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Sérendipité.

Des manières de se conduire : et si nous ne voulions être ni ceci ni cela !

Michel Foucault, 1984-2004, Revue Vacarme, Automne 2004.

Image1Dire, dire encore, à l’occasion du décès d’un auteur ou de l’anniversaire d’un décès, l’arrêt d’une œuvre avec laquelle ou à côté de laquelle nous avons vécue, relève d’un exercice très différent du discours proféré à l’endroit d’une œuvre déjà historisée. Ce n’est pas tant affaire d’émotion que manière de réfléchir l’importance du penser, bien au-delà de l’importance de dresser des portraits et nécrologies. Au demeurant, cette profération ne s’accomplit guère dans un cadre serein, puisqu’en marge du commerce aussi, il faut encore se frayer un chemin entre les obstacles constitués par ceux qui vivent de cette œuvre (un étendard), d’une manière ou d’une autre, et ceux qui la mettent au service de leur propre stratégie publicitaire (la vulgate). La méfiance constamment requise à l’égard de ces mobilisations multiformes, aux fins disparates (célébrations commerciales, publications calculées, rétentions non moins calculées de textes qui sont enfin « lâchés » en public, ferveurs déplacées, profits médiatiques), ne doit cependant pas oblitérer la nécessité de retisser sans cesse la distance qui nous sépare de plus en plus d’une œuvre dont la lecture a dû avoir pour premier effet de nous encourager à nous déprendre de nous-mêmes. Et les relectures laissent alors mieux voir notre histoire dans le miroir d’un monde désormais absenté.

Consacrée à l’œuvre pratique et théorique de Michel Foucault, cette livraison de la revue Vacarme a quelques mérites au cœur du lot si frappant des objets mis en public à l’occasion du 20e anniversaire de son décès. Précisons d’abord que cette revue, (rédacteur en chef : Philippe Mangeot) et que ce numéro de revue (publié avec le concours du Cnl, édité avec le soutien du ministère de la Culture et du Centre national des arts plastiques) se veut, habituellement, l’écho des soucis communs aux luttes sociales, aux pensées qui acceptent de ne pas se poser en surplomb de la société et de s’intéresser à ce qui s’expérimente, s’énonce et se refuse. Vacarme, après tout, n’est-ce pas un vocable foucaldien ? Celui d’une résistance qui finit par se faire entendre, ou faire entendre les voix qu’on n’entend pas habituellement, parce qu’elle finit par faire entendre le petit vacarme de ces voix inaudibles.

La caractéristique majeure de ce numéro tient au fait qu’il accepte d’emblée que le lectorat de Foucault soit très composite, porteur d’intérêts très divers. Au point, il est vrai, que ce public est enclin fréquemment à parcelliser l’œuvre (dans sa discontinuité même). Aussi la rédaction a-t-elle choisi des entrées multiples, mais en ramenant sans cesse les propos à un enjeu : s’il est vrai que le philosophe s’est toujours refusé le droit de gouverner la lecture de ses propres travaux, offrant à chaque lecteur-usager susceptible d’user de ses ouvrages une pensée sans mode d’emploi, brandir Foucault n’autorise jamais à dire des sottises. Qu’en fassent usage tous ceux qui sont exposés à des effets de pouvoir, de savoir ou de morale. Mais jamais sans s’exposer aussi à se défaire de toute souveraineté sur l’œuvre et son interprétation. D’autant que, si nous ne l’avons pas mal lue, sa perspective pratique fondatrice est d’encourager chacun à donner une forme à sa conduite, une forme qui ne soit jamais une forme unique, unilatérale et imposable. L’archéologie, chacun le sait, revendique moins d’être vraie que de servir les luttes en se servant des archives.

Participent à ce numéro des auteurs dont le fil conducteur est assez massivement d’énoncer des propos qui s’imposent moins au lecteur qu’ils n’imposent à notre histoire un système de diagnostic qui se renforce à mesure que l’on se déplace dans le volume. Politique, économie, culture, arts, associations institutions, disciplines viennent au-devant de la scène décliner des perspectives qui ne sont possibles qu’à partir du décès de Foucault, non au sens où il en serait la cause, mais au sens où y revenir aujourd’hui permet de repérer des discontinuités apparues depuis (notamment dans les institutions soumises au diagnostic foucaldien au long de la publication de ses œuvres : la médecine, la clinique, la psychiatrie, le savoir, le pouvoir, le sujet, la sexualité). Il y a bien eu de l’imprévu, dans une histoire que certains regardent désormais avec nostalgie et d’autres avec plaisir. Ce qui rappelle qu’à l’évidence, les événements que nous avons vécus depuis 1984 ne peuvent être promus au rang de parousie de l’histoire, pas plus qu’ils ne peuvent être dissous en elle.

Si Foucault a lu dans les discontinuités qu’il a lui-même cernées la fin de certains discours (ceux de l’alternative clef en mains, de la lutte finale, de l’intellectuel universel), nous avons encore à nous préoccuper de lire dans notre présent la fin d’autres discours à partir desquels écouter mieux les voix étouffées de nos jours et relancer des pratiques inédites (il y eut, chez Foucault cette hantise de rappeler constamment l’existence d’un droit d’interpellation : Gip, Act Up, les dialogues avec différents syndicats, etc.). Les luttes spécifiques restent largement ignorées des discours proliférants autour de nous.

Mais tout cela ne va pas sans que chacun ne soit appelé à revenir sur cette déprise de soi qui peut l’obliger à s’interroger sur les manières dont il s’est constitué comme sujet de … (la vérité, le pouvoir, la sexualité). Affaire d’ascèse en somme, puisque penser l’être humain, c’est se penser comme problématisant ce qu’il est, ce qu’il fait et le monde dans lequel il vit. Pour s’en défaire ?

Michel Foucault, 1984-2004, Revue Vacarme, Automne 2004, n°29. 172 pages. 12 euros.

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Dire, dire encore, à l’occasion du décès d’un auteur ou de l’anniversaire d’un décès, l’arrêt d’une œuvre avec laquelle ou à côté de laquelle nous avons vécue, relève d’un exercice très différent du discours proféré à l’endroit d’une œuvre déjà historisée. Ce n’est pas tant affaire d’émotion que manière de réfléchir l’importance du penser, bien ...

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