Publié en 1968, l’ouvrage, atypique, est l’un des premiers romans de Per Olov Enquist, l’un des grands écrivains suédois contemporains (né en 1934). Écrivain européen, sans aucun doute.
C’est sur un désir d’Europe, dans ces années soixante dont le calendrier est rythmé par le Vietnam et la lutte contre le racisme américain dans le Sud des États-Unis, que s’ouvre le récit. En tant que Suédois l’auteur-acteur se voit désigné avec ironie par l’un des manifestants, comme « conscience ambulante du monde ». Sa remise en question, qui ouvre le récit d’une enquête qui va tenir accaparer l’auteur durant des mois. Délaissant les leçons à donner à l’ensemble de la planète, il se rend dans sa Suède natale pour s’intéresser à une histoire minuscule : l’extradition des Baltes, qui a secoué la Suède vingt ans auparavant, au sortir d’une guerre à laquelle elle n’a pas participé, et au moment où elle est considérée comme un abri pour des milliers de réfugiés civils. Ce changement d’échelle —il passe de l’espace mondial à une petite portion de l’espace européen— est l’occasion d’entrer dans une histoire complexe, dans laquelle intervient fortement la relation aux États voisins, une histoire qui laisse des traces ; une histoire européenne.
De quoi s’agit-il ? Peu de choses, prévient d’emblée Enquist au seuil de ces cinq cents pages serrées. Quelques 140 Baltes, lettons en majorité, fuient le conflit mondial à quelques jours, parfois quelques heures de l’armistice ; ils se retrouvent en Suède ; ce sont des militaires, et certains portent l’uniforme de la SS.
Après quelques mois, ils seront renvoyés à l’État russe. De cet État, dont la puissance est considérablement renforcée au sortir de la guerre, on ne sait pas grand-chose d’autre que des récits abominables sur les traitements infligés aux nazis ou à d’autres. La volonté de ne pas considérer la Russie soviétique comme barbare a été jugée plus importante (par le gouvernement comme par la population, aux trois-quarts gagnée à l’extradition, ce qu’Enquist semble parfois oublier) que le sentiment, exprimé notamment par des anticommunistes, d’abandonner cruellement ces hommes à une mort certaine. En quelques mois voire en quelques jours, l’affaire secoue la presse suédoise, et laisse selon Enquist des traces cuisantes dans la mémoire suédoise, et quelque part au fond de la sienne. La Suède a, comme une grande partie de l’Europe (dont les États baltes, indépendants au lendemain de la Première guerre mondiale), un régime fascisant à partir des années 1930 et a entretenu des relations commerciales importantes avec l’Allemagne jusqu’en 1944. Elle doit désormais se repositionner, suggère Enquist, la puissance allemande étant désormais anéantie et entachée par les génocides. L’auteur attaque par ce biais l’image de neutralité bienveillante et de refuge sûr de son pays, sur lequel s’appuient les pacifistes des années 1960.
Dans cet ouvrage complexe, touffu en même temps que parfois elliptique voire énigmatique, deux points retiennent notre attention : en premier lieu, une méthode de recherche de l’« histoire » —une histoire, on le verra, non-historienne, d’un épisode auquel il semble qu’aucun historien se soit intéressé ; en second lieu, un retour sur l’Europe exécuté comme un retour sur soi, comme le pacifisme mondialiste des années soixante examine l’Europe chahutée de la fin du conflit mondial, cet espace chaotique, en pleine recomposition géopolitique et idéologique. Ce chaos est étudié au microscope, évoqué au travers des parcours individuels, et non à travers cartes ou statistiques.
La langue que parle Enquist est celle du citoyen inquiet. À la recherche de réponses, il ne trouve que des questions, ce qui serait plutôt bon signe. Voulant « comprendre » l’affaire, il s’observe lui-même, « le chercheur » dont la présence revient régulièrement dans les pages, envahi, habité par sa recherche. L’évocation est superbe et devrait concerner plus d’un chercheur en sciences sociales… Enquist s’implique au point que, afin de tester la véracité de conclusions médicales lors des grèves de la faim réalisées par les Baltes, ainsi que, peut-on soupçonner avec de fortes raisons, pour la vivre, il jeûne durant plusieurs jours… avant de déduire d’une part que les avis médicaux concluant à l’hospitalisation des Baltes sont exagérés donc politiques, ayant pour objectif de mettre les Baltes « à l’abri » ; d’autre part qu’il lui est décidément impossible y compris dans le jeûne de « ressentir » vraiment cette affaire. À ce moment, il est ou veut être les Baltes. La nécessité du jeune Suédois de purger la culpabilité nationale est incarnée.
Malgré ce que l’on peut entrevoir de ses méthodes de travail (recherches de documents, entretiens avec des témoins), on reste frustré : pathos parfois surexploité, évocation fantasque et souvent très imprécise de ce que sont ses sources, mystère sur ses méthodes exactes d’investigation.
Il ne s’agit évidemment pas d’une démarche scientifique : ce qui l’intéresse, c’est de tester la possibilité de « comprendre » ; sa réponse sera négative. Mais on ne comprend pas, justement, très bien ce qu’il entend par là. S’agit-il de faire une analyse ? Elle est souvent elliptique, ou clairement absente, aux moments du récit où l’on s’attend à une conclusion. S’agit-il d’empathie ?
En construisant un récit méticuleux, par un collage d’apparence aléatoire de centaines d’éléments minutieusement dépeints, il ne nous épargne pas les minutes de l’affaire et de ses ramifications jusqu’aux moments de son enquête en 1966-1967, en une foule de détails qui nuisent parfois au sens. Parallèlement, on manque d’analyses claires avec des objectifs et des outils précis. L’échec de sa recherche est finalement clairement exprimé : « … il devait être possible de décrire exactement le processus : non pas par des métaphores colorées mais par des listes de poids, des statistiques sur les variations du poids du corps, par des faits. Il n’avait jamais pu obtenir tous ces faits, pas en assez grand nombre et même s’il les avait réunis n’aurait-il pas manqué quelque chose ? [nous soulignons] […] il resta là pour essayer de sentir les battements d’ailes de l’histoire ou quelque chose comme ça, mais naturellement il ne sentit rien […] »
Le thème de l’individu, perdu et victime dans cette histoire politique où les enjeux le dépassent largement, est récurrent. Les enjeux se trouvent au niveau des grandes forces qui se mettent en place à l’échelle mondiale pour un affrontement d’une autre nature que celui de la guerre dont on sort à peine, et ces forces écrasent les gens. Au moment le plus fort de ce questionnement, un curieux passage en évoque très bien les faiblesses : c’est cette désopilante lettre adressée à Mao sur une question qui a pu concerner Brecht dès les années 1930 (La décision), celle du sacrifice des masses et de la responsabilité politique imputée de ce fait aux individus.
En effet, qu’est-ce que « comprendre » une affaire politique concernant des hommes ? S’agit-il seulement d’évoquer ses tenants et ses aboutissants, un contexte, européen et mondial, les influences qui ont pu jouer ? N’est-ce pas aussi faire émerger ce qu’ont laissé les événement dans les multiples mémoires individuelles ? C’est cela que l’auteur traite de façon intéressante et plus aboutie, même si sa technique, qui évoque celle d’un peintre impressionniste, capte l’attention sur les détails de telle façon qu’une vue d’ensemble devienne difficile.
Enquist regarde l’Europe, de son regard d’Européen. A travers une approche diachronique, l’Europe est évoquée à partir du poste d’observation constitué par un entre-deux, un lieu de part et d’autre de la Baltique, de part et d’autre du « rideau de fer ». À cet endroit, la Suède ne peut tenir sa posture idéale de neutralité et de refuge. Peut-être cet idéal s’est-il développé face à une réalité duplice ? Depuis la rive suédoise, l’auteur regarde les rivages recouverts à nouveau par le pouvoir russe après une brève indépendance.
Cela permet de comprendre un fait important : c’est le goulag qui concerne aujourd’hui la plupart des histoires familiales. Ainsi que le dit clairement Günter Verheugen en parlant des pays entrants dans l’Union européenne, « leur traumatisme, c’est le stalinisme et non la Shoah. Il faut que l’Ouest en prenne enfin conscience. » À Vilnius, les meurtres de peut-être 70 000 personnes en quelques semaines de l’année 1941, en plein cœur de la ville, ne rassemblent pas l’unanimité des mémoires, ni les massacres de peut-être cent mille personnes à Paneriai, pour ne citer que quelques faits de cette histoire qui ne se termine pas en 1944, puisque « Fort 9 », à Kaunas, rassemblait les Juifs lituaniens déportés par les Soviétiques à partir de 1945. Le « Musée des victimes du génocide » mène aux anciennes caves du Kgb, où étaient torturés les Lituaniens résistants : ici, le génocide, c’est celui des Lituaniens. À quelques pas de là, logé dans une bicoque perchée à l’écart du centre, le « Musée de l’Holocauste » ou « la maison verte », attend de l’État un local plus grand.
Même si une mémoire domine l’autre, la surabondance en quelques décennies de ces meurtres collectifs idéologiques (occupation soviétique en 1940 dans le cadre du Pacte germano-soviétique, occupation allemande entre 1941 et 1944, qui « purge » encore autrement les mêmes populations ; occupation soviétique en 1944, les troupes restent sur place jusqu’en 1991) constitue le pire moment pour ces États de l’Est européen pris entre l’impérialisme allemand et le russe.
Entre juin 1945 et janvier 1946, date à laquelle les Baltes sont extradés en Urss, la situation de la Suède, prise dans ce débat qui devient brièvement et violemment public, permet d’entrevoir le chaos des années d’après-guerre, lorsque dès l’été 1945 les oppositions entre les deux Alliés contre les Allemands sont irréductibles. Pourtant, les États-Unis sont absents du portrait de cette Europe déchirée.
Les mouvements de populations (des familles restent dans des camps de réfugiés jusqu’en 1950), les nombreuses décisions judiciaires à prendre sur le sort de ceux, innombrables, qui ont pris part aux crimes de guerres, donnent une idée de ce monde dans lequel tout est à redéfinir et où il semble que rien ne soit évident.
Et puis il y a cette faille, ce rift européen sur lequel se trouvent à la fois les Suédois —côté occidental, mais face à la Russie soviétique et devant désormais composer avec elle— et les Baltes —pris dans la nasse de l’impérialisme russe, l’URSS sortie de son isolement et victorieuse en cette fin de conflit. Cette ligne brûlante est mue par des mécanismes profonds, dans un espace fragile. Son pendant chronologique en serait parfaitement relaté par une expérience qui fonde le rapport au monde d’Imre Kertész : « des soldats libérateurs avaient pris la place des soldats geôliers, mais c’était quand même une vie de camp car je vivais encore dans un camp. Juste le lendemain de ce changement de situation […] je me traînais hors de la Saal, […] et quand j’ouvris la porte […] j’eus l’impression d’être cloué au sol, car un soldat allemand se tenait près des lavabos, et quand j’étais entré il avait lentement tourné la tête vers moi [souligné par Kertész] ; et avant même que de peur, j’aie pu m’effondrer, faire dans mon pantalon, m’évanouir, ou qui sait quoi, je discernais à travers le brouillard de ma terreur un geste, un geste de la main du soldat allemand qui m’invitait à approcher, et je vis un torchon dans cette main, puis un sourire, le sourire du soldat allemand, c’est-à-dire que je compris petit à petit que le soldat allemand ne faisait que récurer le lavabo et que son sourire n’exprimait que la serviabilité envers moi, qu’il récurait le lavabo pour moi [souligné par Kertész], c’est-à-dire que [nous soulignons :] l’ordre du monde avait changé, mais il n’avait changé que dans la mesure où, et en ce sens le changement n’était pas tout à fait négligeable, la veille c’était encore moi le prisonnier, tandis que là, c’était lui, et cela dissipa ma terreur de façon qu’avec le temps, cette sensation brutale s’émoussa pour devenir une méfiance durable et indestructible, on peut dire qu’elle mûrit en moi au point de devenir une vision du monde […]. » (Imre Kertész, [1990] 2003, p. 71-72)
On peut poser l’hypothèse qu’une partie orientale de l’Europe a vécu sur cette faille, pendant qu’en Europe occidentale on posait, même lentement, une pierre sur une autre pour opérer une « construction européenne » que l’on décrit maintenant à grand coup de ces chronologies qui donnent une illusion d’inéluctabilité. Rien à voir avec le vécu politique de « l’Est », qui se caractérise plutôt par le sentiment d’une fragilité extrême, notamment des individus par rapport à l’État, à la sphère du politique. Ainsi que le dit Milosz dans La pensée captive, ouvrage publié en 1952 après son passage à l’Ouest, l’incompréhension entre l’Est et l’Ouest est le résultat de l’expérience par l’Est, qu’un renversement total de cet « ordre “naturel” » du monde est toujours possible (Milosz, p. 55-56). Le dernier renversement n’est-il pas celui qui a eu lieu en… 1991 ?
Victimes et acteurs de cet événement interminable que représente le régime communiste, qui pourrait être qualifié de « catastrophe anthropologique » dispensée sur plusieurs décennies et moins visible que les génocides de la deuxième guerre mondiale, les ressortissants des pays de l’Est fondent nécessairement leur construction du politique sur une culture récente profondément différente, et cette différence radicale trace une frontière certaine (si elle n’est pas nécessairement durable) au cœur de l’Europe. Cette rupture explique peut-être les différences de perceptions de l’actuelle construction européenne : on ne saurait nier l’unité européenne, mais les nations européennes émergentes l’enrichissent de perceptions différentes, pensées comme subversives. Ce décalage peut déboucher sur les malaises actuels que l’on trouve, par exemple, entre les habitants de l’ancienne Rda et ceux de la toujours existante Rfa, au sein de ce qui forme aujourd’hui un même État. Sur ce point, la réunification pourrait constituer un laboratoire de l’Union européenne.
De la lenteur inhérente à cette catastrophe, le romancier polonais Andrej Szczypiorsky nous donne une idée en évoquant un personnage russe, qui fut soldat soviétique puis dans la police politique stalinienne en Pologne (cet autre pays sur le rift, pris entre impérialisme allemand et russe) et compare les deux formes de tyrannie qu’impliquent ces deux totalitarismes. Ce bourreau expérimenté est en train de torturer un résistant Polonais avec une grande économie de moyens, en l’obligeant simplement à rester debout sur un pied, durant des jours, jusqu’à ce qu’il parle.
« — Moi ma main ne touche personne — avait-il l’habitude de dire pendant ses heures de travail, la justice du peuple n’a pas besoin de ces méthodes-là. Nous allons juste jouer au coq une journée, ou deux, ou trois, et s’il le faut, dix ans durant, et un jour nous finirons bien par tout savoir.
Il avait raison. Il était tenace, se maîtrisait en toutes circonstances, et parvenait presque toujours à ses fins. Les interrogés se rendaient compte que Semiashkine avait le temps. Beaucoup de temps, un temps infini. Ils étaient raisonnables. Ils saisissaient bien la différence entre Semiashkine et n’importe quel Allemand dans les caves de la Gestapo. Pour l’Allemand le temps était limité. Tout le monde le savait, et l’Allemand lui-même mieux que quiconque. La guerre durait, mais son issue ne laissait aucun doute. Il suffisait de tenir. Une semaine, un mois, peut-être même un an. Un jour, la fin inévitable et pour tous évidente allait arriver. Cette conviction aidait à supporter, et à tenir. Même si un homme succombait sous le poids de la souffrance et partait, il savait que son sacrifice ne serait pas inutile.
Mais sous la lampe à pétrole de Semiashkine c’était différent. Les gens pouvaient croire que cette lampe ne s’éteindrait jamais, qu’il leur fallait désormais se mesurer à l’éternité, que le monde, pour toujours, resterait comme il était. Or, chaque homme n’a qu’une seule vie, et cette vie est brève.
Semiashkine comprenait tout cela et il agissait, calme et réfléchi, un peu paresseux même : il était le maître du temps. » (Andrej Szczipiorski, 2001, p. 119)
La destinée des 146 extradés évoque en effet la mort lente de leur existence, et non pas une exécution féroce dès leur arrivée sur le sol soviétique, ainsi que les anticommunistes se l’imaginaient. Le mur insondable que paraît être, déjà, le rideau de fer, derrière lequel on ne sait plus rien de ce qui se passe ; les mythes terrifiants élaborés en l’absence d’information, font place après l’enquête d’Enquist en 1967 à bien des déceptions. Contre toute attente, il ne découvre aucun massacre, pas d’exécutions en série, peu de condamnations ; après quelques mois, la plupart sont relâchés… Puis certains sont à nouveau accusés, passent de longues années au goulag… D’autres ne pourront jamais exercer leur métier. Le châtiment semble être pris sur toute la durée de leur existence, lentement et sûrement, barrant celle-ci plus sûrement que si l’État en avait fait des martyrs.
L’ouvrage donne enfin un point de vue sur « les Baltes », cet ensemble cohérent parce que les trois États ont subi la domination soviétique et lui ont aussi parfois résisté (en 1991, l’« Entente balte » de 1934 qui avait pris en 1938 l’orientation de la neutralité est remise en vigueur), mais également contestable : « Tout le monde considérait les Baltes comme une unité. Il y avait pourtant trois nationalités. Les Lettons et les Lituaniens ne comprenaient pas l’estonien. Les Lettons ne comprenaient pas le lituanien. Ils ne se comprenaient pas, ils parlaient allemand entre eux. » Aujourd’hui, les ressortissants des États baltes parlent le russe entre eux… ou l’anglais.
À l’intérieur de ce groupe des « Baltes », leurs nationalités, leurs langues, leurs parcours et leurs âges mêlent des adolescents de 16 ans engagés de force dans l’ultime lutte de l’Allemagne nazie, avec quelques Lettons ayant participé avec zèle aux massacres aux côtés des armées allemandes. Retenons la mention de ce petit groupe de « démocrates » faisant la demande à un gouvernement suédois réticent d’une « éducation démocratique », comme pour exister dans ce nouveau monde qui émerge du champ de bataille.
La diaspora balte est importante, nourrie par les camps maintenus dès le début de la guerre en Allemagne, et qui font que beaucoup de familles se trouvent aux États-Unis, en France, en Allemagne… Enquist observe l’incompréhension entre ceux des Baltes qui ont supporté in situ la domination soviétique, mais dont le destin est lié aux Russes dans la reconstruction, et les Baltes de la diaspora, absents de cet effort commun même s’il est forcé, nourris de mythes sur le pays d’origine.
Après un autre retournement, en 1990 (pour la Lituanie, qui subit après sa déclaration d’indépendance un blocus de quelques semaines de la part de Moscou) et en 1991 (pour la Lettonie et l’Estonie, dont l’indépendance suit immédiatement le coup d’État de Moscou du 19 août 1991), quelques enfants de cette diaspora sont venus habiter pour la première fois de leur vie dans ce pays et le reconstruire. Avec une opiniâtreté étonnante, ils ont recommencé à reconstruire le pays, faisant montre d’une énergie fondée sur une identité nationale multiple, qui n’entre pas en contradiction avec une profonde conviction européenne. L’Europe est pensée comme la seule véritable alternative à une position fragile. À l’inverse, il reste également de fortes résistances à l’Europe, dans des courants d’opinion qui assimilent Union des Républiques Soviétiques Socialistes et Union européenne, pour en craindre un nouvel impérialisme, l’indépendance à peine retrouvée…
Quelle que soit la réponse — Europe ou pas Europe ? — à ces impérialismes qui prennent l’histoire des Baltes en tenaille, on peut, à la lecture de l’ouvrage d’Enquist, comprendre la toile de fond sur laquelle se développent aujourd’hui ces opinions.
Per Olov Enquist, L’extradition des Baltes [Legionärerna, 1968], 2000, Paris, Actes Sud, Collection Babel. Traduction du Suédois par Marc de Gouvenain et Lena Grumbach.
Photograhie ©Emmanuelle Tricoire.
« Ei », non ! (à l’Union Européenne). Affiche pour le référendum du 14 septembre 2003– en Estonie, il y a eu plus d’un tiers de « Ei » à l’Union Européenne… Décembre 2003, Tallinn.