Nous avons le plaisir de vous inviter aux Printanières d’EspacesTemps.net défont le Covid-19, Ville et société « sans contact » qui aura lieu le mercredi 10 juin à 13h30 via un webinaire Zoom.
13h30 – 15h
Épistémologie en temps de crise par Igor Moullier
Comment faire entrer la science dans un monde (médiatisé) sans épistémologie solide ?
Nous avons constaté que la période actuelle voit se développer dans tous les médias des analyses qui semblent perdre de vue les règles les plus élémentaires du raisonnement scientifique, alors que celles-ci nous semblaient un peu mieux respectées avant cette crise. On a passé beaucoup de temps à fabriquer des records (le pays le plus touché, la ville la plus touchée, la pire journée, etc ), sans aucune relativisation des chiffres d’une manière ou d’une autre (par rapport à la population générale des ensembles considérés — USA vs Luxembourg… —, à la tendance annuelle, ou des comparaisons étranges entre événement catastrophe inédit et régime normal intégrant les aspects négatifs du réel).
Mais plus profondément encore, la polémique autour des interventions perturbatrices du professeur Didier Raoult a révélé une grande difficulté, au moins dans les médias ou les débats politiques, à saisir la complexité des épistémologies des acteurs en présence, voire en concurrence, entre celle de la science et celle du soin par exemple : soigner n’est pas tester l’efficacité de médicaments, c’est en prescrire, selon de critère et des logiques qui défient la logique de la preuve scientifique, mais qui peuvent poursuivre et atteindre d’autres buts (y compris celui de la gloire individuelle, mais avec un risque individuel aussi…)
Ce début de discussion nous fait donc penser que les conditions épistémologiques en tant de crise sont modifiées, notamment à cause de la discordance des temporalités qui pose la question des conditions de possibilité de l’intervention scientifique dans le contexte de l’action politique.
15h15 – 16h45
Science en temps de crise par Luc Gwiazdzinski
Quelle(S) recherche (S) en temps de crise ?
Si la crise sanitaire replace nos disciplines au centre du jeu, elle les a d’abord bousculées transformant les moyens même d’exercice de la recherche, les échelles, les objets, les sources et les questionnements. Le confinement des chercheurs dans l’espace et dans le temps a créé un autre contexte entraînant une « prise de recul », une « simulation », une saturation cognitive ou un abattement. « L’urgence » de la situation et la rhétorique guerrière n’ont pas été favorables aux sciences humaines et sociales reléguées aux dernières lignes des appels scientifiques. Le contraste avec une mise en scène médiatique et politique à grand renfort de cartes et d’histogrammes discutables était saisissant. Le « terrain » et l’immersion – à la mode ces dernières années – ont naturellement été « mis à distance ». Les prochains mois nous diront sans doute la richesse des transgressions. Face à ce nouveau contexte nos disciplines se sont adaptées (méthodologies, objets, échelles…). On a vu se multiplier l’exploitation de big data et la représentation sous une forme dynamique. Les enquêtes en ligne ont envahi la toile pour tenter de saisir les comportements des confinés. À la manière de Georges Perec dans « un homme qui dort » – et accompagnant le déferlement des égotiques « carnets de confinement » – on a assisté au retour d’une « micro-géographie » et du « quotidien ». Des échanges avec d’autres disciplines sont devenus possibles. Dans l’optique du « monde d’après », des thématiques émergent, nouvelles ou réactivées entre l’urgence de l’action et le besoin d’un long terme réhabilité où la prospective aurait sa place. Les rapports entre la nature et l’humain sont questionnés. Face aux mesures de « distanciation physique », les notions d’interactions et de « proxémie » sont devenues centrales. Le dé-confinement relance l’intérêt pour une approche spatio-temporelle et rythmique de la ville et pour « les » résiliences (…). Malgré toutes les limites, comment ne pas s’embarquer dans « l’aventure » ? Quel est l’intérêt de nos disciplines si elles ne savent pas saisir le réel au moment où l’on s’y cogne ? Comment documenter le fluant et l’éphémère ? Quelle est notre place en temps de crise et d’incertitude ? Comment finalement « habiter le trouble » en chercheur ?
17h – 18h30
Technologie sociale en temps de crise par Michel Carrard
La ville « sans contact » ?
Le terme de « technologie sociale », incluant les techniques dans leurs logiques sociales, permet d’embrasser toute une série de phénomènes qui, lors de la crise du Covid, ont occupé le devant de la scène et subit une promotion ou bénéficié d’un coup d’accélérateur, alors qu’elles semblaient auparavant plutôt contraires à l’évolution « naturelle » du social.
L’expression de « ville sans contact » a été prononcée. Le débat sur les caméras de surveillance — euphémisme en « vidéoprotection » — a été complètement débordé par l’utilisation de caméras sur drones (volants, mais pas que, semble-t-il). Tout un ensemble de technologies qui semblaient nées dans l’esprit fécond des ingénieurs — pour qui, souvent, tout ce qui est possible est souhaitable — mais qui ne semblaient pas cadrer avec les caractéristiques de la vie urbaine des sociétés démocratiques, se sont vues promues comme des solutions à un problème qui ne semblait pas complètement identifié dans se ressorts sociaux. Les applications de traçage occupent une grande place dans ce débat, mais la problématique est plus vaste, elle renvoie à un mouvement d’hybridation entre les techniques numériques et les techniques « sociales » — dont la ville en tant que telle — entamé il y a quelque temps déjà, et dont le Covid révèle les grandes lignes de partage.
Inscriptions
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