Un tournant esthétique dans le regard sur la ville.
Plutôt que d’aborder frontalement la question du rythme, l’idée centrale développée dans cet article s’articulera autour de l’hypothèse selon laquelle l’approche de la ville, qu’il s’agisse de ses approches théoriques ou de ses politiques d’aménagement, connaît actuellement un « tournant esthétique ». Le mot « esthétique » devant être pris ici non pas comme un synonyme d’artistique ou de culturel, mais dans son sens premier, celui qui renvoie à la sensibilité. À considérer les politiques urbanistiques, l’enjeu « esthétique » n’y serait donc plus seulement celui de l’embellissement, de la patrimonialisation… ni non plus celui de la ville créative et de la ville culturelle : il devient celui des « ambiances », celui des « expériences » urbaines. Fait significatif, le marketing urbain, depuis quelques années, en fait un de ses domaines d’investissement majeurs, mettant par exemple au point des batteries d’indicateurs pour mesurer, évaluer les ambiances urbaines. Des entreprises, des urbanistes, des architectes se spécialisent dans le domaine, travaillant sur les objets et les aménagements susceptibles de favoriser une intensification de ce rapport esthétique à la ville : on joue sur les éclairages, sur le mobilier urbain, sur les ambiances sonores, sur le formatage des manifestations et des fêtes, on attire des événements susceptibles d’apporter ces ambiances, d’animer la ville, de susciter des moments d’effervescence (sans dérapage toutefois), on multiplie les occasions festives, comme la fête des voisins, mais aussi les brocantes, les braderies… Ce qui demeure très largement l’horizon de cette évolution, c’est bien sûr la place prise par l’imaginaire de l’attractivité dans les politiques de la ville – mais, nous le verrons, pas seulement.
Ce tournant se marque donc également au niveau des approches théoriques de la ville. Que les usagers de la ville aient avec elle un rapport esthétique n’est évidemment pas nouveau. Déjà Simmel s’y était intéressé, suivi par les théoriciens de l’école de Chicago. Ce qui est nouveau, c’est l’intérêt théorique pour cette dimension subjective du rapport à l’environnement urbain, celle qui place en son centre la part sensible du vivre la ville. Le rapport à la ville en vient à être saisi à la fois dans ses dimensions fonctionnelles, dans ses dimensions sociales, mais aussi dans ses dimensions sensibles (Pattaroni 2016).
Lire la ville au travers de ses rythmes.
C’est à mon sens dans le cadre de ce « tournant esthétique » qu’il faut comprendre l’actuel montée en intérêt du concept de rythme.
La question qui se pose alors est celle de saisir ce que ce concept peut nous faire voir, nous faire percevoir, nous faire comprendre de la ville, que d’autres concepts n’éclaireraient pas ou moins bien. L’apport théorique porté par le concept de rythme se situe dans la construction d’un type de regard nouveau, ou renouvelé, sur la ville. Un tournant épistémologique qui se construit donc comme tournant esthétique. Un regard, une approche modo aesthetico, qui place en son centre un intérêt pour la dimension sensible de la subjectivité, sans que celle-ci ne soit l’objet d’un regard objectivant ou déconstructif, un regard cherchant à restituer la spécificité de ce rapport sensible, ainsi que des méthodes et une écriture sociologiques à la hauteur de cette sensibilité.
Tentons maintenant d’aller plus loin dans la clarification de ce tournant esthétique, de la place qu’y occupe le concept de rythme et des orientations qu’il porte.
Ce tournant esthétique ouvre à cinq basculements essentiels.
1) Pensés comme rythmes, le social, la communauté, le « vivre-ensemble » comme on dit maintenant, sont envisagés non plus seulement comme une communauté d’adhésion à des valeurs, à des normes, à des institutions, à des appartenances, à des procédures garantissant leur validité… mais aussi et surtout comme une « communauté esthétique », comme un sentir ensemble, un « sens commun » – en identifiant dans cette expression le mot « sens » à la sensibilité, à l’affect, à des vécus pré-réflexifs ou à bas niveau de réflexivité. Sans en nier pour autant la pertinence, mais en en contestant plutôt le monopole, il s’agit de se mettre principalement à distance de deux modèles dominants de consistance des communautés. D’un côté, les modèles libéraux contractualistes, ou encore les modèles habermassiens, qui envisagent la constitution des communautés à partir de l’engagement volontaire, de l’accord, du consensus ou du compromis (Parret 1999), voire encore du différend – ou même, à l’exemple des relations entre homo economicus et marché, de la régulation. De l’autre, les modèles qui envisagent la communauté à partir de valeurs, de modes de vie, d’habitus intériorisés qui, à distance des premiers, s’appuient sur une anthropologie inversée, centrée sur une conception à dominante hétéronome des acteurs. Du point de vue des « communautés esthétiques », ce qui intéresse, c’est la manifestation de l’être ensemble dans l’immanence de la co-présence corporelle, dans un inter-corps, un vibrer ensemble (Parret 1999) (Genard 2017).
2) Dans le cadre de ce tournant esthétique, l’acteur est envisagé d’abord comme un acteur sensible, dont les engagements sont guidés par des émotions, des affects, des sentiments, sans que ceux-ci ne soient envisagés pour autant comme irrationnels. Les émotions, les passions, les affects… possèdent en effet une dimension cognitive : les engagements sensibles ne s’opèrent donc pas « sans raison », mais sans que cela n’exclue nécessairement l’existence d’entités surplombantes qui les expliqueraient. Le sujet est un sujet pathique, sensible… envisagé à distance du modèle dominant de l’individu rationnel, responsable, autonome, volontaire, éventuellement stratégique, sans pour autant apparaître comme déterminé par les structures, par le système, par sa position sociale… Un sujet pensé donc à côté ou entre individualisme et holisme. Et, dans une version alors emphatique, un sujet ne se révélant pleinement sujet que dans ses moments de créativité, de débordement, d’échappement, de rupture, d’abandon, de perte de soi…
3) Pour ses défenseurs, la référence à un concept de rythme analytique et critique constitue un atout pour construire une épistémologie anti-substantialiste, envisageant la réalité non pas comme chose mais comme processus, ou mieux : comme flux, comme devenir, construisant du même coup une approche où le temps, et non plus l’espace par exemple, occupera une position charnière. Pour utiliser des formulations de Pascal Michon, l’usage du concept de rythme le situe toujours entre « l’ordre du mouvement » et « l’organisation du mouvant », Michon en appelant bien sûr à privilégier le deuxième terme, et regrettant, dans la foulée des travaux de Meschonnic, la domination de la métrique, de la régularité et de l’identité dans la culture occidentale : « l’attrait du concept de rhuthmos relève, je pense, de sa capacité à dissoudre le substantialisme et le dualisme qui ne cessent d’entraver la démarche scientifique, sans sacrifier aux excès des doctrines de la différence et de la dispersion, ni endosser non plus le formalisme caché des approches herméneutiques et néo-dialectiques » (Michon 2013, p. 3).
4) Le concept de rythme offre par ailleurs un ensemble d’entrées critiques qui tendront à opposer bons et mauvais rythmes, à voir certains rythmes comme oppressifs, à penser l’idéal social en termes d’eurythmie… Dans la rythmanalyse de Lefebvre par exemple, le rythme trouve très naturellement sa place dans sa critique du capitalisme. Les rythmes imposés par le capitalisme, par exemple dans l’organisation du travail ou dans la gestion du temps, sont le fait d’un dressage (Lefebvre 1992, p. 56). Ils sont oppressifs. Et, pour Lefebvre, il s’agit de retrouver, de promouvoir, de lutter pour un « bon » rythme, en harmonie avec le corps, comme avec les exigences des relations aux autres. Il s’agit de retrouver une « eurythmie », la rythmanalyse se faisant alors « thérapeutique » (Lefebvre 1992, p. 92-93).
5) Enfin, méthodologiquement ou épistémologiquement, appel est fait à des approches subjectivantes, que Pascal Michon, à la suite de Henri Meschonnic, nommera « poétiques » (Michon 2013) (Meschonnic 2009), mais dont on peut trouver des balises dans les travaux tardifs de Lefebvre sur la rythmanalyse (Lefebvre 1992).
Au cœur du « tournant esthétique », les deux accentuations du concept de rythme.
À considérer son usage ordinaire, mais aussi ses usages théoriques, le concept de rythme renvoie à deux accentuations complémentaires. La première vise la scansion, la périodicité, comme lorsque l’on dit d’un quartier qu’il vit au rythme de ses marchés. Le rythme vise alors des régularités, des ordres. La seconde vise plutôt un registre d’intensification-désintensification, comme lorsqu’on parle d’un rythme effréné, d’une perte de rythme, d’un rythme soutenu. L’horizon n’est plus là celui d’un ordre, mais celui d’une intensité. D’un côté la répétition, de l’autre la différence, pour évoquer le titre d’un ouvrage de Gilles Deleuze fréquemment cité dans les travaux récents et actuels autour du rythme (Deleuze 2011).
Cette tension explique sans doute que les usages du concept de rythme dans les sciences humaines le situent d’une certaine façon sur un continuum dont les extrêmes seraient, d’un côté l’ordre, la répétition, la scansion… indépendamment de toute intensification, ce qu’illustrerait par exemple le calendrier ; et, de l’autre, l’intensification, l’irruption, l’excitation, le débordement… dans le désordre. Pour reprendre une terminologie également très présente dans la littérature sur le rythme, nous pourrions rappeler la tension qu’évoque Georges Bataille entre continu et discontinu, le continu bataillien renvoyant bien sûr au désordre et le discontinu à l’ordre (Bataille 1957). Souvent d’ailleurs, les théorisations centrées sur le rythme s’emploient à articuler ces deux extrêmes, généralement en tirant d’un côté ou de l’autre. Cet entre-deux du concept de rythme appelle, d’un côté, à des conceptualisations mettant au jour l’objectivité d’ordres temporels surplombants au sein desquels émergent des moments, des discontinuités… et, de l’autre, à des conceptualisations décrivant les subjectivités de flux continus connaissant des intensifications variées, ondulatoires… Ces flux pouvant être individuels : ces moments d’intensification où l’individu devient sujet marqué par ses affects, ses émotions, ses passions… ou collectifs : ces moments ou le social devient « effervescent ».
Cette tension inhérente au concept de rythme a été remarquablement analysée par Émile Benveniste, dans un texte où il évoque l’étymologie du mot rythme à partir du grec ancien rhuthmos. Déjà alors se dégagent deux accentuations. La première, présocratique, vise à désigner des « manières de fluer », une fluidité, une forme de « fluance », sans qu’aucun ordre ne soit présupposé (Benveniste 1966, p. 333). L’horizon y est celui d’un flux continu, mais marqué par ses intensités variables, ses secousses inattendues… La seconde est platonicienne. Là, le sens qui prévaut est celui de l’ordre, de la métrique.
De ces deux conceptions, on aura compris que, bien évidemment, c’est la deuxième qui fait du concept de rythme un excellent candidat à occuper une position centrale dans le cadre de ce que j’ai évoqué en parlant de « tournant esthétique ».
Des alliés pour une conception désubstantialisée des entités sociales.
Les théoriciens du rythme vont trouver des alliés chez les sociologues qui se refusent à analyser le social au travers de ses structures stabilisées. Ce refus prendra deux orientations, qui, chez certains auteurs, se conjuguent :
– D’une part, privilégier des approches du social au travers de ses modalisations intensives, de sa « part maudite » (Bataille 1967), de ses soubresauts, de ses dérégulations, de ses écarts, de ses crises, de ses irruptions, de ses débordements, de ses effervescences…
– D’autre part, guetter, sous ses modalisations stabilisées et ordonnées, des réalités microscopiques, infinitésimales, qui se caractérisent par leur instabilité. Des réalités qui seront perçues comme vibratoires, chaotiques, floues, ondulatoires, indéterminées…
Cela conduira les penseurs du rythme soit à privilégier certains auteurs parfois délaissés, soit, pour d’autres auteurs, à en relire, à en réinterpréter les travaux. Les passages qui suivent ne prétendent bien évidemment pas à l’exhaustivité. Ils ont une simple vertu exemplative. Je commencerai par quelques références puisées dans la tradition des pères fondateurs de la discipline, pour faire ensuite un saut temporel vers des théoriciens contemporains, sans oublier quelques incursions chez des philosophes souvent invoqués.
Outre les travaux de Durkheim et de ses collègues sur l’effervescence sociale, ce sont, parmi les pères fondateurs, Gabriel Tarde et Georg Simmel qui sont le plus souvent évoqués : des auteurs qui, avec la modernité, voient l’émergence de « relations plus fluides et en partie dérythmées qui expliquent pourquoi les individus peuvent ressentir à la fois une plus grande liberté de mouvement et une pression plus forte… » (Michon 2012, p. 5). Ainsi, Tarde voit-il en Leibniz le père de la critique de l’ontologie classique, celle qui présuppose la stabilité et la consistance des êtres. Pour lui, le social, sous ses apparences de stabilisations institutionnelles, c’est avant tout des ondulations, des vibrations qui se propagent, qui éventuellement se cristallisent, mais qui, cristallisées, peuvent tout autant se défaire : « Ce seraient donc les vrais agents, ces petits êtres dont nous disons qu’ils sont infinitésimaux, ce seraient les vraies actions, ces petites variations dont nous disons qu’elles sont infinitésimales » (Tarde 1893, p. 37).
Un des pères fondateurs mobilisés chez les théoriciens du rythme est aussi Émile Durkheim, mais là au prix d’une insistance sur certains travaux, et certaines filiations. En l’occurrence, le Durkheim envisageable comme théoricien du rythme est celui des Formes élémentaires de la vie religieuse et de l’intérêt qu’il y porte aux scènes d’effervescence sociale, où la consistance du social est bien moins liée à ses stabilisations institutionnelles qu’à ces moments d’intensification affectuelle, où le social se constitue – et se reconstitue – en communauté esthétique, en expérience émotionnelle forte, partagée. À lui seul, l’ouvrage de Durkheim offre d’ailleurs une très belle illustration de cette tension inhérente au concept de rythme, entre répétition et différence – comme l’illustrent les deux extraits suivants : dans le premier, Durkheim, se référant aux travaux de Hubert et Mauss, insiste sur la régularité et, dans le second, il évoque l’effectuation esthétique de la communauté au travers de gestes et de sentiment intenses partagés, qui, à partir d’un désordre initial, se synchronisant, retrouvent une régularité. D’un côté, une rythmique faite de scansion, de régularités indispensables à la stabilisation sociale : « les divisions en jours, semaines, mois, années, etc., correspondent à la périodicité des rites, des fêtes, des cérémonies publiques. Un calendrier exprime le rythme de l’activité collective en même temps qu’il a pour fonction d’en assurer la régularité » (Durkheim 1968, p. 21). Mais à cet ordonnancement rythmique, objectivé dans des successions temporelles établies, récurrentes, se superposent, en s’y ajustant, des intensifications subjectives dans lesquelles le rythme n’est plus dans l’extériorité statique des dates et des moments mais dans l’intensification dynamique des expériences subjectives :
« Une fois les individus assemblés il se dégage de leur rapprochement une sorte d’électricité qui les transporte vite à un degré extraordinaire d’exaltation. Chaque sentiment exprimé vient retentir, sans résistance, dans toutes ces consciences largement ouvertes aux impressions extérieures : chacune d’elles fait écho aux autres et réciproquement. L’impulsion initiale va ainsi s’amplifiant à mesure qu’elle se répercute…. Sans doute, parce qu’un sentiment collectif ne peut s’exprimer collectivement qu’à condition d’observer un certain ordre qui permette le concert et les mouvements d’ensemble, ces gestes et ces cris tendent d’eux-mêmes à se rythmer et à se régulariser ; de là, les chants et les danses » (Durkheim 1968, p. 308-309).
Comme l’écrivent Hubert et Mauss, c’est dans le rythme que se vit la communauté :
« Ce mouvement rythmique, uniforme et continu, est l’expression immédiate d’un état mental où la conscience de chacun est accaparée par un seul sentiment, une seule idée, hallucinante, celle du but commun… Confondus dans le transport de leur danse, dans la fièvre de leur agitation, ils ne forment plus qu’un seul corps et qu’une seule âme. C’est alors seulement que le corps social est véritablement réalisé. » (Hubert et Mauss 1903, p. 84).
Ces travaux seront repris et développés par le Collège de sociologie et, notamment, par Georges Bataille, qui fera de l’opposition, de la tension entre continu et discontinu le cœur de sa sociologie. Le continu renvoyant au sacré et à l’effervescence durkheimienne, au rapport à la sexualité et à la mort aussi ; le discontinu à l’individuation, à l’organisation, à la normativité, à l’interdit.
Parmi les sociologues plus contemporains, ce seront bien sûr des théoriciens de la postmodernité, qui auront lu cette transition sociale en y repérant le passage du solide au liquide (Bauman, 2006), de logiques des lieux aux logiques des flux (Castells 2001), qui y auront vu la mobilité, ou l’instantanéité, comme un fait social majeur et un analyseur prioritaire de cette postmodernité (Urry 2005).
Toutefois, cette conscience que le concept de rythme constitue un bon candidat pour penser le changement, la transition, la fluance ne porte pas seulement sur le social. On le retrouve par exemple aussi mobilisé pour saisir les évolutions récentes du domaine artistique. À propos de l’art contemporain, Herman Parret écrit ceci :
« Si l’on combine entropie et pulsation, temps et rythme, on se rend compte que le Grand Art, celui du modernisme, a toujours épuré cette violence de l’informe en fonction d’un idéal : celui de la permanence de la configuration et de la stabilité de la forme. Opposée à cette forme configurative est l’informe ou plutôt la forme-rythme combinant les deux opérations de battement/pulsation et de l’entropie » (Parret 2006, p. 206).
Comme je l’ai souligné, cette propension à saisir la réalité comme flux va de pair avec la critique du substantialisme. Dans cette optique, et cette fois du côté de la philosophie, ce seront des auteurs comme Bergson, Bachelard, Whitehead, Atlan, Deleuze ou, encore une fois, Tarde qui seront mobilisés. Tous, dans des versions bien sûr différentes, s’engagent dans des déconstructions des formes et structures stables pour saisir des « en-deçà », mettant au jour des entités processuelles, flottantes, vibratoires parfois… à l’image de cette citation de Gaston Bachelard :
« Les figures les plus stables doivent leur stabilité à un désaccord rythmique. Elles sont les figures statistiques d’un désordre temporel ; rien de plus. Nos maisons sont construites avec une anarchie de vibrations. Les Pyramides, dont la fonction est de contempler les siècles monotones, sont des cacophonies interminables. Un enchanteur, chef d’orchestre de la matière, qui mettrait d’accord les rythmes matériels, volatiliserait toutes ces pierres » (Bachelard 1963, p. 131).
Sans s’y appesantir, on retrouve le même type d’ontologie chez Deleuze, commentant à la fois Whitehead et Bergson :
« Finalement au fond de l’événement il y a des vibrations. Au fond des événements actuels il y a des vibrations. Le premier stade c’était le « many », des vibrations n’importe comment, des vibrations aléatoires. Pour ceux qui connaissent Bergson, peut-être que vous vous rappelez la splendide fin de Matière et Mémoire, le fond de la matière est vibration et vibration de vibrations. La correspondance avec Bergson se révèle à toutes sortes de niveaux, c’est des philosophies très proches. Tout est vibration. Pourquoi la vibration met-elle déjà ce début d’ordre ? C’est parce que toute vibration a des sous-multiples et s’étend sur ses sous-multiples. La propriété de la vibration c’est de s’étendre sur ses sous-multiples » [1].
Mécanique ondulatoire, théorie du chaos, théorie des cordes, mouvements browniens… autant de métaphores et de comparaisons physiques qui seront utilisées pour décrire l’instabilité du social. Le social est composition de rythmes qui s’accordent et se désaccordent.
Des alliés pour une méthodologie à la hauteur.
Ce qui nous intéressera peut-être davantage, c’est le fait que penser le social comme rythme ne manque pas de déboucher sur des exigences méthodologiques. Comme la réalité est fluente, l’observation exige d’en suivre le rythme. La méthodologie sera celle du pistage. Elle s’intéressera moins aux objets sociaux consistants qu’à déceler les petites différences qu’ils génèrent et surtout qui les font être. Moins à saisir l’identité que les flux infinitésimaux qui lui sont sous-jacents et constitutifs. La méthodologie appelle à des ethnographies attentives aux petites occurrences. Par exemple, au niveau de l’approche du politique, à une micropolitique plutôt qu’à une macropolitique, comme le met en œuvre l’analyse que propose Yann Bérard de l’Union européenne, en s’appuyant d’ailleurs explicitement sur les travaux de Deleuze et Guattari. Dans cette perspective, l’Union européenne se présente moins comme institution stabilisée que comme multiplicité de flux agissants, au mieux comme « consolidation (ce qui) suppose la superposition de rythmes disparates, de mouvements, ou d’articulation par le dedans d’ »inter-rythmicité » (Deleuze et Guattari 1980, p. 405-406). En ce sens, la consolidation ne se contente pas de venir après-coup, mais elle décrit en elle-même un processus singulier, à la fois itératif et inventif. » (Bérard 2017, p. 6).
Plutôt que James et la distinction qu’il propose entre méthodes « ambulatoire » et « saltatoire », privilégiant le caractère « errant », « nomade » de la première, ce serait toutefois Peirce qui nous offrirait les meilleures ressources pour saisir ce que pourrait être une méthodologie à la hauteur des exigences d’une attention au sensible. Pour reprendre la terminologie peircienne, il s’agirait de réfléchir à des approches qui s’appuieraient sur une attention à la priméité – celle de la spontanéité, de l’impalpable, de l’inattendu, de l’affectuel – plutôt que d’emblée sur la tiercéité – les conventions, les formes sociales stabilisées, les institutions (Quéré 2015). Une priméité qui, pour Peirce, est d’ailleurs, rappelons-le, le domaine de l’esthétique.
Peirce a en effet réfléchi frontalement à cette question des manières non seulement susceptibles d’appréhender ces réalités impalpables, fluentes, mais surtout de privilégier des approches elles-mêmes nomades, à l’écoute, attentionnées à leur objet, l’autorisant à se manifester, empêchant que les théories, les conceptualisations ne l’écrasent. On se souvient par exemple des travaux où Ginzburg, s’appuyant sur Peirce, évoquait une connaissance indiciaire opposée au modèle cartésien, cette connaissance indiciaire qui rapprocherait le sociologue du policier ou du paléontologue (Ginzburg 1989). Mais plutôt que sur cette connaissance indiciaire, mon intérêt se portera sur la manière dont Peirce cherche à décrire un cheminement de l’esprit et de l’imagination qui pourrait être à la hauteur d’une approche que, à la suite de Parret, j’ai appelée modo aesthetico. Confronté à cet enjeu, Peirce évoque le terme anglais musement, que l’on pourrait peut-être traduire en évoquant une pensée errante, rêveuse, ouverte aux occasions, à la sérendipité, à l’imagination, à ce que les psychanalystes appellent parfois le « jeu libre » :
« Peirce terms this imaginative play musement, and it is what makes abduction possible, that is, a particular state of mind which passes freely from one thing to another. Musement is a mental state characterized by free speculation, without rules or purpose or limits of any kind. The mind plays with ideas and can sustain a dialogue with what it perceives, a dialogue not only of words but also of images, in which the imagination plays an essential part » (Barrena 2013).
Ou encore, plus directement en rapport avec l’accès au sensible :
« The task of Peirce’s muser is to freely see, hear, touch, and so forth, a puzzling object, phenomenon or event. The investigator’s assumption gives an unthinking, intuitively formed, and spontaneously chosen personal belief, working with no plan or strategy but spontaneously supplying his or her plausible hypothesis for the observed work of art » (Gorlée 2009, p. 224).
Chez Peirce lui-même, comme chez ses commentateurs, les illustrations de ce que cherche à saisir le musement se rapportent d’ailleurs souvent à des termes musicaux, comme « tone, pitch, rhythm, harmony, and tempo » (Gorlée 2009, p. 209) – parmi lesquels, bien entendu, les rythmes, que ceux-ci soient envisagés comme scansions ou comme intensités.
Dans sa rythmanalyse, Lefebvre parlera lui de disponibilité, d’éveil des sens, en appelant à faire place à l’aesthesis :
« Le rythmanalyste fait appel à tous ses sens. Il se sert comme repères, de sa respiration, de la circulation de son sang et des battements de son cœur, du débit de ses paroles… Il pense avec son corps, non dans l’abstrait, mais dans la temporalité vécue… Il ne néglige surtout pas l’odorat, les senteurs, les impressions si fortes chez l’enfant et chez beaucoup d’êtres vivants que la société atrophie, neutralise, pour arriver à l’incolore, l’inodore, l’insensible » (Lefebvre 1992, p. 33).
Les penchants rythmique et esthétique de l’urbanisme.
Comme on le voit, ce tournant esthétique est multiforme. Il affecte des enjeux théoriques (la désubstantialisation des entités sociales, une reconsidération de la subjectivité…), il déplace les intérêts de recherche (une attention aux émotions, à la sensibilité…), il oblige à interroger les méthodologies (la rythmanalyse…). Qu’en est-il plus spécifiquement dans l’approche de la ville et dans les politiques urbaines ?
Le tournant esthétique n’y est, comme nous l’avons déjà souligné, pas sans effet. Et, là aussi d’ailleurs, se repère la tension que dégageait Benveniste à propos du concept de rythme : d’un côté, une ville soumise au management du temps, une ville organisée avec ses scansions maîtrisées, une ville garantie – pour reprendre la terminologie introduite par Marc Breviglieri (2013) – et, de l’autre, une ville intensive, ouverte à l’inattendu, aux irruptions, etc. D’un côté, des politiques urbaines centrées sur des gestions d’ambiances, d’éclairages, de sons et lumières, des quartiers animés, des événements, des fêtes… le tout managé, ordonné, sécurisé, organisé. De l’autre, des irruptions inattendues, des manifestations qui débordent, des fêtes improvisées… Mais on verra comment aujourd’hui, dans les politiques de la ville, les deux tendances en viennent à se rejoindre, à s’articuler, au travers des imaginaires de la ludification, du fun, etc.
Pour aborder cela, je souhaiterais évoquer cinq tendances, cinq symptômes des nouveaux imaginaires politiques de la ville qui, d’une façon ou d’une autre, intègrent, ou donnent une place significative, voire centrale, à cette dimension esthétique, et donnent prise à ce que recèle le concept de rythme.
1) Sous l’influence de ce tournant esthétique, l’imaginaire de la ville attractive a connu et connaît une évolution très significative. Si, au départ, l’attractivité était principalement liée aux richesses patrimoniales (avec comme modèle Venise) ou encore aux grands lieux de la richesse dispendieuse et du consumérisme (Las Vegas ou Dubaï), avec comme facteurs incitants les grandes infrastructures culturelles (Bilbao), la conception sous-jacente de la culture a largement évolué, passant d’une conception des politiques culturelles de la ville en termes d’accès à des conceptions en termes d’animation. Moins donc des espaces, des lieux, que des flux, des intensités… pour reprendre, en la réinterprétant, la distinction de Castells. Et cette ville attractive, animée, intègre alors les deux accentuations du concept de rythme telles que je les ai distinguées précédemment, la scansion et l’intensification. Une ville attractive est une ville qui vit au rythme de ses animations, de ses fêtes, de ses événements sportifs ou culturels, de ses braderies… Une ville attractive se doit de rythmer sa temporalité, avec une scansion soutenue, dont certains moments seront à intensité forte, « effervescents ». Une exigence qui a d’ailleurs désormais ses managers, les experiential providers, les spécialistes de l’experiential marketing ou de l’experiential tourism.
De plus en plus aussi, la ville attractive est une ville qui, en dehors de ces événements particuliers, propose des aménagements urbains qui offrent à ses usagers des expériences esthétiques, des expériences qui éveillent, touchent, mobilisent la sensibilité. La montée en importance, dans le vocabulaire urbanistique, de l’idée d’ambiance l’atteste. Les urbanistes, les architectes, les designers, les aménageurs, les spécialistes du mobilier urbain ou de l’éclairage se devront de penser « ambiance », c’est-à-dire de penser, au-delà de ses exigences fonctionnelles, une ville « bonne à vivre », hospitalière, agréable… et, pourquoi pas, « sexy ». Alors que l’on avait tendance à penser la « ville garantie » comme une ville ordonnée, fonctionnelle, la ville se doit désormais de devenir garante de son potentiel d’expériences plaisantes. Le management urbain doit désormais faire place aussi à l’inattendu, au spontané, au surprenant, à l’émouvant…
2) Une deuxième voie de pénétration du tournant esthétique se situe dans ce que l’on pourrait appeler son ancrage « naturaliste », porté pat l’imaginaire écologique.
On voyait déjà, chez Lefebvre, que le potentiel critique du concept de rythme renvoyait à des fondements naturalistes. Avec le capitalisme, les « bons rythmes » se trouvaient en effet « dénaturés ». C’est ce type de raisonnement que l’on retrouve aujourd’hui au cœur de l’imaginaire écologique, lorsqu’il en appelle à la redécouverte de rythmes plus naturels, la culture et les modes de vie actuels conduisant à des décrochements de plus en plus importants par rapport aux exigences corporelles.
Cette position, trop rapidement évoquée ici, constitue un point d’accrochage important pour repenser la ville. Avec en son centre la lutte contre de multiples processus ou effets urbains définis comme nuisances, sous l’horizon d’arguments hygiénistes ou sanitaires – stress, pollution, etc. Il s’agit alors de promouvoir des activités en phase avec les rythmes naturels et corporels. Les exemples ne manqueraient évidemment pas. J’en évoquerai quelques-uns :
a) C’est ainsi, par exemple, que les transformations des consommations alimentaires affectent l’espace et les pratiques urbaines. Les marchés évoluent, se transforment. Des fermes ou des potagers urbains voient le jour. De nouveaux commerces alimentaires apparaissent, privilégiant les produits bio. Le manger sain s’impose lentement, avec des produits obéissant à des circuits courts, dont l’empreinte écologique est réduite et qui ont l’avantage d’offrir du travail à des entreprises locales et artisanales, mais aussi de ressouder les pratiques alimentaires aux rythmes naturels.
b) Les enjeux de mobilité tendent actuellement à se structurer autour des mobilités « douces » (la marche ou le vélo), mais aussi des nouvelles techniques de déplacement : skate, trottinette, monoroue, gyroskate, hoverboard, gyropode… qui toutes ont ces propriétés à la fois :
– d’engager l’effort corporel, mais en incitant à y voir la conjugaison d’un plaisir (fun) et d’un bien sanitaire, comme on le voit avec les discours faisant l’apologie du jogging par exemple ;
– de ménager cet effort corporel en l’apaisant au travers de prothèses électriques et d’améliorations techniques, proposant des déplacements urbains « cool and fun » ;
– d’esthétiser le déplacement, aux différents sens du terme « esthétique » : en le chorégraphiant, en permettant et en favorisant des stylisations, des figures ; en intensifiant le rapport sensible à l’espace ; en en faisant des opportunités démonstratives, que ce soit au travers des prouesses, des tenues vestimentaires… ;
– de mettre au second plan la dimension fonctionnelle du déplacement, en en faisant une occasion, une source de plaisirs ;
c) Dans le cadre de la montée de cet imaginaire écologique, on pourrait également évoquer les multiplies stratégies de verdurisation de la ville : les parcs, les espaces verts bien sûr, mais aussi la montée ou la redécouverte des pratiques de jardinage domestique, dont les justifications renvoient assez systématiquement à une esthétique du plaisir (se cultiver soi-même, retrouver le goût des bonnes cultures…), mais aussi à une reconnexion avec les rythmes naturels, ceux des saisons, de l’ensoleillement, de la pluviométrie…
3) Comme nous l’avons déjà suggéré, si l’impératif d’attractivité a offert une place centrale et inédite aux enjeux culturels des politiques de la ville, ceux-ci ont connu des déplacements importants, qui se concrétisent aujourd’hui au travers d’un imaginaire de la ville ludique, de ville fun. Avec le « fun », c’est une autre dimension de l’aesthesis qui est retrouvée, celle qui était depuis toujours au cœur de l’expérience esthétique : la dimension du plaisir.
La ville « fun » n’est plus la ville embellie, la ville patrimoniale, le ville culturelle… La ville animée certainement, mais au sens où cette animation n’est pas pensée comme spectacle, mais suppose des engagements actifs de la part de ceux qui la vivent. Walter Podilchak décrit remarquablement bien les conditions qui favorisent, mais aussi qui empêchent, le « fun » :
« 1) [C]’est une activité qui se manifeste d’une manière active et qui demande de la participation ; 2) il existe un sentiment d’implication totale de la part des participants ; 3) les individus développent entre eux un attachement réciproque, positif et affectif ; 4) l’individu développe le sentiment d’avoir contribué avec les autres participants à créer et à entretenir un acte social ; 5) l’égalité au plan des habiletés sociales s’établit entre les participants ; 6) les participants ont un sentiment de liberté de choix. Quatre obstacles qui empêchent l’émergence du plaisir (fun) comme étant une réalité sociale construite, ont aussi été notés : 1) un participant devient spectateur au lieu d’être un individu unique dans le cadre de l’activité ; il commence à sentir que ceux qui l’entourent se préoccupent peu de sa présence ; 2) les participants ne réagissent pas réciproquement et spontanément, ils réagissent entre eux avec prudence, sans franchise ; 3) des inégalités s’introduisent, détruisant ainsi l’égalité déjà existante dans le cadre de l’activité ; 4) la fatigue individuelle, le manque d’appui, de soutien » (Podilchak 2013, p. 685).
Appliqué aux politiques urbaines, cela conduit à des apprêtements urbains que décrit par exemple Sonia Curnier, en distinguant notamment les jeux aquatiques, les mobiliers interactifs, les sculptures engageantes et les topographies artificielles (Curnier 2014). À ces exemplifications, qui touchent à des aménagements urbains, on pourrait ajouter une panoplie d’activités qui rencontrent au moins quelques-unes des conditions évoquées par Podilchak. Les théâtres, les conteurs ou les musiciens de rue, les fêtes des voisins, les brocantes, les danses collectives, les flash mob, les bals urbains… Sans oublier les modes de déplacement déjà évoqués précédemment, et qui permettent un funmoving que proposent désormais de nombreuses villes. Sonia Lavadinho et Yves Winkin (2009) ont cherché à théoriser le concept de ville ludique : « Nous avons défini le mot ludification à partir de « ludique » et de « fluidification » pour évoquer justement cette capacité des villes à augmenter les déplacements en modes actifs grâce à un recadrage ludique, qu’il soit éphémère ou permanent, des espaces traversés » (Lavadinho 2011, p. 15). De plus en plus s’y ajoutent les usages d’applications numériques pour parcourir-découvrir les espaces urbains, en favorisant des processus d’immersion ludique, comme le propose ce texte extrait d’un atelier intitulé « L’art urbain numérique sublime la smart city » :
« A l’ère de la ville collaborative, organisée en un laboratoire citoyen, connecté et ouvert, les dispositifs d’art urbain numériques apparaissent comme un moyen privilégié d’expression libre et de reconquête des territoires. Mais ils apparaissent aussi comme des supports privilégiés pour faire de la ville une œuvre d’art pensée comme une véritable expérience. Une immersion dans l’histoire, en faisant parler les trésors du patrimoine, une immersion sous forme de parcours, pour redécouvrir les lieux et gamifier les espaces, une immersion, enfin, dans ce qui fait le cœur brûlant des villes : les communautés humaines qui les composent » [2].
4) Comme on le sait, les politiques urbaines intègrent aujourd’hui l’imaginaire de la participation citoyenne. Par rapport à l’hypothèse d’un « tournant esthétique », ce qui est intéressant à ce niveau c’est d’observer une prise de distance par rapport au monopole que détenait le modèle argumentatif, habermassien, de la participation (Berger 2017). De nombreuses expériences attestent aujourd’hui d’un tournant esthétique de la participation, au sens où les dispositifs participatifs intègrent de plus en plus des dimensions infra-discursives ou infra-propositionnelles qui sollicitent des formes d’engagement mobilisant fortement la sensibilité : dérives urbaines, promenades commentées où les citoyens sont appelés à signifier leurs états affectifs, usages d’appareils photographiques jetables, expériences théâtrales, jeux de rôles… La participation cherche ainsi à s’appuyer et à se nourrir des expériences sensibles de l’espace. Il s’agit non seulement de « respecter le rythme des associations et des citoyens », comme le suggèrent certaines chartes portant sur la participation [3], mais de susciter, de la part des citoyens, des formes de subjectivation expressive.
5) J’évoquerai, enfin, les caractéristiques rythmiques des nouveaux mouvements urbains. Les Indignés, Nuit Debout, les occupations, les squats également, obéissent à des logiques fort différentes des mouvements sociaux plus traditionnels. Du point de vue rythmique, une manifestation obéissant à une temporalité et un parcours balisés est très différente de l’occupation d’un espace public, où les revendications politiques se mêlent aux événements festifs, aux animations culturelles, où l’improvisation le dispute au souci de maîtrise et d’éviter les débordements, où militants et artistes se côtoient, où la continuité de l’occupation permet des survenances inattendues, des intensifications, là où les manifestations organisées répondaient et répondent encore à des schémas attendus, seulement perturbés par des irruptions considérées alors comme transgressives et dénoncées – celles par exemple des « casseurs ».
Mises ensemble, ces différentes dimensions invitent, je pense, à réfléchir sérieusement à cette hypothèse d’un tournant esthétique des politiques de la ville, pour en mieux comprendre les atouts, mais aussi, sans doute, les risques.