esprit d’artistes comme Alan Sonfist, Helen et Newton Harrison, Patricia Johanson ou encore Mierle Laderman Ukeles (qui a d’ailleurs réalisé une œuvre à Givors, en France). Les articles présentant ces travaux s’attachent, à juste titre, à distinguer l’art écologique du Land Art, puisque ce dernier forme des projets plus conceptuels et réalise des œuvres essentiellement isolées et contemplatives. L’art écologique a, en revanche, un souci communautaire et écosystémique. De ce fait, par ailleurs, il propose une visée activiste de l’art, mettant celui-ci au service d’une cause : la compréhension publique des enjeux environnementaux locaux et globaux. D’une certaine manière, l’art devient une sorte de moyen de communication, accompagné d’un discours sur un monde durable et proposant des ébauches de solution.
Le volume aborde la question très simplement, et donne les renseignements dont les uns ou les autres peuvent avoir besoin. Après avoir spécifié l’actualité d’une écologie artistique, il analyse le recadrage de l’expérience esthétique induite par cette forme de pratique artistique, et termine son parcours par l’étude du nouveau cadrage de l’action publique imposé par ces pratiques.
Moins convaincante est la partie du volume qui décline la liste des artistes français englobés dans l’art écologique. On y trouve un peu de tout, et surtout des noms de personnalités dont il n’est pas certain qu’elles se soumettraient à ces paramètres. L’article concernant la pratique des Nouveaux Commanditaires par la Caisse des Dépôts est tout à fait décalé par rapport à la perspective choisie.
Il reste maintenant à s’emparer de cette publication et à la reprendre à un autre niveau. Il convient en effet de se demander maintenant comment art et esthétique se confrontent dans ce cas, et quelle signification prêter à l’espace public. Est-il vraiment certain qu’en déployant des expériences sensibles, ce qui est le cas de la plupart de ces œuvres, on offre un potentiel critique à la cause écologique ? Peut-être offre-t-on au mieux au spectateur un mode de relation intime à l’environnement ? Quelle est la « cause » gagnante ? L’art, l’écologie, la population ?
Nathalie Blanc et Jacques Lolive (dir.), « Esthétique et espace public », Revue Cosmopolitiques, n°15, Rennes, Éditions Apogée, 2007, 192 pages.