Où étiez-vous donc dans la nuit du 3 au 4 mars ? En boîte ou au cœur d’une belle nuit d’amour ? Ignares ! L’Europe, l’Afrique, l’Asie ainsi qu’une partie de l’Amérique avaient pourtant rendez-vous avec une éclipse totale de Lune. Peu rare mais spectaculaire le phénomène n’en constituait pas moins une très belle occasion pour remarquer son étonnante absence du champ des sciences sociales. Cosmologies, fictions, rumeurs, arsenal juridique, stratégies économiques et de pouvoir, nouvelles pratiques spatiales…le menu était pourtant consistant. Qu’importe : grâce à une faille dans le Traité de l’Espace stipulant qu’aucune nation ne peut devenir propriétaire de terrains extraterrestres, certains particuliers (qui ne sont pas une nation) ne les ont pas attendus pour mettre en vente les vastes étendues foncières lunaires, futurs espaces périurbains de la planète Terre.
Construire sa ville sur la Lune, grâce à MoonShop, n’est, certes, pas à portée de tous : le coût d’une aire urbaine s’élève actuellement à près de 5 500 $ et Luafornia, Tycho-City ainsi que New-Berlin sont en voie de fondation. De nombreux bars doivent déjà s’y être implantés au vu du nombre de mugs que vends aussi la boutique… Si vous aviez manqué l’éclipse des 3-4 mars, n’hésitez alors pas à rejoindre le groupe de ces mécréants prêt à avancer que « La Lune n’existe pas, je ne l’ai pas rencontrée ». C’est pourtant bien ce qu’avance Wiliam Karel, cinéaste documentariste, auteur d’Opération Lune : « Et si le film du premier homme marchant sur la Lune n’était qu’une superproduction hollywoodienne ? », tout comme les attentats du 11 septembre dont chacun sait avec certitude – ou, à défaut, aplomb – qu’ils n’ont constitué qu’une vaste machination ? La chaîne de télévision Arte avait organisé un débat à cette occasion que l’on peut d’ailleurs lire entièrement retranscrit. Théories du complots, vos voies (voix) restent impénétrables…
Dans une vraie logique poppérienne, un des arguments-phare de ces sceptiques se fonde sur l’annonce par la NASA en août 2006 de la perte des cassettes originales de la mission Apollo 11, celles où l’on entend l’astronaute Neil Armstrong, premier homme à avoir marché sur la Lune, le 21 juillet 1969, prononcer la célèbre phrase : « Un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour l’humanité » . D’ailleurs, un petit pas pour UN homme et non pour l’homme si l’on en suit les conclusion de Peter Ford, programmeur australien en informatique qui s’est procuré sur un site Web de la NASA (avant donc qu’elles ne soit perdues), un enregistrement audio des mots déclamés par Armstrong. Sommes-nous si loin de Popper et de sa réfutabilité ? Pas tant que cela : interrogé sur cette analyse informatique, Armstrong déclarait : « J’ai examiné les données et l’analyse de Peter Ford et je trouve cette technologie intéressante et utile. J’ai également trouvé sa conclusion convaincante. Convaincante est le mot approprié » (Houston Chronicle, 3 octobre 2006): Armstrong ne ferait-il pas là de la science comme Monsieur Jourdain de la prose ? En attendant, les passionné-e-s pourront se régaler des quelques 1 800 000 clichés (total de 55 Go ou 9 CD-ROM) issus de la mission Clémentine (lancée le 25 janvier 1994 et restée 71 jours en orbite lunaire), mis à disposition sur ce site par le Centre National d’Etudes Spatiales. Toutes fausses ? On ne prend pas des mouches avec du vinaigre.
Mais athées et agnostiques constituent malheureusement une espèce en voie de disparition, il faut en conter d’autres au capitalisme matérialiste pour l’en convaincre. La preuve : le 19 décembre, la NASA et Google signaient en effet un accord ouvrant un partenariat avec le Centre de Recherche Ames, le « labo » de l’agence spatiale américaine, situé au cœur de la Silicon Valley. Objectif de cet accord : mettre à disposition les contenus considérables de l’odyssée spatiale à la portée du commun des mortels. Au menu : une météo mondiale en temps réel, le trajet des missions spatiales de la NASA, ou encore la Lune et Mars en 3D. Si Google avait déjà adapté ses « maps » à la Lune et à Mars, ce nouveau partenariat envisage de distribuer une modélisation en relief des plus précises. « L’accord entre la NASA et Google permettra bientôt à chaque Américain de s’offrir un vol virtuel à travers les canyons de Mars », promettait à cette occasion l’administrateur de l’Agence spatiale Michael Griffin. Out, totalement has been, donc, la ville française de Cannes lorsqu’elle propose comme elle le fait depuis le 01 mars 2007 de visiter sa ville en 3D de manière encore plus fine que ne le font déjà Paris et Rennes…
Le projet n’en est pas moins séduisant : la ville propose une immersion totale dans ses rues via le recours à la modélisation en trois dimensions (une grande première à l’échelle européenne). La totalité de son territoire a été modélisé soit 21 km2 et près de 220 000 bâtiments auxquels s’ajoutent la végétation avec des arbres d’une hauteur supérieure à 5 mètres et les principaux mobiliers urbains. Issu d’un projet subventionné par le Conseil Général des Alpes Maritimes et lancé en 2004, Cannes 3D (un intéressant entretien à découvrir avec les responsables du service SIG de la Ville) a trois objectifs : l’aide à la décision (complément du Plan Local d’Urbanisme), la prévention des risques liés aux catastrophes naturelles par le biais de simulations, mais surtout….la promotion de la ville. Heureusement qu’il y en a pour garder les pieds sur terre, n’est-ce pas ?