Comme ses travaux précédents l’ont démontré, Marcela Iacub affiche une rare maîtrise dans l’art de restituer avec humour et minutie les sinuosités de la raison juridique ― dans un souci « positiviste » de « dire la vérité sur ce que fait effectivement le droit » au-delà des habits idéologiques dont on couvre sa réalité pratique (2002, a, p. 13). [1] Et comme le savent bien ses lecteurs, elle met cet art au service d’une pensée « néo-libertine » soucieuse de débusquer, derrière les progrès proclamés de la modernité sexuelle, la permanence d’un paternalisme concevant le droit comme « un instrument dans les mains de bons pasteurs qui guident leur peuple vers le bonheur » (2002, a, p. 11 ; voir aussi Iacub 2002 b, et Iacub et Maniglier 2005). Son dernier opus n’échappe pas à la règle.
Par le trou de la serrure nous propose ainsi une histoire du traitement de la nudité publique par le droit français, du Code pénal napoléonien de 1810 au « nouveau droit pénal de la sexualité » institué par les réformes de 1992. On y suit la destinée de la « pudeur publique », définie par l’auteure comme un « ordre des mœurs » (p. 8) confinant les corps dévêtus et les activités sexuelles dans une sphère privée séparée des espaces publics par un « mur » à la fois normatif et physique, et visant à éviter de « trop sexualiser la vie sociale » en luttant contre l’étalage de la « débauche » et du « libertinage » (pp. 8-9). On y découvre les stratégies mises en œuvre, parfois par les juges, parfois par des acteurs sociaux informels, pour étendre ou limiter le contrôle pudique de soi exigé par les bonnes mœurs. Et on observe la disparition contemporaine de la pudeur publique au profit d’une domestication du « Sexe » ne laissant aux corps aucune marge de laisser-aller ― le remplacement du délit d’outrage public à la pudeur par le délit d’exhibitionnisme, porteur selon Iacub de mille dangers d’oppression.
Le récit se divise en trois temps. Une première partie, « Construire et abolir le mur de la pudeur », retrace la naissance et le développement de l’article 330 du Code pénal de 1810 : « Toute personne qui aurait commis un outrage public à la pudeur sera punie d’un emprisonnement de 3 mois à un an, et d’une amende de 16 francs à 200 francs » (p. 31). Avant cet article, précise Iacub, il existait certes déjà des dispositions condamnant certaines pratiques sexuelles en public, mais « l’ancienne législation interdisait que dans un lieu spécifique les personnes adoptent des comportements déterminés » ― comme « le mélange des sexes à l’occasion des bains publics » (pp. 42-43). L’article 330 rompait avec cette spécificité, et faisait « de la totalité de l’espace public un lieu de bannissement de l’ensemble des comportements censés exprimer la sexualité » (p. 48). Par contraposition, l’article 330 transformait l’espace privé en refuge d’une « sexualité … sans contraintes ». La distinction public-privé trouvait donc, dans ce détail du Code pénal, une traduction limpide :
La pudeur publique fut dans ce sens l’infraction qui divisa l’espace visible en deux sphères dotées chacune de règles opposées au regard de l’exhibition de la sexualité. (p. 45)
Pour mettre sa sexualité ou sa nudité à l’abri des foudres de la loi, il suffisait alors de s’enfermer chez soi. Dans ce réduit, tout était permis ― même le viol conjugal. Hors de ce réduit, toute manifestation sexuelle était interdite. Tel était le noyau dur de ce que Marcela Iacub appelle un « pacte libéral-puritain », admettant que « tout ce qui était sexuel était immoral », mais concédant une pleine liberté d’être ainsi immoral derrière le « mur de la pudeur » (p. 120).
Pourtant, ce partage net entre une sphère publique d’où le sexe et le nu sont bannis et une sphère privée où ils sont pleinement libres ne devait pas durer longtemps. Marcela Iacub nous décrit en effet le processus d’érosion dont le mur de la pudeur fut victime. Il y eut d’abord la « conquête des lieux privés par les lieux publics » (pp. 67-86) : dès le milieu du 19e siècle, les décisions de justice tendirent à considérer que des lieux privés, comme une chambre à coucher, devaient être tenus pour publics dès lors qu’ils étaient visibles ou accessibles depuis l’extérieur ― « être dans un lieu, être visible et être accessible à partir d’un tel lieu devinrent équivalents » (p. 76). Il y eut ensuite « l’invention de la publicité intérieure » (pp. 87-117), qui entra dans le code en 1877 avec l’arrêt Ponce. Cet arrêt statuait qu’une scène sexuelle intervenue dans un lieu intérieur clos devait être néanmoins considérée comme publique si elle s’était déroulée en présence de deux témoins, dont au moins un n’avait pas consenti au spectacle. C’en était fini de la sphère privée libre :
Tout espace privé, non visible et non accessible de l’extérieur, pouvait devenir aussi public qu’une rue pour autant que trois personnes au moins y soient réunies. Si l’on partageait son logement avec quelqu’un d’autre que son partenaire sexuel, ce tiers pouvait arriver à tout instant et transformer le logement en lieu public. (p. 115)
Une deuxième partie, « La libération visuelle des lieux publics », nous raconte ensuite comment l’article 330 fut patiemment combattu, dès le début du 20e siècle, sur deux fronts distincts. L’auteure nous restitue d’abord la « guerre des nus chastes », qui visait l’idée que « tout ce qui était sexuel était immoral ». Au contraire, devaient soutenir artistes et naturistes, certaines nudités ne sont pas immorales. L’obscénité du nu peut s’effacer pour peu que ce dernier soit « voilé par des buts artistiques, hygiéniques, sportifs ou philosophiques » (p. 140) ― thèse qui devait finalement s’imposer en 1937, à l’occasion d’une décision de la Cour d’appel de Riom statuant qu’il n’y « avait pas d’outrage public à la pudeur lorsqu’une femme aux seins nus se montrait dans la cage d’une ménagerie au milieu des fauves » (p. 165). La nudité n’était plus suffisante, tranchèrent les juges ; il fallait que s’y ajoutent des attitudes ou des geste « lascifs ou obscènes » (p. 165). Les « music-halls parisiens » pouvaient enfin souffler. La seconde fronde contre le mur de la pudeur consista non pas à neutraliser la nudité en lui retirant son caracère obscène dans certains contextes artistiques ou sportifs, mais à « neutraliser la publicité ». Iacub nous conte ainsi par le menu comment, au fil d’affaires toutes plus savoureuses les unes que les autres, la raison juridique en vint à admettre que le consentement des spectateurs pouvait rendre privé un spectacle public et l’arracher ce faisant aux griffes de l’article 330 :
On postula que le consentement des spectateurs pouvait rendre privés les spectacles publics. En conséquence, non seulement le nu intégral, mais aussi des gestes lascifs, pouvaient être admis, car on pourrait voir désormais les mêmes choses dans les spectacles publics que privés. (p. 224)
Hair put donc échapper aux poursuites. Mais le livre trouve son mordant avec la troisième partie, « La politique des espaces à l’heure du Sexe ». C’est là que Iacub, pour ainsi dire, dévoile ses cartes et révèle aux lecteurs où elle veut en venir. On se souviendra peut-être d’une thèse récurrente du Crime était presque sexuel : le droit français est passé, du Code Napoléon aux réformes des années 1980 et 1990, d’un « régime des mœurs » à un « régime du sexe ». Dans le « régime des mœurs », il s’agissait avant toute chose de protéger l’ordre matrimonial et son idéal unique de la sexualité non coupable : le coït vaginal entre époux. C’est ainsi que le viol conjugal n’était pas reconnu ou que l’adultère était puni. Dans le « régime du sexe », il y a « dématrimonialisation » : le « coït dans le mariage » est « désacralisé » (p. 50). Puisqu’il est désormais hors de question de punir tout acte sexuel autre que le coït vaginal entre époux, soutient Iacub dans Le crime était presque sexuel, deux options semblent ouvertes : dépénaliser toutes les activités sexuelles en leur réservant l’indulgence jadis accordée au commerce conjugal ; ou pénaliser toutes les activités sexuelles en leur imposant la sévérité jadis appliquée à l’adultère. C’est la deuxième option, affirme Iacub, qui fut retenue : « rendre la totalité du sexe, y compris le sexe dans le mariage, potentiellement criminel » (p. 51). Il s’agira désormais de protéger, non plus un ordre matrimonial extérieur aux individus, mais « quelque chose d’intime, de secret et de juridiquement insaisissable » ― à savoir l’« intégrité sexuelle », condition de l’intégrité physique et psychique des personnes (p. 65, p. 52).
Par le trou de la serrure, dans sa troisième et dernière partie, applique cette grille de lecture générale à la question particulière de la pudeur publique. Et Marcela Iacub tente pareillement d’en tirer des leçons inquiètes et pessimistes :
On peut en effet concevoir la révolution des mœurs et les renversements spectaculaires qu’elle a provoqués dans nos manières de jouir, d’aimer, de procréer, de regarder, de voir, de transgresser et d’obéir aux lois comme le résultat de la substitution du mariage par le Sexe. Le mariage, avec sa cohorte d’opacités, de mensonges organisés, d’impunités déclarées, allait faire place à la transparence, à la vérité, et aux châtiments exemplaires provoqués par le Sexe. Dorénavant, rien ne serait plus politique que le privé. (p. 239)
D’abord, l’auteure brosse un portrait plus détaillé du « Sexe d’État ». Elaborée sur la base de considérations empruntées à la psychologie et à la psychanalyse, la notion de « Sexe », ou plus précisément d’« intégrité sexuelle », connaît dans la loi un destin singulier :
Loin de concevoir cette réalité comme on le fait des faits psychiques, c’est-à-dire comme étant des phénomènes symboliques et donc soumis à des élaborations individuelles, la loi la traita comme s’il s’agissait d’un processus physiologique, analogue à la digestion ou à la circulation sanguine, et donc gouvernée par des causalités fixes, stables, collectives, prédictibles et inéluctables. (p. 245)
Cette notion presque mécanisée de l’intégrité sexuelle est essentiellement négative : le « Sexe » est une « faiblesse » ― une « faille que chacun porte en lui, susceptible de détruire, de corrompre, de tuer sinon physiquement, du moins psychiquement » (pp. 245-246). Et le commerce sexuel entre individus, vu par ce prisme, prend la couleur des pires menaces. Dans le régime du sexe, l’État se fait le gardien de cette intégrité fragile qu’un rien ― comme une « main sur une jambe » (p. 254) ― peut venir dévaster. Et Marcela Iacub ne manque pas d’insister sur les dangers qu’une telle mission protectrice fait peser sur les principes de l’État de droit :
L’enjeu paraît tel que l’État se sent autorisé à être de moins en moins respectueux des règles formelles qui lui imposent de se contenir et de se limiter. (p. 246)
La proportionnalité, par exemple, est mise à mal : l’atteinte à l’intégrité sexuelle se mesurant à son retentissement psychique, une main sur la jambe pourrait être punie aussi sévèrement qu’un viol. Le principe de légalité s’en sort à peine mieux : dans le régime du sexe, tout peut être sexuel ― et on ne peut être sûr à l’avance de ne pas commettre une infraction. La loi étant floue, il peut y avoir des châtiments sans délit clairement délimité : adieu, la sécurité juridique. Le territoire du « Sexe » a des frontières incertaines, et le droit moderne, s’inquiète Iacub, ouvre la porte à l’arbitraire de nos fantasmes ― et à ce que d’aucuns nommeraient un « acharnement herméneutique » sans règles publiques :
Les juges, pour appliquer ces règles mal définies dans des situations concrètes, n’ont eu d’autre recours que de faire appel aux mobiles des accusés, c’est-à-dire au type d’intérêt ou de désir qui pousse un individu à accomplir certains actes au lieu de s’en tenir à la nature des actes proprement dits …. Le sexuel est dorénavant plus dans l’esprit que dans les actes eux-mêmes. Mais on sait que, lorsqu’on s’aventure dans ces opérations incertaines d’attribution à autrui de mobiles sexuels, ce qui prévaut, ce sont les fantasmes de ceux qui jugent et non pas une quelconque réalité qui aurait habité l’esprit des accusés au moment de la commission des faits. Qui avait un mobile pornographique, la photographe qui prit un cliché de son fils dans une baignoire pour le présenter à une exposition ou les juges qui l’ont condamnée … ? (pp. 254-255)
La suite du texte « déplie » les conséquences de ce nouveau régime du sexe, et retrace l’abandon du délit d’outrage public à la pudeur au profit du délit d’exhibition sexuelle ainsi que le remplacement de la figure du « débauché » par celle du « malade » ― qui signe la contamination de la pensée juridique par des catégories médicales. L’exhibitionniste n’est plus vu comme un débauché aux mœurs légères, qui mérite avant tout l’indulgence peinée des tribunaux, mais comme un pervers constitutivement susceptible, sous les assauts de ses dérangements mentaux, de récidives toujours plus graves :
Ces créatures inoffensives qui exhibaient de temps en temps et pendant de brèves secondes leur verge flasque devant quelque bonne sœur dans une église se sont métamorphosés en des êtres inquiétants contre lesquels notre société ressent le besoin impérieux de se protéger. (p. 312)
Les « techniques spatiales … de régulation des comportements sexuels » (p. 303), qui dominaient la raison juridique du Code Napoléon, cèdent ainsi la place à des techniques médicales de contrôle du psychisme. Et les troubles mentaux perdent leur statut de circonstance atténuante ou exculpatrice pour motiver une sévérité accrue : si le délinquant sexuel est un pervers malade plutôt qu’un libertin sans vergogne, alors c’est un criminel dangereux. L’espace public protégé de la débauche par l’article 330 était une réalité physique. À ce théâtre clairement délimité par des murs, des fenêtres et des portes, les réformes pénales récentes substituent une logique psychiatrique qui nous fait retomber dans une démonologie digne de l’Ancien Régime (p. 245). Et l’organisation spatiale de la sexualité occupe désormais une place secondaire, l’exhibitionnisme, qui transgresse la frontière « géographique » entre le public et le privé, signalant des désordres plus intimes et autrement plus alarmants :
Les frontières spatiales qui départagent l’espace public et l’espace privé que les exhibitionnistes transgressent deviennent ainsi autant de filets permettant de séparer non seulement deux régimes de visibilité de la sexualité, mais aussi deux formes de fonctionnement psychique à l’égard de la loi, celui des gens normaux et celui des pervers. Car l’exhibition sexuelle, qui est la plus minime, la plus faible, la plus inoffensive de toutes les infractions sexuelles, fait néanmoins entrer son auteur dans le groupe des maudits. (p. 336)
Ainsi se termine, trop brièvement résumé, le voyage que nous propose Marcela Iacub dans l’histoire de la pudeur publique. Le lecteur referme le livre sur un sentiment partagé.
D’une part, il s’est bien amusé : suivre Beccaria chez les nudistes est une expérience plaisante et pleine de surprises. En outre, le livre amorce de nombreuses pistes de réflexion stimulantes. En passant, l’auteure évoque ainsi l’influence du droit sur l’architecture domestique : « La question du spectacle que pouvait constituer la sexualité mit un terme à l’unité des lieux d’habitation » (pp. 115-116). Suite à l’invention de la publicité intérieure par l’arrêt Ponce, il fallait disposer, pour se livrer chez soi à des activités sexuelles sans s’exposer au code, de chambres à coucher séparées du reste de l’habitation et fermées par une porte. Le foyer moderne que nous connaissons est donc un signe encore vivant des tribulations passées du droit. De plus, le livre de Iacub a le mérite de donner une réalité matérielle à la distinction public-privé, qui sort ainsi de l’opposition conceptuelle pour s’incarner dans la distribution des espaces et des « régimes de visibilité » qui leur sont associés : ma sphère privée, sous le règne du Code Napoléon, c’est le côté domestique du mur de la pudeur. Enfin, Iacub nous donne également des éclairages instructifs sur l’histoire du consentement et du rôle que lui firent jouer les tribunaux : créateur d’infraction pour l’arrêt Ponce, aux yeux duquel la présence d’un témoin non consentant rendait public un lieu privé et pouvait transformer en délit un acte sexuel domestique, il joue le rôle inverse dès les années 1960, puisqu’un spectacle dénudé donné en public devient privé grâce au consentement des spectateurs.
Mais, d’autre part, on reste sur sa faim. Les intuitions « architecturales » ne sont guère exploitées ; la matérialité de la distinction public-privé reste peu élaborée ; et l’histoire du consentement est dispersée çà et là dans le texte sans être frontalement examinée. Vu sous cet angle, le livre manque donc un peu d’armature et prend le visage d’une promenade antiquaire pleine de curiosités mais privée de destination claire. Ceci dit, l’inconfort principal tient à la troisième partie. Si l’on sent bien qu’il s’agit là du « fer de lance » de l’ouvrage, on peine à saisir clairement l’argument de l’auteure. On comprend bien l’enjeu du passage du « régime des mœurs » au « régime du sexe » — mais il faut compléter ce que Iacub en dit dans ces pages par des apports extérieurs glanés dans ses ouvrages précédents. Et surtout, le rapport entre cette évolution et les analyses de l’exhibitionnisme n’est pas du tout limpide. Car il semble que ce dernier, malgré le bouleversement qui est censé avoir eu lieu, n’est pas massivement en porte-à-faux avec le « régime des mœurs ». Iacub l’écrit d’ailleurs noir sur blanc : « Le nouveau délit a conservé non seulement la structure de l’ancienne infraction, mais aussi le contenu de la plupart de ses éléments » (p. 273). Elle pointe certes du doigt une « grande transformation » introduite par la réforme de 1992 : elle tient à la « nature de l’acte obscène », qui consiste désormais à « imposer à autrui le spectacle de sa sexualité » et à « rendre public ce premier acte » (p. 274, p. 276). Malgré les développements consacrés à cette transformation, on ne voit guère au final ce qui a réellement changé. L’auteure invoquerait peut-être ici la fonction du regard du public. Jadis, il « avait pour but de limiter l’expression de la sexualité » ; dorénavant, il est conçu comme « objet sexuel pour l’auteur de l’infraction » :
Car l’acte sexuel que la loi interdit est le fait de se servir du regard du public pour refléter une scène sexuelle imposée à autrui. Ce que l’exhibeur abuse dans la nouvelle infraction, c’est le regard de cet être impersonnel qu’est le public. (p. 273)
De critère de spatialisation, le regard du public serait ainsi devenu objet sexuel. Pourquoi pas. Mais cela ne démontre pas encore une « grande transformation » : l’impression demeure que le nouveau droit se contente de nommer différemment des écarts de conduite très semblables, dans leur réalité matérielle, à ceux que réprimait le régime des mœurs. Et on se demande si, finalement, l’auteure n’accorde pas ici aux habits idéologiques dont se revêt le droit une importance incompatible avec son projet positiviste. À tout le moins, l’argument mériterait d’être plus clairement construit. La question n’est certes pas réglée, et Marcela Iacub saurait sûrement y répondre. Mais le manque de clarté de la dernière partie du livre donne malgré tout l’impression que l’auteure force le trait — pour faire entrer l’histoire de la pudeur, et de son remplacement par le délit d’exhibitionnisme, dans une grille de lecture préconçue auquel son objet se prête moyennement bien. C’est dommage, parce qu’on aimerait la suivre jusqu’à son dernier mot — tant la verve critique qu’elle déploie contre le « Léviathan psychique » est précieuse, et tant son positivisme contrebalance heureusement les inflations idéologiques dont se pare aujourd’hui le droit des « bons pasteurs ».
Marcela Iacub, Par le trou de la serrure. Une histoire de la pudeur publique, XIX-XXIe siècle, Paris, Fayard, 2008.