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Sérendipité.

‘Comprendre le mal extrême.’

Les Origines du totalitarisme (1951) de Hannah Arendt. Extrait du PhiloGuide 2004 de Christian Ruby et Jean-Paul Scalabre (dir.), 2003.

Fondée sur l’exercice d’une terreur politique et sur un processus d’extermination radicale, une nouvelle forme de pouvoir d’État est née au 20e siècle. Afin de parler avec précision de cette nouvelle réalité, il fallait forger un concept encore inédit dans les typologies du pouvoir léguées par Platon et Montesquieu. La philosophe allemande (émigrée aux États-Unis, où elle prendra la nationalité américaine) Hannah Arendt a proposé, en 1951, le concept de totalitarisme.

Certes, de nos jours, ce dernier est assez galvaudé. Mais, dans les textes de Arendt, il réfère avec pertinence à la combinaison d’une domination par la force, de l’institution des camps au cœur du politique, et du renouvellement du mal dans l’histoire. Par là, il indique que ce type de pouvoir diffère des formes traditionnelles de pouvoirs forts : dictature, tyrannie, despotisme. Enfin, il rend compte de la fonction historique d’un pouvoir qui succède, en Allemagne, à l’État-nation, en s’organisant à partir de l’homme de « masse », cet être qui résulte d’une atomisation de la société, se caractérise par son absence de conviction, et se fie à n’importe quelle organisation de masse en lui vouant une loyauté inconditionnelle.

Image1Il faut insister sur ce dernier point, à défaut de commenter l’ensemble du travail de Arendt. C’est parce que la propagande – utilisant les nouveaux moyens de communication de masse – peut exploiter l’isolement et la désolation de « l’homme de masse » que les fictions édifiantes prennent une place décisive dans les mécanismes politiques. Parmi ces fictions, la plus « efficace » fut l’antisémitisme. Cette fiction du juif conspirateur mondial, coupable de la situation de crise, devint rapidement une réalité agissante parce qu’elle favorisait la réunion de ceux qui s’y référaient, et parce qu’elle transformait l’antisémitisme en principe d’auto définition. Elle restaurait, en effet, un sentiment de soi mis en pièce durant le processus de constitution de la société de masse. De surcroît, elle valorisait le chef, seul détenteur du savoir portant sur les responsables du « complot ».

Un mot encore sur les camps. Cette institution centrale du totalitarisme en concrétise l’idéal de domination totale. Il convient toutefois de reconnaître que les camps ne sont pas de simples univers carcéraux. Ce sont de véritables laboratoires d’un projet littéralement inhumain : la réduction des individus à de simples spécimens. La personne juridique y disparaît, la personne morale y est éradiquée, l’identité individuelle y est niée. Comment penser cela sans avoir recours à la catégorie de mal ? Cela dit, devant des crimes perpétués sur des êtres humains non pour des raisons humaines mais pour éradiquer le concept même d’être humain, parler de mal radical est insuffisant. Il faut nommer cette volonté de supprimer la pluralité humaine d’un terme plus précis. Arendt met en avant la notion de « mal extrême » pour différencier ce phénomène spécifique des autres maux politiques possibles.

Christian Ruby et Jean-Paul Scalabre (dir.), PhiloGuide 2004, Paris, Quintette, 2003. 133 pages. 13 euros.

Image2A propos du PhiloGuide 2004, voir également en ligne sur EspacesTemps.net :

Résumé

Fondée sur l’exercice d’une terreur politique et sur un processus d’extermination radicale, une nouvelle forme de pouvoir d’État est née au 20e siècle. Afin de parler avec précision de cette nouvelle réalité, il fallait forger un concept encore inédit dans les typologies du pouvoir léguées par Platon et Montesquieu. La philosophe allemande (émigrée aux États-Unis, ...

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